La crise énergétique va-t-elle sonner le glas du télétravail  ?

Par Nicolas Récapet  |   |  665  mots
(Crédits : DR)
OPINION. Aussitôt énoncé par le gouvernement, l'impératif de sobriété énergétique posait la question des économies d'énergie que le recours au télétravail rendrait possible. Les médias l'ont bien relayée - et les entreprises continuent de tâtonner, d'expérimenter. Il n'y a pas de réponse simple, mais au moins trois questions pertinentes à se poser pour avancer dans l'incertitude induite par la crise énergétique. Par Nicolas Récapet, Directeur de l'Organisation et des Ressources humaines du Groupe Talan

Le télétravail "imposé", une solution séduisante mais dont il faut se garder ?

Abaissement de la température des locaux, réduction de la luminosité, suppression de l'eau chaude, fermeture des locaux font partie des actions mises en œuvre par certaines entreprises et promues par le gouvernement. Le recours au télétravail imposé sur certaines journées, permettant ainsi la fermeture de locaux, constitue une approche séduisante pour les entreprises afin de limiter leur consommation énergétique. Cela pourrait même constituer une atténuation de l'impact d'éventuels délestages électriques auxquels le gouvernement nous prépare pour l'hiver. Soit mais attention à ne pas perdre la vision globale de la situation !

Quid des transferts de charges vers les salariés et des coûts de traitement pour les employeurs ?

Au-delà même du fait d'imposer des jours de télétravail, ce qui constitue en soi une perte de sens du télétravail pour le collaborateur, cela génère un transfert de charges de l'entreprise vers le télétravailleur. Même si ce dernier, mieux protégé que les entreprises face à l'inflation grâce au bouclier mis en place par le gouvernement, va de facto voir sa facture énergétique fortement augmenter. L'utilisation à domicile des outils technologiques nécessaires au télétravail, le chauffage de son espace de travail, l'énergie requise pour s'éclairer, se nourrir, etc., sont autant de facteurs alourdissant la facture énergétique individuelle. Afin de ne pas perdre en pouvoir d'achat, les télétravailleurs, en particulier ceux à faible revenu et qui ne bénéficieraient pas d'une prise en charge par l'entreprise, pourraient ainsi souhaiter revenir travailler dans les locaux de l'entreprise, même si cela se fait au détriment de leur qualité de vie.

Quid de la consommation énergétique globale quand les lieux de travail se multiplient ?

En laissant de côté les considérations purement financières, une autre interrogation se fait jour. Le recours au télétravail, du fait de la démultiplication des points de travail, ne serait-il pas, in fine, générateur d'un accroissement de la consommation énergétique globale ? L'accroissement de la consommation énergétique du télétravailleur n'allant pas forcément de pair avec une baisse de la consommation dans les infrastructures collectives comme les locaux de l'entreprise ou les transports en commun, limiter le recours au télétravail pourrait s'avérer nécessaire au profit d'une consommation énergétique globale optimisée.

« Je suis très gênée qu'on parle du télétravail comme une mesure miracle pour réduire la consommation d'énergie », expliquait une chercheuse du CNRS lors d'un Vrai ou Fake dédié par France Info au sujet. L'impact des "effets rebonds n'a pas été encore mesuré" par la recherche, Et à l'heure actuelle, "on ne sait pas" encore si le télétravail a un effet bénéfique sur les consommations d'énergie de la société dans son ensemble. »

On l'aura compris, l'équation n'est pas simple, les retours d'expériences seront précieux. La fonction RH en détient les clés à deux conditions : jouer un rôle réellement moteur dans la conduite agile de l'organisation et bien sûr compter l'impact sociétal de l'entreprise parmi ses prérogatives. « Les DRH travaillent sur les plans de sobriété énergétique que les entreprises préparent en ce moment, mais ce n'est pas au cœur de leur action », reconnaissait Audrey Richard, la présidente de l'Association nationale des DRH (ANDRH) à l'automne dernier. Dans l'enquête de rentrée de l'association, les DRH faisaient valoir qu'ils n'étaient pas suffisamment formés pour aborder ces questions. L'Association multiplie les initiatives pour remédier à cette situation - et pour que les DRH soient mieux intégrés dans la réflexion des entreprises autour de la RSE. Une transformation nécessaire de notre métier... parole de RH !