L'inculture économique et les idées reçues sur l'épargne qui plombent notre portefeuille et l'économie

Par Quentin Demé  |   |  759  mots
(Crédits : DR)
OPINION. À l'aune des résultats alarmants sur le niveau en français et mathématiques des étudiants de 4e, une autre matière mériterait une véritable réflexion : l'Économie. En effet, l'inculture économique en France a un impact particulièrement néfaste sur les individus et la société. Par Quentin Demé, Économiste et Professeur d'Économie et de Finance.

En France, en 2023, trop de chiffres restent encore très préoccupants :

Ces chiffres s'expliquent évidemment par différents facteurs qui reflètent de réelles inégalités territoriales, de sexe, d'âge, de qualifications, etc. Ces facteurs sont régulièrement pointés du doigt par différents économistes et penseurs et mériteraient une réflexion profonde sur le plan politique et social. Dans ce papier, nous souhaitons plutôt nous centrer sur un autre élément déterminant dans cette équation : l'éducation économique et financière pour tous.

En effet, un grand nombre de citoyens français n'a pas de connaissances économiques suffisantes et ce problème persistant ne vient pas seulement de l'accès à l'éducation. Beaucoup d'étudiants, très diplômés, peuvent avoir suivi un cursus d'étude complet type Bac+5 voire Bac+8 sans jamais avoir entendu parler d'économie. Cela doit changer !

Il y a quelques années, le Conseil sur la Diffusion de la Culture économique (Codice) avait essayé de mesurer la connaissance économique des Français. Résultats : la note moyenne des Français fut de 8,3/20, la catégorie des diplômés de l'enseignement supérieur n'ayant guère fait mieux avec 9,8/20.

Des conséquences au niveau micro et macro-économique

Au niveau individuel, ces lacunes ont pour conséquence de réduire le pouvoir d'achat des Français. À titre d'exemple, en janvier 2023, le Livret A a enregistré une collecte de près de 10 milliards d'euros suite à l'annonce de l'augmentation de sa rémunération à 3% au 1er février.  Même si ce rendement peut paraître attractif, lorsque l'on connaît les mécanismes économiques, nous mesurons son caractère contre-productif : l'inflation en France s'établissait à un niveau supérieur : 5,2%.

Conséquence : en épargnant, vous perdez du pouvoir d'achat !

Pour résumer simplement, prenons un exemple :
Une table coûte 100 euros au 1er janvier. Vous détenez 100 euros, mais préférez les placer. Le 31 décembre, vous décidez finalement d'acheter cette table et retirez donc les 100 euros placés sur votre Livret A. Avec les intérêts, vous avez désormais 103 euros sur votre compte en banque.

Malheureusement, à cause de l'inflation, la table coûte désormais 105,2 euros. Conséquence : Vous ne pouvez plus acheter ce bien.

Imaginez si vous aviez procédé ainsi pour un achat de plusieurs milliers d'euros, comme une nouvelle voiture, indispensables pour de nombreux Français dans leur quotidien.

Par cette illustration, nous ne voulons pas inciter à tout acheter tout de suite, mais expliquer qu'il existe des alternatives accessibles à tous les budgets. Cet argent aurait pu être investi en bourse par exemple, et ce, même avec une faible connaissance. En effet, des produits tels que les trackers (produits financiers qui suivent l'évolution d'un indice boursier) permettent d'investir par exemple sur le CAC 40 qui, sur les 50 dernières années, a permis un rendement annuel moyen autour de 6%.

In fine, ces lacunes conduisent à une perte réelle de pouvoir d'achat ainsi qu'au creusement des inégalités entre les citoyens. L'ouvrage de Thomas Piketty « Le Capital au 21e siècle » met en lumière ces éléments : après impôts, 1% des salariés les plus riches gagnent 4 fois plus que le salaire moyen tandis que 1% des détenteurs des plus gros patrimoines possèdent 205 fois plus que le patrimoine moyen. Cela s'explique par une loi économique défendue dans ce livre : les revenus des placements du capital (intérêts, dividendes, loyers ...) augmentent plus rapidement que les salaires.

Et le drame ne s'arrête pas là, puisque ce qui se joue au niveau individuel a des conséquences sur l'économie dans son ensemble. Un chiffre permet de nous rendre compte de l'ampleur du sujet. C'est celui de l'économiste américain Edmund Phelps, prix Nobel d'Économie en 2006, qui affirme que l'inculture économique des Français coûterait 1 point de PIB chaque année à la France !

Au regard de tous ces éléments, vous admettrez que l'enseignement de l'économie est d'utilité publique. Nous demandons donc que l'économie soit désormais dispensée le plus largement possible : au lycée pour tous les étudiants, indépendamment de leur spécialité ou option et même dès le collège.