La mer, oubliée du débat présidentiel

Par Sabine Roux de Bézieux et François Dalens  |   |  783  mots
Sabine Roux de Bézieux et François Dalens
Le débat électoral laisse totalement de côté la question de notre domaine maritime. Pourtant, nos décideurs ne peuvent plus ignorer cet espace dans leur programme politique, économique et écologique. Par Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la mer; François Dalens, directeur général du BCG en France et Capitaine de Frégate de réserve dans la Marine nationale

La mer, grande oubliée de la classe politique en cette période électorale serait-elle la réponse aux défis économiques et écologiques de demain ? La France ne semble pas se préoccuper de ses océans Et pourtant... Avec plus de 11 000 km2, notre pays possède le deuxième espace maritime de la planète juste derrière les États-Unis et largement devant le Royaume-Uni.

L'économie de la mer représente aujourd'hui plus de 14% du PIB de la France, soit 270 milliards d'euros et plus de 820 000 emplois ! La contribution de la mer à la richesse nationale est 1,5 fois supérieure à celle du Royaume-Uni ou des États-Unis.

Un baromètre de l'activité maritime

Pour mieux saisir l'importance de cet enjeu, la Fondation de la mer avec le soutien du BCG a lancé un baromètre de l'activité maritime qui mesure l'apport économique de l'ensemble des secteurs directs et indirects liés à la mer ainsi que le nombre d'emplois créés. Et les résultats sont probants.

Que ce soit les industries traditionnelles (pêche, construction navale et militaire, infrastructures portuaires), les industries du XXe siècle (offshore et tourisme) ou encore, depuis les années 2000, les secteurs émergents à très forte valeur ajoutée (télécommunication, énergie marine renouvelable, biotechnologie ou dessalement de l'eau de mer), les entreprises françaises comptent parmi les leaders mondiaux.

Tourisme littoral

Quelques exemples. La flotte française est l'une des plus jeunes et diversifiées du monde. Cette réalité prend toute son ampleur lorsque l'on sait que 90% des marchandises transportées le sont par la mer. Dans l'industrie du tourisme, Marseille est le premier port de croisiéristes d'Europe : avec la montée en puissance d'une classe moyenne, en particulier asiatique, l'attrait pour le tourisme littoral ne risque pas d'essouffler cette dynamique, bien au contraire. Dans le secteur stratégique des télécoms, un chiffre résume l'essentiel : 98% des télécommunications internationales transitent sous la mer et les acteurs français détiennent la moitié des parts de ce marché. Enfin, les entreprises françaises sont très bien positionnées sur le marché des énergies marines renouvelables (éoliennes, thermique, houlomotrice, etc.).

Le potentiel de croissance est donc là  et les opportunités nombreuses et variées.

 Moderniser nos infrastructures

Pour autant, le caractère pérenne de l'économie de la mer dépendra surtout de la capacité de notre pays et de ses acteurs à saisir les opportunités à moyen et long terme et à comprendre les défis qui les attendent. Premier défi : notre capacité à moderniser nos infrastructures alors que le temps de trajet du port du Havre à Paris par voie de mer a été multiplié par cinq en un siècle.

Deuxième défi : faciliter et encourager la mise en œuvre des innovations. Alors que nous sommes pionniers dans les technologies marémotrices (la France a lancé la première usine il y a 50 ans), pas un seul kilowatt de l'énergie consommée en France ne provient de l'énergie marine.

 Transformer le tournant écologique en facteur de croissance

Enfin, dernier défi de taille : transformer le tournant écologique en facteur de croissance. Les océans jouent un rôle décisif de régulateur climatique. Ils absorbent 1/3 du CO2 émis par l'homme et produisent 50% de l'oxygène que nous respirons. Si la France montre l'exemple aujourd'hui avec plus de 20% de son espace maritime protégé, elle se doit de rester une force d'influence, de proposer des politiques à la hauteur de ses ambitions et surtout de profiter de sa position exceptionnelle pour être un modèle de croissance verte.

 Les entreprises françaises dites traditionnelles devront nécessairement réussir ce tournant écologique pour maintenir leur position hégémonique. Les secteurs émergents devront eux aussi profiter de cette occasion pour développer leur stratégie d'innovation et maintenir leur place sur un marché mondial en devenir.

Nos décideurs ne peuvent plus ignorer cet espace dans leur programme politique, économique et écologique, et se doivent  d'encourager les entreprises dans la perspective de cette croissance verte.

Si l'avenir de la Terre est bel et bien en mer, cette dernière est plus que jamais le chemin de la France. A nous d'y inscrire notre ambition et d'y révéler nos talents. Après avoir été industrielle, la révolution sera maritime. Notre pays doit anticiper ce bouleversement déjà en marche. L'histoire a donné raison au général de Gaulle qui, évoquant l'Empire français, estimait que « ce qu'il en reste vaut beaucoup plus qu'on ne croit pour le temps de paix ». L'héritage de cette vision pour la France est désormais entre nos mains.