L'Union européenne sans le Royaume-Uni, ça change quoi ?

Par Pierre Verluise  |   |  567  mots
Avant même le Brexit, le poids de l'Union européenne dans l'économie mondiale était en baisse. Qu'en sera-t-il après la sortie du Royaume Uni? « A l’occasion des Entretiens Enseignants-Entreprises, organisés par l’Institut de l’entreprise les 25 et 26 août à l’École polytechnique, Pierre Verluise* décrypte ce que serait l’Union Européenne sans le Royaume-Uni

Quel pourrait être l'impact du processus de déconstruction européenne engagé au Royaume-Uni par le référendum du 23 juin 2016 en faveur de la sortie de l'Union européenne ? Certes, l'article 50 du traité de Lisbonne permettant d'engager les négociations de retrait n'a pas encore été activé. Le « Brexit » pourrait ne devenir effectif qu'en 2019-2020. Pour autant, il est possible d'envisager sous divers angles une Union européenne sans le Royaume-Uni.

Pour commencer, le territoire de l'UE serait réduit, passant de 4,5 à 4,2 millions de kilomètres carrés. Certes, la perte semble réduite, mais il s'agit d'un territoire développé, équipé d'infrastructures modernes, connecté au système-Monde. Son niveau de vie est supérieur à la moyenne de l'UE. Reste à savoir ce que deviendrait l'Ecosse

 Population en baisse

La sortie du Royaume-Uni se solderait également par une diminution de sa population. Celle-ci passerait de 510 millions d'habitants à environ 443 millions, soit d'environ 7% de la population mondiale à environ 6%. Autrement dit, l'UE sans le Royaume-Uni serait moins peuplée que l'UE à 25 au 1er mai 2004 (450 millions d'habitants). Probablement avec un excédent accru des décès sur les naissances et un taux d'accroissement migratoire amoindri, l'UE s'engagerait encore davantage dans l'hiver démographique. En 2050, l'UE dans sa configuration présente mais sans le Royaume-Uni pèserait moins de 5% de la population mondiale. Cette dynamique démographique marquée par le vieillissement et le dépeuplement ne saurait rester sans effets sur la population active et la charge des inactifs, sans parler de l'innovation et la compétitivité.

 Un poids de l'UE déjà orienté à la baisse

Rappelons qu'avant même le référendum en faveur du Brexit, le poids économique relatif de l'Union européenne était déjà orienté à la baisse. En 1980, les pays de l'espace UE-28 représentaient 31,2% de la production mondiale en parité de pouvoir d'achat (PPA), pour n'en peser que 18,3% en 2014. [1] Il s'agit d'un des effets de l'émergence de nouvelles puissances économiques, à commencer par la Chine.

Le Royaume-Uni est un acteur économique majeur de l'UE, bien qu'il ne fasse pas partie de sa zone euro et échange avec l'UE moins que la moyenne des pays membres de l'UE, ce qu'on oublie généralement de pointer. Le Royaume-Uni représente 14% du PIB de l'UE. Après la sortie du Royaume-Uni de l'UE, le PIB de l'UE sans le Royaume-Uni serait de 86% de son niveau antérieur. La richesse par habitant de l'UE sans le Royaume-Uni serait de 2% inférieure par rapport à la configuration à 28.

Au vu des prévisions pour 2016, l'UE-28 représenterait à cette date 17,6% du PIB mondial en PPA. A cette même date, l'UE sans le Royaume-Uni ne représenterait plus que 15,2% du PIB mondial en PPA.

Autrement dit, le « Brexit » viendrait accentuer la réduction du poids relatif de l'UE dans le monde, aussi bien sous l'angle démographique qu'économique. Les mêmes tendances se constatent sur l'angle stratégique. Il serait donc plus temps de se donner les moyens de penser une géopolitique de l'Union européenne.

*Pierre Verluise, Directeur du Diploweb.com, co-auteur avec Gérard-François Dumont de « Géopolitique de l'Europe. De l'Atlantique à l'Oural », PUF, 2016 ; et Cyril Verluise (HEC), assistant de recherche au Collège de France.

[1] Cf. P. Verluise, Vers un déclin du poids et de l'influence de l'Union européenne dans le monde. Paris, La Documentation française, Questions internationales, n°71, mars-avril 2015, pp. 84-91.