L’inflation ou le retour aux fondamentaux du commerce  ?

Par Alexandre Guérin  |   |  575  mots
(Crédits : DR)
OPINION. 3%, c'est la proportion de Français qui, en juin 2021, positionnaient l'inflation parmi les trois sujets les plus inquiétants. En juin 2022, ils sont 38% dans ce cas, souligne Alexandre Guérin. Les Français auraient-ils été pris de court ? Par Alexandre Guérin, Directeur général d'Ipsos en France

L'inflation est devenue la préoccupation première des Français et la confiance des ménages s'érode. L'Indice primaire de Confiance des Consommateurs qui avait atteint son plus haut niveau depuis 10 ans en septembre 2021 (49) s'est effondré (43,9) en juin 2022, atteignant un niveau comparable à celui de la crise des Gilets jaunes. Il a rapidement été possible d'identifier certaines stratégies des consommateurs pour faire face à cette dégradation de leur pouvoir d'achat. Les deux plus répandues du mois de juin étaient de différer certains achats (30%) et de rechercher les promotions (26%).

Mais les marques ne sont pas toutes égales face à ces enjeux. La demande, en réponse à l'augmentation des prix, est hétérogène pour les catégories de produits de consommation, et peut même l'être au sein d'une même catégorie. Le consommateur va donc réagir au cas par cas à une hausse du prix. On observe ainsi ce que l'on appelle « une plus grande élasticité de la demande au prix » pour les soins capillaires que pour le papier hygiénique ou encore pour le lait infantile : quand le prix augmente, la consommation baisse. Parmi les catégories les plus « élastiques », on trouve ainsi, dans l'alimentaire, le bio, dont les volumes accusent une baisse de 10% sur un an.

Refaire sa place dans les paniers des ménages

Que restera-t-il des comportements nouveaux adoptés par les consommateurs pendant les confinements successifs de 2020 et 2021 ? C'était la grande interrogation des professionnels des études de marché l'an passé. Les plus provocateurs d'entre eux formuleraient plutôt aujourd'hui la question suivante : que restera-t-il dans le panier des ménages une fois qu'ils auront restreint leur train de vie ? Ce changement de perspective implique un retour aux fondamentaux des études de marché. Au-delà de la mesure de « l'élasticité prix », toute marque doit désormais se questionner sur ce qui la rend non-substituable pour résister.

Une quarantaine d'années de données montrent que les marques les moins substituables sont celles qui font le pari continu de l'innovation, qui peut se matérialiser sous différentes stratégies : la réduction des formats (downsizing), par exemple, qui garde l'étiquette de prix inchangé, mais pour une quantité de produit moindre, peut s'avérer une option particulièrement payante dans des catégories pour lesquelles les décisions d'achat sont immédiates. Un changement de design ou un travail sur les bénéfices pour les rendre plus percutants et pertinents sont à contrario souhaitables pour accompagner une hausse de prix. Enfin, un produit nouveau, premium, sans concurrent direct, sera par nature moins vulnérable à une « guerre des prix ».

Le marché des boissons chaudes constitue un exemple intéressant d'utilisation combinée de ces différentes stratégies : l'offre déjà très large de thé en sachet (de la marque distributeur au très premium) est très compétitive tandis que celle en capsules pour machine est encore récente et limitée. Un format au caractère innovant qui permettrait à la marque leader de proposer 16 capsules pour le prix de 50 sachets de thé.

Ce retour aux fondamentaux du commerce s'impose plus que jamais aujourd'hui. Non pas parce que la digitalisation, la personnalisation de l'expérience ou encore la raison d'être des marques seraient déjà derrière nous, mais parce que l'urgence du moment est bel et bien de revenir aux bases des quatre « P » : produit, prix, placement et promotion.