La main invisible du marché peut servir l'innovation écologique

Par Guillaume Moukala Same  |   |  1105  mots
(Crédits : Reuters)
OPINION. Pendant qu'Extinction Rebellion brandit des pancartes, le marché apporte des solutions concrètes. Par Guillaume Moukala Same, coordinateur pour Les Affranchis/Students for Liberty en France.

Le changement climatique est sans conteste un des problèmes les plus préoccupants du XXIe siècle. Il est urgent, comme les nombreux étudiants qui manifestent à travers le monde l'ont compris, de s'y attaquer pour limiter les dégâts que les générations futures auront immanquablement à subir.

Face à cet enjeu, beaucoup sont persuadés que le capitalisme a déjà échoué. Le mouvement « Exctinction Rebellion » qui dénonce les « dévastations de notre société thermo-industrielle » et prône la désobéissance civile, voit dans la crise climatique l'occasion pour le socialisme utopique de se refaire une santé. Mais il n'y a pas besoin d'être un militant radical pour penser qu'écologie et capitalisme ne font pas bon ménage. Selon un sondage Elabe publié le 3 octobre 2019, sept Français sur dix jugent que « notre modèle économique actuel n'est pas compatible avec la protection de l'environnement ».

En un sens, ces opinions sont compréhensibles car la croissance économique est historiquement corrélée avec l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, cette relation n'a pas nécessairement vocation à durer. Au contraire, avec les bonnes incitations, la force créatrice du capitalisme pourrait être mise au service de l'innovation écologique.

L'air, un bien public

Si le marché sur-produit du CO2, c'est tout simplement parce que l'air est un bien public dont personne n'assure la protection. Comme personne n'est en mesure de réclamer des compensations pour les dégâts commis, les émissions de CO2 ne sont pas considérées comme des activités coûteuses et les agents économiques en produisent une quantité supérieure à la quantité optimale. Mais si ce coût était internalisé, en donnant un prix au carbone, alors les marchés pourraient résoudre les problèmes qu'ils ont eux-mêmes engendrés. En Finlande, par exemple, une entreprise a trouvé un moyen de recycler le dioxyde de carbone pour l'utiliser dans la production alimentaire. En France, la start-up Starklab a mis au point un échangeur qui permet de nettoyer les fumées industrielles et d'en recycler l'énergie thermique à l'infini.

Pendant que les militants d'Extinction Rebellion brandissent des pancartes et font des séances de yoga place du Châtelet, le marché apporte des solutions concrètes. On voit donc que la solution se trouve moins dans le démantèlement de la civilisation industrielle que dans son adaptation à de nouvelles données. Le changement climatique apparaît même comme une opportunité pour améliorer nos processus de production et explorer de nouvelles sources de profits.

Donner un prix au CO2

Si l'on veut que ces initiatives se multiplient jusqu'à devenir la norme, il faut donner aux émissions de CO2 dans l'atmosphère un prix. Ainsi, l'objectif privé de réduction des coûts de production coïncidera avec l'objectif social de réduction des émissions de GES, incitant les entreprises à améliorer leur performance écologique. L'expérience de la Colombie-Britannique (CB), province du Canada, est une illustration particulièrement éclairante de la manière dont la main invisible du marché peut être mise au service du climat. De 2008 — l'année où la taxe carbone a été instaurée — à 2011, les émissions de GES en CB ont chuté de 10%, contre seulement 1,1% dans le reste du Canada. La région a également connu un boom dans le secteur de la « clean tech » : la Colombie-Britannique compte sept des entreprises figurant sur la liste « Global Cleantech 100 » de 2019, soit plus que le reste du pays réuni.

Un simple prix pour le carbone n'apparaîtra peut-être pas aux yeux de Greta Thunberg comme une mesure à la hauteur de l'urgence climatique. La jeune génération attend plutôt une feuille de route précise qui mènerait tout droit à la neutralité carbone à l'horizon 2050. Néanmoins, une planification de ce type serait possible uniquement si la solution au changement climatique était connue du législateur. Il ne restait alors plus qu'à l'appliquer.

Inaction des dirigeants politiques

Si tel était le cas, il y aurait effectivement de quoi s'indigner face à l'inaction des dirigeants politiques. Or, la vision qu'auraient les architectes de ce plan formidable serait nécessairement bornée. En effet, la connaissance qu'un individu isolé peut détenir est nécessairement inférieure à celle de millions d'individus coopérant sur un marché. Personne ne peut donc prétendre prédire aujourd'hui à quoi ressemblera le monde décarboné de demain. Cet idéal nous est tout à fait inconnu puisqu'il dépend d'une part d'un savoir que personne ne peut détenir dans sa totalité, et d'autre part d'événements qui par nature sont imprévisibles. Seul le marché peut nous y conduire. Il sera, pour reprendre les termes d'Adam Ferguson, « le résultat de l'action de l'homme mais non de son dessein ».

Enfin, souhaitons nous-vivre en 2050 dans un monde qui a été entièrement imaginé en 2020 ? Souhaitons-nous que notre avenir soit déterminé uniquement par ce qui a été décidé dans le passé ? À considérer qu'un groupe d'experts soit aujourd'hui en mesure de rassembler toutes les informations nécessaires pour façonner ce monde idéal neutre en carbone, notre savoir aura tellement évolué d'ici là que nombreuses des solutions que nous avions planifiées jadis seront devenues obsolètes. La seule chose que nous pouvons espérer planifier, c'est donc le passé.

Processus en perpétuel développement

Le marché n'est pas seulement la seule institution sociale qui permet de faire l'usage le plus optimal possible de la connaissance dispersée dans le corps social, pour reprendre les mots célèbres de l'économiste Prix Nobel d'économie Friedrich Hayek, c'est aussi un processus en perpétuel développement. Voilà pourquoi s'en priver alors que nous devons faire face à un des problèmes les plus complexes de notre temps serait une erreur.

La solution, nous la trouverons collectivement, en sollicitant l'énergie créative des individus. Il serait effectivement naïf, ou tout du moins risqué, de considérer que le problème se réglera de lui même sans aucune action à l'échelle internationale. Mais la politique climatique devrait se contenter de signaler aux acteurs économiques qu'il y a un nouveau coût à intégrer dans leurs calculs puis laisser la concurrence faire le reste. Comme le directeur général de GénérationLibre Maxime Sbaihi l'a très bien exprimé sur RTL dans l'émission "On refait le monde", "aux faux rebelles qui ne font que râler, il faut préférer les vrais rebelles — scientifiques, entrepreneurs, activistes — qui tous les jours cherchent des solutions concrètes."