L'engagement climat : un pari nécessaire pour la Chine

La Chine a annoncé la création dès 2017 d'un marché national du carbone. Une forte avance par rapport au calendrier prévu, et le signe d'un engagement chinois dans la lutte contre le réchauffement climatique. John Seaman, chercheur, Centre Asie, Ifri

Bête noire des négociations climatiques de Copenhague en 2009, la Chine se montre plus volontaire pour permettre un accord global lors des négociations qui auront lieu à Paris en décembre. Au-delà de la question du changement climatique, les autorités chinoises se trouvent aujourd'hui contraintes à s'engager sur ce dossier pour raisons de politique interne (ou politico-économiques internes) ?

Le Président Xi Jinping en visite à Washington a annoncé l'établissement en 2017 d'un marché national de carbone. Initialement prévu pour 2016, personne n'attendait avant 2020 l'établissement de ce marché, qui deviendrait le plus grand du monde, devant le marché européen. Ce projet ambitieux ne forme qu'une partie des engagements plus larges pris par la Chine en amont de la COP21. Parmi les autres figurent un pic des émissions de CO2 d'ici 2030 (sans toutefois de chiffrage précis), une augmentation de la part des énergies non-fossiles jusqu'à 20% de son « mix » énergétique global en 2030 (contre environ 11% actuellement), et une réduction de l'intensité en CO2 du PIB chinois PIB de 60-65% en 2030 par rapport à son niveau de 2005 (le pays s'était déjà engagée en 2009 sur une réduction de 40-45% en 2020).

Des efforts colossaux

Sans aucun doute, la Chine s'engage à faire des efforts colossaux. Atteindre son objectif des 20% d'énergies non-fossiles supposerait ainsi que le pays se dote d'une capacité de production électrique annuelle provenant de ces sources de l'ordre de 8 000 à 10 000 gigawatts, soit l'équivalent de toute la production électrique (fossile et non-fossile) des Etats-Unis aujourd'hui. Réussir cet objectif au cours des 15 prochaines années est une entreprise gigantesque. Mais avec le ralentissement de son économie qui se confirme, plusieurs experts chinois estiment qu'un pic des émissions en 2025, voire même en 2020 est possible. Quant à l'intensité carbone de la Chine, l'Agence internationale de l'énergie estime qu'une réduction de 80% d'ici 2030 serait nécessaire pour limiter la hausse des températures mondiales à 2°C.


Des défis politiques, des engagements nécessaires

Si la Chine s'est ménagée une marge de manœuvre dans ses engagements, c'est que les défis - de nature logistique et industriel, mais aussi politique - sont nombreux. De nombreuses réformes seront nécessaires - y compris une douloureuse libéralisation des marchés énergétiques - qui toucheront au cœur des intérêts entremêlés des sociétés d'Etat, du gouvernement (au niveau local comme national) et du Parti.

Du courage politique...

Faire face à de tels intérêts demande du courage politique. Or, si la campagne anti-corruption menée depuis 2013 a permis à Xi Jinping de renforcer son pouvoir et d'avoir les coudées plus franches pour promulguer les réformes, elle a aussi considérablement affaibli l'élan réformateur. Certaines administrations locales et sociétés d'États se sont en effet retrouvées privées de leur direction et la peur de faire des erreurs s'est installée, conduisant à l'immobilisme. Certains s'interrogent même sur les effets à terme de cette lutte anti-corruption sur la stabilité du régime - en sortira-t-il renforcé ou plutôt affaibli ?

Répondre aussi à des revendications sociales

Si le leadership prend des risques politiques, c'est aussi parce que la réforme est nécessaire. Au-delà de la lutte contre le changement climatique, les engagements de la Chine s'inscrivent dans une stratégie plus large pour assurer le développement économique, la légitimité du Parti et la stabilité politique. Il s'agit d'une part de répondre aux revendications sociales de plus en plus pressantes en matière de protection environnementale et d'autre part d'orienter davantage l'économie chinoise vers des industries à plus forte valeur ajoutée.

Avec un coût de main-d'œuvre de plus en plus élevée, la Chine a perdu en compétitivité dans les industries manufacturières traditionnelles et le besoin d'un nouveau souffle économique se précise. Ce ne sont là que deux défis parmi d'autres pour la Chine, mais ils posent des problèmes sociaux, économiques, et par conséquent politiques, qui sont considérables. Tout échec majeur conduirait à remettre en cause la capacité du système politique à répondre aux besoins fondamentaux de la société.

Les autorités misent gros sur les voitures électriques, les énergies renouvelables...


La Chine compte combiner les réponses à ces deux défis en intégrant à la liste des « nouvelles industries stratégiques » les secteurs comme les voitures électriques, les énergies renouvelables, l'énergie nucléaire, les biofiouls, ou la capture et le stockage du carbone. Dans le 12è plan quinquennal chinois (2010-2015) ces secteurs ont d'ailleurs remplacé des industries plus traditionnelles comme le pétrole ou le charbon jusque là qualifiées de « stratégiques ». Dans ce contexte, les engagements climatiques marchent combinent deux objectifs : la Chine peut se positionner comme un acteur responsable et proactif sur la scène international, tout en se donnant des justifications pour faire avancer des réformes parfois difficiles en Chine même.

John Seaman est chercheur au Centre Asie de l'Institut français des relations internationales (Ifri) et co-auteur avec Aurélie Faure-Schuyer d'une étude pour l'Ifri « China's Coming of Age on Climate Change : Just in time for Paris ? », Note de l'Ifri, juin 2015.

https://www.ifri.org/fr/publications/enotes/notes-de-lifri/chinas-coming-age-climate-change-just-time-paris

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Commentaires 2
à écrit le 02/10/2015 à 12:23
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Dans le monde occidental les politiques censés défendre l'intérêt général ont abdiqué depuis longtemps sous l'influence toujours grandissante des lobbys qui eux ne représentent que des intérêts catégoriels . Si le pouvoir politique chinois a la volo...

à écrit le 02/10/2015 à 7:38
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La Chine a sans doute découvert que le salut consiste à augmenter le prix de l'énergie pour financer les charges sociales.

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