Il y a une grosse incompréhension sur le revenu universel

Par Jean-Eric Hyafil  |   |  858  mots
Réponse aux détracteurs du revenu universel. Par Jean-Eric Hyafil, doctorant en économie, Centre d'Economie de la Sorbonne.

Si le sujet du revenu universel fait polémiquer les candidats aux primaires de la gauche, il semble qu'ils aient une très mauvaise maîtrise du sujet et qu'ils n'en maîtrisent pas les tenants et les aboutissants. Beaucoup trop cher et donc non finançable, pour Arnaud Montebourg. Nous ne voulons pas  d'une "société de l'assistanat ou du farniente", surenchérit Manuel Valls.

 Et pourtant, une analyse approfondie du revenu universel démontre d'une part que dire qu'il coûte trop cher n'a aucun sens économique, d'autre part que le revenu universel est paradoxalement plus favorable à l'emploi que le système actuel.

Analyser les effets redistributifs de la réforme fiscale plutôt que le coût du revenu universel

 Nous parlons ici de propositions de revenu universel comprises entre 500 € et 750 €, qui ne remplaceraient que le RSA, la prime d'activité et éventuellement les aides au logement. Le système assurantiel du chômage, de la retraite et de la santé sont bien évidemment maintenus.

Le budget brut d'un tel revenu universel est effectivement compris entre 300 et 500 milliards suivant le montant. "Impossible à financer!" direz-vous. C'est que vous n'avez pas fait le bon raisonnement.

 Toute proposition de revenu universel va forcément de pair avec une proposition de financement qui permet d'assurer l'équilibre budgétaire. Le financement repose le plus souvent sur l'impôt sur le revenu ou la CSG, même si l'on peut aussi trouver des compléments en augmentant l'impôt sur le patrimoine ou en luttant plus efficacement contre l'évasion fiscale des particuliers et contre l'optimisation fiscale des multinationales. Donc oui, le revenu universel, c'est finançable.

Effets redistributifs importants

La question importante n'est pas de savoir si l'indicateur de dépense publique ou de prélèvement obligatoire augmente. Ce qui intéresse les citoyens, c'est de savoir si la réforme fiscale introduisant le revenu universel augmente ou diminue leur revenu disponible sachant que tous paieront plus d'impôts mais tous recevront aussi un revenu universel. Ce sont donc les effets redistributifs qui sont importants, pas le coût budgétaire. Et en l'occurence, si les gagnants sont toujours les couples modestes et les travailleurs à bas salaire, les perdants ne sont pas toujours les mêmes suivant les propositions. Il existe en outre des propositions de revenu de base dont les effets redistributifs sont relativement proches de ceux opérés par le système actuel.

On peut être pour le revenu universel et vouloir le plein emploi

 Le deuxième préjugé à déconstruire, c'est l'idée suivant laquelle le revenu universel serait l'ennemi de l'emploi. Or le revenu universel ne dédouane pas l'État de tout mettre en oeuvre pour permettre que tout le monde ait accès à l'emploi. D'ailleurs, paradoxalement, on intègrerait bien plus facilement dans l'emploi avec un revenu universel qu'avec l'actuel système d'allocations pour les plus modestes. D'abord, le revenu universel accroît l'incitation monétaire à travailler : l'individu qui reprend un emploi sait qu'il conservera l'intégralité de son revenu universel. Au contraire les allocations proposées comme alternative au revenu universel, comme le revenu minimum décent, risquent d'être fortement dégressives, et donc de renforcer le risque de trappe à inactivité.

 Mais surtout, ce serait une erreur grossière que de croire que mettre des conditions pour bénéficier d'une allocation ─ comme celle de prouver que l'on fait des efforts de recherche d'emploi ─ est d'une quelconque efficacité. Surtout avec un revenu universel d'un montant aussi faible (500 € à 750 €). Ce qui permet le retour à l'emploi de la personne en recherche d'insertion, ce n'est pas le contrôle : c'est l'accompagnement, la formation, la recherche de solutions aux difficultés de transport ou de garde d'enfant, ou aux autres difficultés sociales.

 Justement, le revenu universel permet de décharger les fonctionnaires des Conseils Départementaux et des Caisses d'Allocations Familiales des tâches administratives liées au RSA et aux APL : instruction des des demandes d'aide, contrôle des papiers manquants, réponse aux doléances des allocataires... Elle permet alors de redéployer ces fonctionnaires vers de véritables missions d'accompagnement, et donc de rendre beaucoup efficace l'aide aux plus exclus.

Pas l'ennemi de l'emploi

Les défenseurs du revenu universel ne sont donc pas contre le plein emploi. En revanche, le revenu universel permet au travailleur de refuser un emploi ou des conditions de travail jugées indignes. Et d'ailleurs, même au plein emploi, il faudrait un revenu universel.

 Ainsi, contrairement à ce que pensent ses détracteurs, le revenu universel est bel et bien finançable et il n'est clairement pas l'ennemi de l'emploi. Si l'on ajoute à cela qu'il permet d'éviter à de nombreux ménages de tomber dans la pauvreté, qu'il donne à tous une autonomie accrue pour élargir ses choix de travail et de vie, qu'il rend plus clair la redistribution, qu'il simplifie le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et qu'il permet de redéployer des fonctionnaires vers de véritables missions d'accompagnement des usagers et des citoyens, alors on ne trouve que des bonnes raisons de défendre cette idée.