La norme au secours du dérèglement climatique

Co-construites par les professionnels, elles sont une référence indispensable pour faire progresser la lutte contre le réchauffement climatique. Par Olivier Peyrat, directeur général d'AFNOR et vice-président finances de l'ISO

Limiter le changement climatique à moins de 2 °C d'ici 2100, comme l'ambitionne la COP 21, nécessite de parler le même langage. Nous devons compter les émissions de CO2, privilégier des bâtiments basse consommation, adapter nos villes au réchauffement climatique avec des référentiels communément acceptés. C'est le rôle des normes volontaires.

Les normes, un outil précieux

« Dérèglement » ? Voilà un mot qui sonne faux dans la communauté des professionnels à l'origine des normes volontaires, habitués au contraire à des cadres bien ordonnés. Mais il faudra s'y faire : le climat se dérègle à vitesse exponentielle, étouffé par nos gaz à effet de serre. A l'heure où débute la COP 21, la communauté internationale de la normalisation souhaite montrer que les normes sont, précisément, un outil précieux dans la problématique climat.

Comment comptabiliser et comparer les émissions de gaz à effet de serre d'une entreprise, d'une collectivité, d'une institution, sans protocoles communs ? Comment juger de la pertinence d'un plan de réduction des émissions si chacun y va de sa petite méthode dans son coin ? Voilà bien l'intérêt des normes volontaires. Des normes faites par et pour les utilisateurs. Sans elles, il n'est pas possible de prendre en compte, de la même façon, l'adaptation au changement climatique dans la construction et l'exploitation des bâtiments. Impossible également de se comprendre lorsque l'on parle d'économie circulaire. De s'accorder entre corps de métiers pour bâtir des infrastructures de transport et d'énergie plus respectueuses de l'environnement. Qu'est-ce qui fera consensus pour dire jusqu'à quel degré tel ou tel matériau est apte à résister à une élévation de température, ou à une tempête inhabituelle ? La norme volontaire !

Des normes volontaires

Les normes volontaires sont en effet co-construites par les professionnels eux-mêmes, qu'ils soient publics ou privés. Elles recensent des bonnes pratiques, des méthodologies et des terminologies sur le principe de l'universalité et de l'interopérabilité. Elles constituent un langage commun et apportent un gage de qualité, de sécurité et de performance au service des intérêts de chacun. Là où la réglementation fixe des objectifs, la norme constitue un moyen d'y répondre. Une réglementation moderne s'appuie sur les normes volontaires, drôles d'objets capables d'évoluer au gré des demandes des parties intéressées, sous l'égide d'un organisme de normalisation tel qu'AFNOR au plan français, le CEN en Europe et l'ISO au niveau mondial, où siègent 162 pays. Chacun de ces organismes est garant de l'impartialité des débats, et il est respectueux d'une méthode de travail éprouvée, viscéralement transparente et itérative. A charge pour ces organismes d'intéresser toutes celles et ceux qui ont voix au chapitre, pour les convier à la co-construction des normes qui impacteront leur activité dans le futur.

Un principe de co-construction

La norme est élaborée par consensus entre l'ensemble de ses parties intéressées (entreprises, fédérations, associations de consommateurs, pouvoirs publics...). Une fois adoptée et publiée, elle conserve un caractère optionnel : tout acteur peut ou non s'y référer. Ce faisant, ceux qui choisissent de ne pas s'y fier prennent le risque de s'éloigner de leurs marchés et d'altérer la confiance de leurs acheteurs et partenaires. Dans cette optique, AFNOR accompagne celles et ceux qui, par leur expertise, veulent prendre part à l'élaboration ou la mise à jour des normes pour que leurs produits, leurs services, leurs procédés soient bien compris de tous. A ce jour, plus de 20 000 professionnels ont répondu « présents » !

Une nouvelle norme pour les systèmes de management environnemental

Ces derniers temps, un sujet majeur les a mobilisés : la révision de la norme ISO 14001, qui définit les systèmes de management environnemental. C'est là l'équivalent, côté environnement, de l'ISO 9001 pour la qualité. La France a pesé dans sa mise à jour, aux côtés de 88 autres pays, par un travail itératif, mené à échelle nationale d'abord puis progressivement mis en commun. Ainsi, nos experts français ont animé un groupe de travail sur la série des normes ISO, qui définissent une méthodologie de référence pour dresser un bilan triennal d'émissions de gaz à effet de serre.

En France, cet exercice est imposé aux entreprises de plus de 500 salariés, aux collectivités locales de plus de 50 000 habitants, et aux établissements publics de plus de 250 personnes, par la loi du 12 juillet 2010 (dite « Grenelle 2 »). Dans le même esprit, les normes ISO 14065, 14066, 14067 ou 14069 offrent un cadre internationalement approuvé pour vérifier les déclarations d'émissions ou accréditer les organismes actifs dans ce secteur. Et ainsi de suite... Saviez-vous que sur un total de 18 500 documents normatifs de l'ISO, plus de 570 se rapportent directement à l'environnement, au changement climatique ou à la gestion de l'énergie ?

 A l'écoute des acteurs

Le rôle des organismes de normalisation est d'être à l'écoute des acteurs socio-économiques, de leurs attentes et de leurs besoins. C'est à ce titre que tout un chacun peut, en France, solliciter AFNOR pour que soit étudiée l'opportunité d'initier un nouveau projet ou de rejoindre une commission déjà constituée. C'est par les initiatives individuelles que naissent les aventures collectives, les visions partagées. Les normes volontaires mettent tout le monde d'accord : d'un pays à l'autre, d'un secteur à l'autre, d'une entreprise à l'autre, les acteurs économiques mesurent la même chose. Ceci constitue une contribution fondamentale pour que les décideurs attendus à la COP 21 parlent, eux aussi, le même langage et que les décisions qui seront prises soient mises en œuvre de manière homogène.

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Commentaires 2
à écrit le 03/04/2023 à 10:32
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Dérèglement climatique ? Il y aurait un « bon climat » de référence qui aurait perdu la boule ? C’est ridicule. Depuis la nuit des temps, le climat varie et il y a toujours eu des événements météo particulièrement intenses et destructeurs. Il suffit ...

à écrit le 01/12/2015 à 16:18
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La règle, c'est l'arme des ayatollahs

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