« L'Île-de-France est désormais le premier désert médical de France ! »

Par Stéphanie Le Meur et Hadrien Laurent  |   |  569  mots
Stéphanie Le Meur et Hadrien Laurent (Crédits : DR)
En l'espace d'une décennie, la région francilienne qui se prévalait autrefois de sa forte densité médicale a vu son nombre de personnels de santé chuter drastiquement. La première région d'Europe a notamment, en dix ans, perdu des milliers de généralistes et est désormais le premier désert médical de France. Le cas de certains départements populaires devient dramatique, en témoignent notamment la situation sanitaire en Seine-Saint-Denis ou en Seine-et-Marne. Par Stéphanie Le Meur et Hadrien Laurent (*)

Lorsqu'on évoque le concept de « désert médical », affleurent à l'esprit des images d'Épinal de régions françaises rurales, éloignées des métropoles, faiblement peuplées. Bref, bien qu'elle comporte de nombreux territoires ruraux, tout sauf l'Île-de-France.

Pourtant, en 2022, l'union régionale des professionnels de santé (URPS) a publié les chiffres de l'accès à la médecine : plus de 60% des habitants de l'Île-de-France vivent dans un désert médical. En 2015, seuls 7% de la région étaient classés comme tel. Ce déclin est vertigineux.

Mais qu'entend-on précisément par « désert médical » ?

Cette notion a un sens très précis, elle renvoie aux zones au sein desquelles le nombre de consultations possibles, par an et par habitant, est inférieur à 2,5. L'accès aux soins élémentaires est donc devenu, pour près des deux tiers des Franciliens, soit 7,5 millions de personnes, un luxe bien plutôt qu'un droit fondamental.

Résultat, l'Île-de-France est aujourd'hui le premier désert médical de tout le pays. En dix ans, près de 20% des médecins généralistes sont partis à la retraite. Mais l'hémorragie ne se limite pas à la médecine généraliste, puisque la perte d'un quart des rhumatologues, gynécologues, dermatologues ou encore ophtalmologues est également à déplorer.

Évidemment, les situations divergent selon les départements

Les disparités correspondent d'ailleurs aux inégalités territoriales. Car si plus de 60% de la région est considérée comme un désert médical, ce chiffre monte à 84% pour la Seine-et-Marne et 93% pour la Seine-Saint-Denis. C'est moins de 30% à Paris.

Les plus optimistes ont beau jeu d'expliquer que 2024 marquera l'acmé de la désertification médicale française. Pour la région francilienne, le sommet du malheur est encore loin. Plus de la moitié des médecins d'Île-de-France sont âgés de plus de 60 ans, et près du quart ont dépassé les 65 printemps. La vague de départ à la retraite qui s'annonce dans les années à venir fragilisera encore plus les territoires les moins bien dotés.

Si les responsabilités sont partagées entre les décideurs politiques et les médecins eux-mêmes, l'heure n'est plus à la recherche du coupable. Ce qu'il faut désormais, c'est impulser des politiques publiques efficaces pour réduire autant que faire se peut la fracture territoriale médicale. Des solutions fermes doivent être prises par le gouvernement, et la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, doit aussi prendre sa part.

Depuis des années, nous, élus franciliens du groupe Socialiste, Écologiste et Radical, réclamons qu'une expérimentation de salarisation des médecins soit menée à l'échelle régionale pour agir sur les territoires les plus carencés. À six reprises nous avons défendu un amendement en ce sens. Finalement accepté sur le principe, mais toujours pas mis en œuvre, notre vœu ne doit pas rester lettre morte. La santé de millions de Franciliens en dépend.

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(*) Stéphanie Le Meur est Conseillère régionale depuis 2021, elle siège au sein de la Commission Santé. Elle est également adjointe au Maire dans la commune de Moissy-Cramayel et Hadrien Laurent est Conseiller régional depuis 2021, il siège au sein de la Commission Action sociale, Famille, Handicap. Il est Secrétaire général du PRG (Parti Radical de Gauche)