La triple erreur de la réforme du code du travail

Par Gilles Lecointre  |   |  712  mots
Avec la loi El Khomri, même revue, le gouvernement commet une triple erreur: celle de déterrer la hache de guerre avec les syndicats, celle de donner l'impression de prendre le parti des patrons contre les salariés, et enfin de détourner l'attention de la question économique essentielle, à savoir la création d'activité. Par Gilles Lecointre, entrepreneur, professeur à l'Université de Paris Ouest et enseignant à l'Essec

Comme dans tout projet de réforme, il y a de bonnes et de moins bonnes choses. Clarifier les conditions d'indemnités de rupture du contrat de travail me paraît positif. Cela sera favorable au salarié qui touchera son indemnité beaucoup plus rapidement (en tombant d'accord  avec son employeur sur un montant reconnu valable) ; cela garantira une égalité de traitement entre les salariés et entre les employeurs ; cela réduira l'incertitude de l'entreprise sur le coût de sa décision.

En revanche les règles envisagées pour mener à bien un licenciement économique me paraissent plus contestables car trop floues, sujettes à discussion, susceptibles de manipulations ; on voit bien (une fois encore) que ces règles ne peuvent être les mêmes dans une petite entreprise indépendante et dans un grand groupe ramifié en multiples filiales.

Etablir un équilibre syndicat-patronat

Favoriser les accords d'entreprises, pousser les syndicats (de salariés et d'employeurs) à changer de logiciel pour être davantage représentatifs sont des objectifs acceptables par tous. Mais il faut les envisager dans un cadre plus général où on essaierait d'établir un équilibre des obligations réciproques des parties.

En fait, ce qui manque dans ce projet de loi, c'est une vision de l'économie que l'on souhaite privilégier et l'objectif prioritaire que l'on poursuit. Fluidifier la gestion du contrat de travail dans le temps pour tenir compte de la saisonnalité des commandes, pour faire face à une rupture ou bien à un excès d'activité, pour mieux coller à la réalité des rapports sociaux au sein de chaque entreprise, tout cela, d'accord. Mais ce n'est pas avec ces recettes-là que l'on trouvera le gisement de nouveaux emplois dont on a besoin pour sortir du chômage de masse.

Fallait-il déterrer la hache de guerre avec les syndicats?

En mettant l'accent uniquement sur la nécessité de précariser les relations de travail afin de tenir compte des fluctuations de l'économie, on commet une triple erreur. D'une part, on déterre la hache de guerre avec des syndicats de salariés qui ont ainsi une occasion unique de se relégitimer sur la base d'un discours radical et nécessairement excessif. On dessert l'image de l'entreprise en donnant l'impression qu'on prend ouvertement le parti des patrons contre les salariés, ravivant ainsi une opposition frontale dont on espérait enfin sortir. Et, pour finir, on détourne l'attention de la question économique essentielle : comment favoriser la création d'activité.

L'amélioration de l'emploi vient des PME

Car il faut le répéter une nouvelle fois : l'amélioration de l'emploi provient essentiellement  des PME « de croissance » (entreprises de 20 à 200 salariés). Ces PME exceptionnelles créent de l'emploi parce qu'elles ont un projet de développement et des produits nouveaux à présenter sur leur marché. En dehors de ce cadre, point de solution durable. Tout le reste est secondaire, y compris ce projet de Loi.

En conséquence, il faut favoriser tout ce qui va dans le sens des investissements en faveur de la création de richesses (les crédits innovations pour financer l'amélioration du capital immatériel sont un bon exemple à développer). Il faut revenir à une vision positive de l'économie, une vision dans laquelle salariés et employeurs sont solidaires et confiants dans leur avenir commun. Cette réalité, on la rencontre quotidiennement chez nos jeunes « pousses ». Suivons leur exemple !

Le choix du court terme

En mettant l'accent sur la flexisécurité, on fait du court terme, on privilégie au mieux l'indifférence, au pire la défiance d'acteurs qui devraient pourtant être partenaires. Discutons enfin de ce qui lie employeurs et employés. Mettons sur pied un nouveau contrat d'obligations réciproques qui dessinera une relation apaisée et constructive au service du développement de l'entreprise et de l'emploi.

L'économie a besoin de confiance et de temps. Les entrepreneurs indépendants connaissent parfaitement cette équation. Laissons les travailler et réfléchissons à la meilleure manière de favoriser leur prise de risque et leur investissement sur l'avenir. Arrêtons de subventionner l'économie négative, celle de la peur, et mettons toute notre force et nos moyens sur le moteur de la création d'activités.

Gilles LECOINTRE