Le dragon coréen pris en tenaille

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, le dragon coréen pris en tenaille.
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi./ DR

La décision surprise de la Banque centrale de Corée d'abaisser en mars dernier son principal taux directeur de 2 à 1,75%, soit un plus bas historique est bien le signe que quelque chose ne tourne plus rond au pays du Matin calme.

Très, trop, dépendante de l'extérieur, l'économie sud-coréenne est prise entre deux feux : les attaques monétaires du Japon et le ralentissement chinois. La proximité entre le Japon et la Corée du Sud n'est pas seulement géographique. Elle l'est aussi en termes de secteurs et de gamme de production.

Quelques exemples économiques

Dans l'automobile, Daewoo, Hyundai-Kia sont en compétition avec Toyota, Nissan ou Honda. Dans l'électronique grand public, Samsung, LG font face à Sonny ou Panasonic  Et c'est simplement une short-list qui s'étend jusqu'à la construction navale ou le nucléaire.

Et on comprend un peut mieux pourquoi, les autorités monétaires coréennes passent à l'offensive : avec un won qui a déjà gagné 17% de sa valeur par rapport au yen depuis janvier 2014 et même de 66% par rapport à son dernier point bas de mai 2012, les industriels en concurrence directe avec les produits « made in Japan » sont à la peine. Sans parler du handicap supplémentaire que constitue la hausse du won face à l'euro. Une concurrence plus rude alors que les débouchés étrangers s'assèchent, notamment le premier d'entre eux : la Chine.

Devenue au début des années 2000 le 2ème exportateur vers l'empire du milieu (derrière le Japon), la Corée éternue quand la Chine s'enrhume. Et pour cause, ce pays lui assure 1/4 de ses débouchés à l'export ; vingt mille entreprises coréennes environ sont présentes en Chine ; une Chine devenue la seconde destination des IDE coréens après les Etats-Unis.

Or le passage de la Chine vers d'un modèle de développement purement extraverti vers un modèle plus autocentré va créer une longue période de croissance plus faible et moins dépendante des intrants étrangers.

Et l'on touche là un des points faibles de la Corée

Sa grande dépendance à la demande des pays émergents : sur les 25 principales destinations des exportations, 60% prennent la direction des émergents. Naturellement, ils sont majoritairement en Asie, mais avoir parmi ses principaux débouchés l'Indonésie, le Vietnam, la Thaïlande, la Malaisie et un peu plus loin le Mexique, la Russie, le Brésil, l'Arabie Saoudite, ce n'est pas banal.

Tant que les BRIC, pour faire simple, avaient le vent en poupe c'était un atout. Maintenant qu'ils sont tombés de leur piédestal, c'est une faiblesse. Pris entre le marteau et l'enclume, la contribution du commerce extérieur à la croissance sera négative cette année après s'être déjà considérablement affaiblie en 2014.

A moins d'un an des élections, le contexte international est un défi pour le gouvernement.

Et c'est bien pour cela qu'un vaste programme de relance comprenant une baisse de l'impôt sur le revenu, la construction d'infrastructures et des mesures de soutien à la R&D a été entrepris.

L'immobilier n'est pas oublié et bénéficie de l'assouplissement des règles prudentielles relatives aux crédits. Un pari audacieux, risqué pour le secteur bancaire dans un pays où l'endettement des ménages atteint déjà 160% du revenu disponible.

Comme ses partenaires asiatiques, la Corée est confrontée aux limites d'un modèle de développement trop extraverti et doit faire émerger un compromis fordiste plus favorable aux revenus et à la demande interne.

Le vieillissement très rapide de la population va nécessiter la remise à plat d'un modèle basé sur une durée de travail élevée, une faible productivité horaire et un tissu économique excessivement fragmenté des PME, un taux d'activité réduit chez les femmes et l'emploi précaire. Bref, la Corée doit réinventer un nouveau régime de croissance et au-delà du ralentissement actuel, le plus dur reste à venir !

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 2
à écrit le 01/06/2015 à 12:26
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"Et on comprend un peut mieux pourquoi"

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