Le retour trompeur de l'inflation : les vrais coupables

Par Alexandre Mirlicourtois, Xerfi  |   |  715  mots
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les vrais coupables de l'inflation

L'inflation frappe à nouveau aux portes de l'économie française : à plus de 2%, elle se situe à un pic depuis le printemps 2012. L'inflexion a eu lieu début 2018, sans pour autant entrainer quelques déviances que ce soient de la tendance de fond. L'inflation sous-jacente, c'est à dire ce socle débarrassé des produits à prix volatils et de l'effet ponctuel des mesures fiscales, reste coincé autour de 1%. Ce qui traduit bien l'absence de tension réelle au sein de l'appareil de production français.

Des causes avant tout exogènes

Dans les faits, trois facteurs expliquent à eux seuls les deux-tiers de la hausse des prix. Dans l'ordre : le pétrole, la fiscalité et la météo. Les cours du brut ont été multipliés par plus de deux depuis 2016 passant de 30 euros le baril environ à 65. Une envolée spectaculaire qui a fait dévier la trajectoire des prix des produits pétroliers en hausse de près de 22% sur un an entrainant, c'est mécanique, un bond 13% des prix de l'énergie. Compte tenu de son poids dans le panier moyen d'un Français, la contribution de l'énergie au taux d'inflation est de 1 point c'est près de la moitié. Si l'inflation actuelle est due en grande partie au phénomène mondial d'augmentation des cours du pétrole, le gouvernement n'y est pas pour rien non plus. Parmi les responsables de la hausse générale des prix, figure en bonne position l'alourdissement de la fiscalité sur les carburants et le tabac. Côté carburants c'est la combinaison de deux mouvements : celui de la progression de la taxe carbone et du rapprochement de la fiscalité entre l'essence et le diesel qui est à l'œuvre depuis début 2018. Conséquence, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (ex. TIPP) ne cesse de s'élever. En d'autres termes, même si les cours du pétrole s'étaient maintenus en 2018 à leurs niveaux moyens de 2017, les prix à la pompe auraient progressé de 5% pour le gazole et de 2,5% pour l'essence. Compte tenu de l'alourdissement sans précédent à venir de la fiscalité pesant sur les carburants, principalement sur le gazole d'ici 2022, l'impact inflationniste de la fiscalité sur les carburants va se poursuivre ces prochaines années. Le fioul domestique et le gaz naturel sont pris dans la même nasse.

Côté tabac, il suffit de se pencher sur l'évolution de son prix pour mesurer l'ampleur du choc fiscal : après deux hausses limitées en 2017, une augmentation bien plus conséquente a eu lieu le 1er mars dernier. Depuis cette date, il faut compter un euro de plus par paquet environ et 2 pour la blague de tabac à rouler. Le choc est rude, la hausse sur un an atteint désormais 16,8%, et explique un peu plus de 0,3 point d'inflation. Une contribution positive qui le restera en 2019, deux hausses supplémentaires de 50 centimes étant programmées, l'une en avril la seconde en novembre.

 Reste l'impact de la météo, visible dans l'évolution des prix des produits alimentaires frais : en hausse de près de 7%, ils sont à l'origine de près de 0,2 point de l'inflation totale.

L'inflation va se désintégrer

L'inflation ne provient donc pas d'une reprise de l'activité, mais elle a des causes exogènes. Elle n'est pas venue d'une recrudescence de la demande domestique, consécutive à une hausse des salaires. Bien au contraire, la hausse du salaire moyen par tête a décéléré au 1er trimestre 2018, brisant le nouvel élan et compte tenu de la hausse des prix l'évolution des salariés réelle est proche de zéro voire légèrement négative depuis peu. Les Français vont donc être tentés de faire des économies là où ils le peuvent, ce qui va avoir pour effet de tirer les prix vers le bas. En fait, c'est une inflation qui va se désintégrer en partie elle-même. En attendant, même si le retour de l'inflation est trompeur, il complique l'équation budgétaire des ménages comme des entreprises, ce qui n'est assurément pas un bon signal pour l'économie française.

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