Le pétrole, victime de la déflation

Par Michel Santi  |   |  633  mots
La chute des prix du brut n'est qu'un degré supplémentaire dans la spirale déflationniste que nous connaissons depuis des mois. par Michel Santi, économiste

L'effondrement des prix du pétrole n'a pas apporté le bonheur escompté car les fondamentaux économiques ne se sont pas améliorés. Quant à la consommation au sein des nations occidentales, sa légère progression est plus redevable à une baisse supplémentaire des indices d'inflation qu'à une augmentation digne de ce nom des salaires et des revenus. Il est certain que la stagnation de l'investissement et des exportations de ces pays aux économies "intégrées" suscite désormais bien des interrogations car la liquéfaction des prix pétroliers pouvait aurait quand même pu présager d'un redressement plus spectaculaire de leurs P.I.B. respectifs...

Le monde émergent dévisse

Au même moment, le monde émergent dévisse -voire agonise- et subit des secousses aussi violentes que durant les épisodes les plus noirs des années 2008 et 2009! Il devient donc à ce stade indispensable -au moins par honnêteté intellectuelle- de se poser la question d'entre toutes: les tarifs énergétiques se sont-ils effondrés à la suite de manipulations diaboliques de certains pays producteurs...ou simplement du fait d'une croissance globale inexistante? Dans cette dernière hypothèse, la décrue des prix pétroliers serait l'épiphénomène d'un contexte économique malsain en lieu et place d'un prélude à l'essor -voire à l'euphorie- économiques espérés. En d'autres termes, - et plus cyniquement - la souffrance des pays producteurs et exportateurs de pétrole n'est nullement contre balancée par le rétablissement des pays consommateurs.

Les banques maintiennent les sociétés pétrolières à flot... pour l'instant

Voilà pourquoi l'effondrement des prix du pétrole -parvenus à des niveaux aberrants en l'espace d'un peu plus d'une année- peut dès lors être analysé sous un angle diamétralement opposé, à savoir que cette chute est bien plus un signe de stagnation -voire de pourrissement- de nos conjonctures que de stimulateur de croissance! Du reste, Wells Fargo & Co., Citigroup Inc. et JPMorgan Chase ont d'ores et déjà dû provisionner deux milliards de dollars pour pertes massives de leurs sociétés partenaires actives sur le gaz et sur le pétrole. Le moment semble proche où ces établissements financiers -et d'autres à travers le monde- en seront réduits à opérer un choix douloureux. C'est-à-dire à trancher dans le vif: continuer à aider leurs clients à rester à flot, ou se préoccuper de leur propre survie... Véritable dilemme terriblement compliqué par l'effondrement des prix qui les contraindra à revendre à 30 $ des garanties en leur faveur consenties lorsque le prix du baril était à 100 !

Une degré supplémentaire dans la spirale déflationniste

Mon propre sentiment est donc désormais arrêté, à savoir que cette déroute des prix de l'énergie fossile est en fait un degré supplémentaire franchi dans la spirale déflationniste qui règne désormais en maîtresse absolue sur l'ensemble de la planète. A cette lueur, la récente décision de la Réserve fédérale américaine de remonter ses taux est pour le moins hasardeuse - voire inconséquente. Ayant fait illusion un temps, cette liquéfaction des prix du pétrole n'a donc pas produit les retombées bénéfiques escomptées par les économistes et dictées par la logique. Les pertes commencent seulement à se manifester dans ce qui restera certainement l'épisode le plus marquant de l'an 2016.

Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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