La société à mission, ce n'est pas de la RSE !

OPINION. Face aux grands enjeux et à l'incertitude qui tenaille les entreprises, la loi PACTE a pris le parti de dessiner une nouvelle voie de gouvernance : la société à mission. Loin des approches de type « RSE », quelle est la valeur de cette innovation juridique ? Par Quentin Mermet, Consultant au sein du cabinet Colombus Consulting (*).
(Crédits : dr)

Ces dernières années, la montée en puissance des grands enjeux socio-environnementaux ont achevé de remettre en question les principes classiques de l'activité des sociétés. De plus, le régime d'innovation intensive auquel les entreprises sont désormais confrontées déstabilise les structures des organisations jusqu'ici relativement stables.

Le constat, tant du point de vue économique que sociétal, est alarmant.

Et comme une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule, les potentiels d'innovation qu'il convient d'élaborer pour faire face à de tels défis nécessitent d'accepter une incertitude majeure qui rentre en collision avec les outils d'évaluation standards. Autrefois considérées comme des vecteurs majeurs de progrès, les entreprises sont aujourd'hui assimilées à des assemblages d'actifs valorisables dont l'expression se trouve réduite à la maximisation du profit.

Introduite par la loi PACTE, la qualité de société à mission (ou "entreprise à mission"ndlr) dessine dans ce contexte une nouvelle voie de gouvernance. Inscrite directement dans les statuts de la société, la mission acquière une valeur juridique et opposable aux engagements pris par l'entreprise qui peut alors jouir d'une marge de manœuvre inédite, condition de la pérennité du projet collectif qui sous-tend son modèle d'affaires et de l'affirmation de sa contribution au monde.

Aussi, loin des approches de type « RSE », la mission ne circonscrit pas l'action des entreprises à la limitation de leurs impacts négatifs. En restaurant leurs capacités d'innovation, la société à mission leur donne les moyens de redevenir ce qu'elles étaient autrefois : des agents de civilisation.

Ceci n'est pas de la RSE !

Or, de manière tout à fait contre-intuitive, les approches issues de la théorie des parties prenantes et de la responsabilité sociale des entreprises constituent de très mauvaises portes d'entrée pour saisir la singularité de cette innovation juridique. Et pour cause, elles n'ont jamais porté le débat sur le terrain du droit et n'ont donc formulé que des intentions sans prise avec le réel. Circonscrivant l'activité des entreprises à la limitation de leurs impacts négatifs, ces approches ont inévitablement conduit à évacuer leur rôle positif dans la co-construction du monde dans lequel nous vivons.

Contrairement à la RSE, la mission n'a pas vocation à rendre l'entreprise responsable de l'ensemble des défis environnementaux et sociaux imaginables. Par essence, la mission ne s'impose pas au management ni n'encadre l'action au sens où elle empêcherait l'entreprise de réagir à la turbulence de son environnement avec l'agilité nécessaire. Au contraire, la mission est un outil de prospective qui fait de l'avenir un inconnu désirable - en un mot : elle donne un cap.

L'émergence de la qualité de Société à Mission ne consiste donc aucunement en une réforme coercitive. Non, la mission n'est pas une contrainte ; il s'agit d'un levier d'action. Aussi, en offrant aux sociétés la possibilité de définir elles-mêmes leur finalité, la loi PACTE fait de l'entreprise un acteur du changement.

Transformation sociale et prospérité économique passeront par l'innovation

Plus l'on prend conscience que les défis sociaux, économiques et collectifs de notre temps nécessiteront d'importantes transformations dans le mode de fonctionnement de nos sociétés, plus il devient évident que les entreprises auront un rôle crucial à jouer. En effet, les positions consistant à nier toute possibilité d'action positive venant d'une société ou à opposer de manière dogmatique « innovation sociale » et « innovation technologique » ne sont plus tenables. Qu'on le veuille ou non, les immenses capacités d'innovation, et donc d'action, des entreprises devront être mises à contribution.

Allouant aux dirigeants une véritable latitude discrétionnaire, la société à mission restaure les capacités d'innovation des entreprises et les protège des ambitions court-termistes que pourrait vouloir leur imposer un actionnariat activiste. La mission apparait, dans ce cadre, comme un ensemble de propriétés stables sur lesquelles les parties prenantes s'engagent pour concevoir les stratégies futures et ainsi allier prospérité et pérennité.

Artisan d'une toute nouvelle voie de gouvernance, la loi PACTE nous rappelle que les entreprises ne sont pas des agents aveugles de production de richesse mais des collectifs humains qui ont vocation à participer à la co-création de leur écosystème. C'est donc bien à un radical changement de paradigme auquel nous sommes en train d'assister. Ou quand l'entreprise (re)devient un agent de civilisation.

(*) Columbus Consulting est un cabinet de consultants dont l'activité principale est l'accompagnement des entreprises et leurs transformations.

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