Le Dossier Médical Partagé (DMP), c'est pas gagné !

Par Alexis Dussol  |   |  835  mots
(Crédits : Reuters)
Le Dossier Médical Partagé (DMP) a été lancé officiellement le 6 novembre dernier. Est-ce la fin d'un parcours chaotique de près de 15 ans ou nouvel épisode d'un interminable feuilleton ? Analyse des atouts et failles du nouveau dispositif. Par Alexis Dussol, fondateur et PDG d’ADEXSOL.

Institué par la loi du 13 août 2004, le dossier médical personnel qui devait être généralisé à tous les assurés sociaux au 1er juillet 2007 aura connu bien des vicissitudes. Son déploiement a été confié au départ à un Groupement d'Intérêt Public. Le relais a été pris par l'ASIP en 2009 jusqu'à la loi santé du 26 janvier 2016 qui en a confié le pilotage à l'Assurance Maladie. Désormais dénommé Dossier Médical Partagé (DMP), il a été expérimenté pendant 18 mois dans 9 départements avant son lancement national ce 6 novembre.

Les nouveaux atouts

Le gouvernement a, cette fois-ci, de nouveaux atouts en main. C'est, en premier lieu, le choix d'un opérateur, dont la légitimité est difficilement contestable. Le fait que ce soit la Secu rassure les français très attachés à tout ce qui touche à la confidentialité des données de santé. La Sécurité Sociale, c'est aussi l'assurance d'une vraie task force avec son réseau de caisses et ses liens conventionnels avec les professionnels de santé. Ce nouveau pilotage du DMP illustre au demeurant la qualité des relations qui s'est désormais instaurée entre l'Etat et l'Assurance Maladie depuis l'arrivée de Nicolas Revel à la Porte de Montreuil. Fini, l'époque où on se regardait en chien de faïence.

Deuxième atout : le consensus qu'il y a aujourd'hui sur la nécessité du DMP tant du côté des patients que chez les professionnels de santé. Tous les sondages le montrent.

Enfin toutes les dispositions semblent par ailleurs avoir été prises en vue de faciliter la création du DMP et de garantir les droits des patients.

Alors que jusqu'à aujourd'hui les dossiers ne pouvaient être créés que par un médecin, on peut désormais créer un dossier de plusieurs manières. Un patient pourra le faire directement sur le site « dmp.fr », à l'accueil de sa caisse de sécurité sociale, dans une pharmacie ou auprès d'un professionnel de santé équipé d'un logiciel compatible.

Les droits du patient seront également garantis. La création d'un DMP ne pourra se faire qu'avec son accord. Il choisira les professionnels à qui il donne l'accès. Il pourra masquer certaines informations. Le DMP ne sera accessible qu'aux patients et aux professionnels de santé. De surcroit, les soignants ne pourront avoir accès qu'aux seules informations qui leur seront utiles en fonction de leur profession et de leur spécialité.

L'objectif est d'atteindre 40 millions de dossiers ouverts à échéance de 2022 alors que seuls 500.000 dossiers l'ont été jusqu'en 2016 lorsque l'Assurance Maladie a repris en main le dossier.

Créer un dossier, c'est bien. L'utiliser, c'est mieux. Par-delà le nombre de dossiers ouverts, seul l'usage qui en sera fait sera gage de succès. A cet égard, la partie est loin d'être gagnée.

Les maillons faibles

Le dispositif mis en place comporte 2 maillons faibles : l'interopérabilité des logiciels utilisés par les professionnels de santé avec le DMP et surtout leur capacité à l'alimenter.

L'interopérabilité des logiciels métiers avec le DMP est un impératif majeur. Il faut que les logiciels soient « DMP compatibles ». La situation est différente selon qu'il s'agit de la ville ou de l'hôpital.

La situation est plutôt favorable en ville. A ce jour, 69% des logiciels utilisés par les médecins libéraux sont compatibles. Le déploiement de logiciels « dmpcompatibles » est en cours pour les autres professionnels de santé et les officines. Cela prendra certes du temps mais on peut être raisonnablement optimiste.

Sur l'hôpital, la situation est différente. Si la quasi-totalité de l'offre est présentée comme compatible, ce n'est souvent le cas que des versions récentes et beaucoup de logiciels utilisés dans une version ancienne ne le sont pas. Les difficultés tiennent surtout au fait que pour accéder au DMP, il faut la carte CPS. Or l'utilisation de cette carte n'est pas dans les habitudes des hospitaliers. Les choses devraient évoluer, nous dit-on, avec le recours à des dispositifs d'identification sans carte CPS en cours d'agrément par la CNIL.

Par-delà ces questions techniques, l'usage du DMP va surtout dépendre de son contenu. Certes, on a l'assurance qu'à l'avenir, chaque dossier créé comportera dès le départ un historique médical de 2 ans à partir des remboursements effectués par la Sécurité Sociale. De même, l'entrée des officines dans le dispositif permettra de verser dans le DMP les informations déjà contenues dans le dossier pharmaceutique. Il faudra toutefois que le DMP soit régulièrement enrichie par les professionnels de santé.

Qu'en sera-t-il des informations générées au décours d'une consultation ou d'une hospitalisation qui devraient normalement être versées dans le DMP ? Les médecins seront financièrement incités à le faire. Pour autant, auront-ils le temps nécessaire pour le faire ? Et nous voilà, une nouvelle fois, rattrapés par la lancinante question de la démographie médicale !