Le bon mix énergétique : le contre-exemple allemand

Par Laurence Daziano (*)  |   |  625  mots
Laurence Daziano.
OPINION. Prix du KWh le plus élevé de l'Europe, sécurité d'approvisionnement non assurée, risque de pénurie..., le choix énergétique d'Angela Merkel de tourner le dos au nucléaire après la catastrophe de Fukushima est vivement critiqué par la Cour des comptes allemande d'autant qu'il fragilise la production industrielle du pays. (*) Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po, est membre du Conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique

Dans son second rapport sur la « transition énergétique » qui vient d'être publié, la Cour des comptes allemande étrille littéralement la politique énergétique d'Angela Merkel. La chancelière avait en effet décidé en 2011, après l'accident de Fukushima, de supprimer la production d'énergie nucléaire en Allemagne et de la remplacer par des énergies intermittentes et, à court terme, par du charbon.

Deux fois plus cher qu'en France

Le bilan de la Cour des comptes d'outre-Rhin est plus que sévère : la sécurité d'approvisionnement en électricité n'est plus assurée, il existe un risque de pénurie d'électricité et les coûts sont hors de contrôle. Les ménages allemands paient le KWh le plus cher d'Europe, à 30,9 centimes, soit près de deux fois plus cher qu'en France où il est à 17,8 centimes. Devant l'augmentation des prix de l'énergie pour les entreprises, la Cour des comptes voit une menace pour l'activité industrielle allemande. Il est même prévu, en cas de pénurie d'électricité, une indemnisation des entreprises qui renonceraient volontairement à produire... Or, ces avertissements arrivent à l'heure où la compétitivité allemande est remise en cause dans certains secteurs, par exemple dans l'automobile qui éprouve des difficultés à prendre le tournant du véhicule électrique.

Au moment où nous assistons à un besoin croisant en électricité dans la vie quotidienne, et à la veille de la généralisation des véhicules électriques, la Cour des comptes allemande critique la sous-évaluation de ce besoin par le gouvernement. Cela va d'une mauvaise appréciation de la population allemande à 75 millions de personnes en 2030 alors que les statistiques comptent plutôt sur 77 à 78 millions de personnes, au retard dans la construction des infrastructures d'énergie renouvelable, à une mauvaise acceptation des éoliennes par la population et à une vision trop optimiste des conditions météorologiques pour la production d'énergie renouvelable, en passant par une sortie plus rapide que prévue du charbon.

Politique opportuniste ou idéologique

La situation en Allemagne montre qu'en termes de politique énergétique, les décisions de politique opportuniste - à l'époque la chancelière Merkel cherchait à récupérer le vote « vert » - ou l'idéologie - la fermeture de la centrale de Fessenheim en France - ne sont pas bonne conseillère et se heurtent au principe de réalité.

La lutte contre le réchauffement climatique nécessite de réduire drastiquement les rejets de CO2 et l'utilisation des sources d'électricité qui en rejettent le plus. L'innovation permet de développer l'exploitation des sources d'énergie renouvelable et de développer les batteries, qui sont indispensables pour gérer les énergies intermittentes. Pour autant, il s'agit de rester pragmatique et réaliste.

Avec son parc nucléaire, la France dispose d'une source d'énergie qui présente de nombreux avantages, au-delà de sa disponibilité de jour comme de nuit et quelles que soient les conditions climatiques. En plus d'une certaine indépendance énergétique, même si les prix du pétrole ne fluctuent plus dans les proportions des crises précédentes, l'énergie nucléaire permet à la France de disposer d'un des rares avantages compétitifs dont son industrie peut profiter, à savoir une électricité bon marché. A l'heure du plan de relance et de la volonté politique post-Covid d'engager une « reconquête industrielle », cet avantage comparatif ne peut être que souligné.

Besoin du nucléaire, énergie décarbonnée

Devant l'urgence de lutter contre le réchauffement climatique, nous avons besoin de toutes les énergies décarbonées disponibles, tout particulièrement de l'énergie nucléaire. Le bon mix n'est pas idéologique mais celui qui permettra d'utiliser et d'équilibrer toutes les ressources faiblement émettrices en CO2.