L'inéluctable disparition du cash

Par Michel Santi  |   |  559  mots
La disparition programmée et inéluctable du cash transfèrera le contrôle absolu de la masse monétaire aux mains des banques centrales. Par Michel Santi, économiste

En Suède, l'Eglise a dû s'adapter car les fidèles portent avec eux de moins en moins d'espèces. Il est donc devenu courant que, pour le service dominical, l'écran géant des églises situées dans des villes comme Stockholm affiche son compte bancaire, permettant ainsi aux paroissiens de sortir leur téléphone et de payer instantanément en faisant usage d'une application - « Swish » - mise en place par les banques du pays et qui rivalise désormais sérieusement avec les cartes de crédit. Pour la plus grande satisfaction des finances de l'Eglise comblée de dons se réalisant dorénavant très facilement car de manière électronique.

Un pays pionnier

De fait, la Suède est le pays pionnier en matière de paiements électroniques qui démontre de manière magistrale que les espèces sont en passe de devenir une relique barbare, comme je l'annonce moi-même depuis 2013. Les Sans Domicile Fixe eux-mêmes y sont désormais munis de terminaux lecteurs de cartes de crédit autorisant de recevoir les aumônes dans ce pays où les espèces représentent seulement 2% de l'économie suédoise. La Suède est en effet un pays où les commerçants n'hésitent pas à alerter la police si un client tente d'effectuer un paiement substantiel en cash. Car, comme le disent en substance les autorités, « il est suspect de payer en espèces »...

La disparition des espèces devient cruciale

De fait, la disparition des espèces devient aujourd'hui cruciale afin d'assurer la fonctionnalité des taux d'intérêt négatifs qui permettront de lutter efficacement contre le fléau déflationniste. En l'absence de politiques publiques permettant de stimuler nos économies du fait de pouvoirs exécutifs tétanisés par les déficits, la disparition programmée et inéluctable du cash transfèrera donc le contrôle absolu de la masse monétaire aux mains des banques centrales. Du coup, ce tout électronique renforcera considérablement le pouvoir de la banque centrale qui sera transformée en une banque universelle en concurrence frontale avec le système bancaire privé du point de vue de la récolte des dépôts. Certes, le secteur bancaire sera-t-il déstabilisé car dépossédé de ses privilèges? Toutefois, la stagnation séculaire de nos économies dictant l'instauration des taux négatifs raconte également l'échec cinglant de ce même système bancaire privé qui ne s'est nullement impliqué dans la relance de la croissance.

L'effet Bitcoin

Quant au grand public, sa réticence vis-à-vis de la disparition des espèces a diminué notablement ces dernières années sous l'influence du Bitcoin. Cette tendance irrésistible vers la digitalisation des moyens de paiement séduit en effet aussi les militants « anti-establishment », grands supporters du Bitcoin, et donc militants malgré eux de l'éradication du cash.

Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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