
Depuis deux mois, la guerre d'agression de la Russie à l'encontre de l'Ukraine focalise toutes les attentions. Si la préoccupation à l'égard de cet affrontement et de ses conséquences est aussi compréhensible que légitime, elle ne doit pas conduire à négliger les autres conflits de même nature, c'est-à-dire opposant de petites démocraties désarmées face à des États autoritaires surpuissants. Elle le doit d'autant moins que ces États autoritaires profitent précisément d'une actualité médiatique oublieuse de leurs forfaits passés pour préparer leurs crimes futurs.
L'attaque conduite en septembre 2020 par l'Azerbaïdjan à l'encontre des Républiques d'Arménie et d'Arsakh n'a certainement pas pris fin avec le cessez-le-feu de novembre de la même année. Depuis lors, le régime d'Ilham Aliev continue sans relâche ses opérations de guerre psychologique et même de guerre tout court pour parvenir à ses buts : l'épuration ethnique définitive des Arméniens d'Artsakh et - pourquoi pas ? - de toute l'Arménie demain.
En dépit du cessez-le-feu, en dépit des soldats russes censés l'assurer, il n'y a désormais plus une semaine en Artsakh sans qu'un civil venu réparer une canalisation, sans qu'un paysan qui cultivait son champ ne soit blessé ou assassiné par un sniper azéri. Il n'y a désormais plus une semaine sans qu'ici où là, la soldatesque de Bakou ne procède à de nouveaux empiétements territoriaux, qui sont tous critiques sur un territoire aussi réduit. Et que dire de cette panoplie de manœuvres cyniques et cruelles déployées par l'autocrate du Caucase : condamnation des prisonniers de guerre et des civils capturés, en violation des engagements pris par Bakou à la suite du cessez-le-feu et d'ailleurs en violation de toutes les conventions internationales ; menaces de mort proférées par haut-parleurs à l'encontre des Arméniens autochtones de l'Artsakh afin de les inciter à quitter leurs terres ancestrales. Ou encore pendant tout le mois de mars - et peut-être derechef demain - sabotage délibéré du seul gazoduc alimentant le pays en énergie alors que règnent dans la région des températures proches de moins dix degrés.
La garantie russe est fragile et sujette à caution
Les derniers développements de cette occupation militaire azerbaïdjanaise ont montré combien la garantie russe est fragile et sujette à caution : Il n'a pas fallu moins de quatre jours pour que l'armée azerbaïdjanaise - qui avait à nouveau avancé en territoire artsakhiote et pris un village situé sur les hauteurs, provoquant l'exode de ses habitants et de ceux d'autres villages situés en contrebas - accepte de reculer. Encore faut-il souligner que ce retrait, incertain à l'heure qu'il est, doit sans doute beaucoup à la déclaration commune de la France, des Etats-Unis et de la Russie qui pointait pour une fois la responsabilité du seul régime de Bakou. Cet épisode montre combien le retour des Occidentaux, aux côtés des Russes, est indispensable pour dissuader Ilham Aliev dans ses entreprises éradicatrices, en renforçant les garanties de sécurité dues aux Arméniens peuplant l'Artsakh. Car n'oublions pas que les autocrates savent s'entendre : Dès le 23 février, dès qu'il fut assuré par l'Union européenne de recevoir deux milliards d'euros dans le cadre d'un programme d'investissement censé faciliter le transit des ressources azerbaïdjanaises vers l'Europe, Ilham Aliev s'est empressé de conclure une alliance stratégique avec Vladimir Poutine qui berne les Européens en renforçant l'emprise russe sur l'infrastructure énergétique azerbaïdjanaise.
Que peut alors peser le sort de cent vingt mille Arméniens dans les négociations énergétiques et géopolitiques ? Qui peut assurer que la seule présence russe censée garantir le cessez-le-feu suffira pour sécuriser les Arméniens d'Artsakh. Les Européens ont montré qu'ils savent tenir tête à une puissance importante telle que la Russie, dont ils dépendent pourtant tant du point de vue énergétique que du point de vue agricole ou de celui des ressources minières et des infrastructures cruciales pour nos industries aéronautiques et spatiales. Nous considérons que la France et l'Union européenne doivent aussi soutenir les initiatives logistiques et humanitaires visant à assurer la sécurité et le droit à la vie des populations en Artsakh. Elles doivent également prendre des sanctions commerciales et financières contre les dirigeants azerbaidjanais. S'engager dans un tel régime de sanctions, c'est ne pas transiger avec les valeurs dont nous nous réclamons mais c'est surtout réduire le risque d'épuration ethnique qui menace toujours des Arméniens d'Artsakh.
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(1) Liste des signataires:
François PUPPONI, Député du Val d'Oise, Président du Cercle d'Amitié France-Artsakh
Michel AMIEL, Maire des Pennes-Mirabeau
Emmanuelle ANTHOINE, Députée de la Drôme
Valérie BOYER, Sénatrice des Bouches-du-Rhône
Danièle CAZARIAN, Députée du Rhône
Jean-Paul BRET, Ancien Maire de Villeurbanne
Luc CARVOUNAS, Maire d'Alfortville
Jean-Pierre CUBERTAFON, Député de la Dordogne, Vice-président du Cercle d'Amitié France-Artsakh
Patrick CURTAUD, Vice-Président du Département de l'Isère
Nicolas DARAGON, Maire de Valence
Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Députée du Pas-de-Calais
Gilbert-Luc DEVINAZ, Sénateur du Rhône
Pascal DOLL, Maire d'Arnouville
Bernard FOURNIER, Sénateur de la Loire
Patrick HADDAD, Maire de Sarcelles
François-Michel LAMBERT, Député des Bouches-du-Rhône
Jean LAUNAY, Membre Honoraire du Parlement
Constance LE GRIP, Députée des Hauts-de-Seine
Richard MALLIE, Maire de Bouc-Bel-Air
Alain NERI, Membre Honoraire du Parlement
Gaël PERDRIAU, Maire de Saint-Etienne
Florence PROVENDIER, Députée de Seine-Saint-Denis
Jacques REMILLER, Ancien Député de l'Isère
René ROUQUET, Membre Honoraire du Parlement
Isabelle SANTIAGO, Députée du Val-de-Marne, Vice-présidente du Cercle d'Amitié France-Artsakh
Monique SLISSA, Ancienne Maire des Pennes-Mirabeau
Guy TEISSIER, député des Bouches-du-Rhône
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