La criante absence de politique industrielle

Par Les Arvernes  |   |  751  mots
La vente de sous-marins à l'Australie ne doit pas cacher la désindustrialisation de la France (Crédits : DCNS)
Que la France vende des sous-marins, fort bien. Mais cela ne doit pas cacher le démantèlement d'Alstom, la vente d'Alcatel, la quasi-faillite d'Areva... Par Les Arvernes*

La sélection de DCNS pour la modernisation de la flotte de sous-marins d'attaque australiens est un réel succès pour l'industrie française. Mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt : depuis 2012, la France a accentué sa désindustrialisation. Qu'on en juge : démantèlement d'Alstom, vente d'Alcatel, quasi-faillite d'Areva... Loin d'être des événements isolés, ces opérations, souvent subtilement maquillées par des managements français qui n'oublient pas leur parachute avant d'être débarqués, nourrissent en même temps qu'elles illustrent notre déclin industriel. Soyons justes et renvoyons droite et gauche dos à dos. L'emploi industriel s'est contracté de 15 % depuis 2000, la part de l'industrie dans le PIB est tombée à 12 %, parmi les niveaux les plus faibles de la zone euro, tandis que notre déficit commercial a atteint des records, entre 70 à 50 milliards d'euros au gré des fluctuations de la facture énergétique.

 Macron joue aux apprentis sorciers

Pourtant, la gauche, parti des ouvriers avant de devenir celui des fonctionnaires, avait des prédispositions historiques pour relancer une réelle politique industrielle, et, à l'instar du modèle allemand, promouvoir le Made in France ou les usines du futur, qu'il continue pourtant à revendiquer officiellement. Emmanuel Macron, qui arrivait à Bercy après s'être quelques mois frotté comme banquier d'affaires aux restructurations d'entreprises, aura connu la chute la plus importante de la valeur des entreprises publiques. Assurément, ces mauvais résultats n'empêchent pas le ministre de l'Economie de continuer à jouer aux apprentis sorciers en promettant de céder 18 milliards d'euros du portefeuille des entreprises publiques, au plus bas, pour financer la filière nucléaire, qui en a besoin par ailleurs.

 Quand les acteurs étrangers font leur marché...

L'absence de politique industrielle cohérente ne se constate pas seulement au niveau des très grandes entreprises, dans lesquelles l'État est éventuellement partie prenante. Il concerne plus largement l'ensemble de notre tissu industriel, des entreprises moins médiatiques que celles du CAC 40. Ainsi, deux opérations actuellement en cours illustrent les failles de notre politique industrielle, et l'inaction des pouvoirs publics. La première concerne l'opération d'achat de Darty, entreprise disputée par la FNAC et Conforama, ou plus exactement Steinhoff, conglomérat sud-africain spécialisé dans la grande distribution. La seconde concerne le groupe Cauval, groupe moins connu mais pourtant leader français de la literie, actuellement en redressement judiciaire, qui fait également l'objet d'offres de rachat, notamment par Steinhoff.

Steinhoff vient d'abandonner son offre sur Darty, du fait de la surenchère de la Fnac. Mais on peut légitimement se demander quel sort sera réservé à Cauval dans ce jeu de Monopoly industriel qui semble profiter davantage aux acteurs étrangers qu'aux candidats européens.

 Renoncements et erreurs stratégiques

Sans tomber dans les errements du « patriotisme économique », force est de constater que rien (ou si peu) n'est fait pour créer un environnement économique favorable à nos industries et permettre ainsi à nos entreprises d'être les « consolidateurs » plutôt que les « consolidées ». Sans doute un peu par renoncement, sans doute aussi du fait d'erreurs stratégiques.

 Car au-delà des coups de menton et des satisfécits donnés lors de visites d'usines soigneusement médiatisées, l'environnement industriel de la France reste très pénalisé par une série de facteurs déjà bien identifiés. Tout d'abord, les 35 heures. Alors que l'Allemagne, notre premier concurrent automobile, gelait courageusement les salaires avec les réformes Schröder, organisait la montée en gamme indispensable dans une zone euro privée de capacité de dévaluation, le piège s'est refermée sur notre industrie, trop chère par rapport aux émergents et de moindre qualité par rapport aux concurrents allemands. Ensuite, l'augmentation des charges sur les entreprises. Il faut le répéter sans cesse : la baisse inévitable des charges passe par une baisse de la dépense publique.

 Pas de financements appropriés

Enfin, il faut pointer l'absence cruelle de financements et d'outils appropriés pour conduire des opérations de reprise industrielle par des opérateurs nationaux. L'absence de fonds de pension ou de Private Equity significatifs affaiblit ainsi considérablement l'économie française. Traiter ces causes ne se fera pas sans faire des choix drastiques. De tels choix sont urgents si l'on souhaite que la politique industrielle sorte de l'incantation ou du marronnier médiatique.

*Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, d'économistes, de chefs d'entreprise et de professeurs d'université