La sortie de la Grande-Bretagne de l'Europe, une opportunité pour la France ?

Par Stéphanie Villers  |   |  944  mots
Stéphanie Villers
Une sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne reste très incertaine mais surtout très risquée économiquement pour les Britanniques. En revanche, elle offrirait une fenêtre de tir pour la France: l'occasion de devenir la place financière de la zone euro. Par Stéphanie Villlers, économiste, Humanis

Avec la victoire de David Cameron et des conservateurs, le référendum sur l'appartenance de la Grande-Bretagne à l'Union européenne (UE) est devenu une évidence mais avec un résultat très incertain. Les élections législatives de mai ont bien montré l'opacité des intentions de votes. Rappelons qu'à travers les sondages, la cohabitation semblait inévitable. Pourtant, les conservateurs ont aisément remporté la majorité à la chambre des communes.

Difficile donc d'évaluer l'humeur du pays sur la question du « in or out ». En revanche, vu du continent, une sortie de la Grande-Bretagne paraît improbable. Pour les Européens, il ne fait aucun doute que le pragmatisme des Britanniques l'emportera. Pourtant, le rejet de la technocratie bruxelloise se propage outre-Manche et laisse craindre un retrait qui serait économiquement pénalisant pour la Couronne mais qui offrirait une belle opportunité pour la France de devenir la place financière de la zone euro.

Du « Brexit » dans les suffrages

Ce n'est pas la première fois que le citoyen britannique va être mis à contribution pour trancher sur le maintien de la Grande-Bretagne au marché européen. En 1975, a eu lieu en effet un référendum sur la question de l'adhésion du pays à la CEE (Communauté économique européenne). Le « oui » l'emporta avec 67% des voix. Mais à l'époque, les médias soutenaient l'adhésion. Aujourd'hui, les eurosceptiques sont plus puissants, mieux organisés et font davantage la une de la presse.

Aujourd'hui, les Britanniques reprennent en cœur l'expression célèbre de Margaret Thatcher, « I want my money back ». Le parti qui mène campagne avec pugnacité pour un retrait de la Grande-Bretagne à l'Union européenne, l'UKIP (United Kingdom Independance Party), dénonce la participation excessive des Britanniques au budget européen. Pour son leader charismatique, Nigel Farage, la contribution de la Grande-Bretagne vient combler les déficits d'une zone euro en ruine. Par ailleurs, l'émigration massive des travailleurs pauvres venus de toute l'Europe extirpe des emplois aux Anglais. De son côté, David Cameron a promis à ses électeurs de renégocier le statut d'exception pour la Grande-Bretagne. Les chefs d'entreprises britanniques qui sont, de leur côté, majoritairement hostiles à un Brexit, se sont peu manifestés lors des dernières élections.

quelles conséquences économiques pour les anglais?

Au-delà du débat idéologique d'un Brexit, reste à envisager les conséquences économiques pour la Grande-Bretagne de sa sortie de l'Union Européenne. L'économie outre-Manche est essentiellement portée par les services, qui représentent plus de 80% du PIB. Et ce sont les services financiers qui en constituent l'essentiel. La finance est le premier poste de création de richesse en Grande-Bretagne. Londres est, en effet, devenue la capitale financière de la zone euro depuis l'avènement de la monnaie unique et concentre plus de 40% des transactions en euros. L'ensemble des banques européennes et internationales y est représenté. Ces établissements financiers ont pu bénéficier de l'efficacité de cette Place. En effet, la City de Londres dispose d'une vitesse de réactivité impressionnante et sait s'adapter aux besoins de la finance. Tous les corps de métiers nécessaires au développement des activités de marché y sont présents. Cette forte concentration d'entreprises de services financiers est la pierre angulaire de l'essor de la finance londonienne.

Un rapatriement des avoirs européens à Londres

Mais, cette suprématie, qui est de plus en plus contestée, risque d'être mise à mal avec la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE. En premier lieu, il semble en effet discutable que la City de Londres occupe une telle place alors que la Grande-Bretagne ne fait pas partie de la zone euro. Déjà en 2012, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, insistait sur « la nécessité pour la BCE d'assurer la surveillance de sa propre monnaie ». Et d'ajouter, « la majeure partie des transactions devrait être sous notre contrôle ».

Ainsi, en cas de Brexit, la BCE pourrait exiger des banques de la zone euro qu'elles rapatrient une grande partie de leurs actifs londoniens dans la zone monétaire qu'elle contrôle. Par ailleurs, cette redistribution des cartes ne concernerait pas uniquement le secteur financier. Elle pourrait, en effet, entraîner de nombreux sièges européens d'entreprises internationales en dehors de la capitale londonienne.

Une fenêtre de tir pour Paris

Rappelons qu'au moment de l'avènement de la monnaie unique, Paris voulait jouer sa carte et pensait développer sa place financière. Mais, par manque de pragmatisme, elle a laissé filer sa finance aux mains des britanniques et le palais Brongniart s'est transformé en un centre de conférences et en musée. Pourtant, la France excelle pour ses formations en finance. Les étudiants formés sur les bancs des universités et des écoles françaises en mathématiques, statistiques, économie et finance sont reconnus et appréciés et sont de plus en plus nombreux d'ailleurs, à s'expatrier à Londres. Notre système éducatif participe à l'expansion de la City à Londres.

Ainsi, si la Grande-Bretagne venait à décider de sortir de l'Union européenne, elle offrirait une opportunité à la France de rapatrier une partie de son expertise financière. Paris pourrait entrer dans la compétition et chercher à devenir la place financière européenne. Mais, pour ce faire, il lui faudra être attractif en offrant un environnement propice au business avec une réglementation moins pénalisante et une fiscalité compétitive. Pour autant, le jeu en vaudra la chandelle et viendra compenser les pertes économiques que pourrait déclencher un Brexit sur les autres secteurs hexagonaux.


Brexit (contraction de British et Exit)