Le tourisme français en péril

En apparence, tout va bien pour le tourisme en France, avec un record mondial d'affluence en 2015. En réalité, l'activité est en péril. Le fait qu'un touriste en France dépense trois fois moins qu'en Allemagne devrait alerter. par Jérôme Tourbier, fondateur des "Sources de Caudalie"

Doit-on célébrer le record mondial d'affluence touristique 2015 avec plus de 85 millions de visiteurs estimés ou s'alarmer que le traumatisme lié aux attentats et l'Etat d'urgence accentuent la désaffection des touristes chinois et japonais pour la France et aggravent la baisse des recettes du tourisme ?
Car la réalité est cruelle. Nous perdons du terrain, par rapport aux grandes nations comme les Etats-Unis, mais aussi par rapport à nos voisins européens de taille comparable.

Une prise de conscience politique

Certes, on se réjouit de la prise de conscience politique qui a conduit à déclarer le tourisme « grande cause nationale ». Les premières mesures volontaristes du Quai d'Orsay comme les initiatives des réseaux économiques et diplomatiques donnent corps à la défense du « trésor national » évoqué par Laurent Fabius. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres pour faire du tourisme une industrie à part entière. Assurer la sécurité des touristes, améliorer l'accueil et le service, relancer l'investissement, déployer les formations et assurer l'accès au numérique de toutes les entreprises du secteur : la tâche est immense et le temps compté.

Sur le terrain, un constat inquiétant

Car sur le terrain, le constat est inquiétant. Le retard d'investissement depuis 15 ans rend l'offre en région peu en adéquation avec les attentes des nouveaux voyageurs internationaux. Le tourisme a souffert, à l'image de notre économie, d'un affaiblissement notoire des marges des entreprises. La baisse imposée du temps de travail, la fiscalité dissuasive et l'envahissement des normes ont freiné l'émergence de nouveaux acteurs comme d'entreprises de tailles intermédiaires.

Oser le haut de gamme

Ne considérer le tourisme Français qu'au travers des groupes Accor, Club Med ou Pierre et Vacances est une erreur stratégique grave à l'heure où les visiteurs du monde entier recherchent des expériences « uniques » et le « sur-mesure » offerts par une distribution largement numérisée. Car plus que la quantité, c'est la qualité de nos capacités d'accueil qui est en cause. La France doit oser le « haut de gamme » et avoir pour obsession de capter des touristes internationaux à forte contribution. Nous devons faire de notre pays la référence mondiale en matière de service et d'accueil. Le fait qu'un touriste dépense trois fois plus en Allemagne qu'en France n'est pas une fatalité !

Une cause d'intérêt national

La cause est bien d'intérêt national. Le tourisme peut permettre à notre pays de retrouver le chemin de la croissance et de la cohésion sociale et territoriale. Au plan économique, en réalisant simplement la croissance moyenne du tourisme mondial, il apporterait un point supplémentaire de PIB à la nation. En matière sociale, parce c'est une industrie de main d'œuvre non-délocalisable, il pourrait créer 100 000 emplois par an. Parce ce sont des métiers aux mille visages, le tourisme peut offrir aux jeunes autant d'opportunités d'insertion dans l'emploi grâce à des formations courtes et qualifiantes.

Un vecteur d'aménagement du territoire

Enfin, le tourisme est un vecteur formidable d'aménagement du territoire et de valorisation de notre patrimoine incomparable. Avec la volonté de promouvoir le meilleur de nos régions, de nos produits et de notre gastronomie, nous assurerons l'essor de l'éco-tourisme, du tourisme durable, le développement de « circuits courts », offrant des débouchés aux paysans de petites exploitations et une montée en gamme aux restaurateurs locaux. Accompagné par le dynamisme culturel de nos territoires, le triptyque tourisme - agriculture - culture sera l'atout gagnant de notre pays.
Nous devons donc être ambitieux mais aussi lucides. Ce rebond, il n'aura lieu que si considérons le "service" comme une ambition et non comme une contrainte, qui si nous travaillons main dans la main avec les élus à la promotion et à la transmission des savoirs et des compétences. Retrouvons le sens et la vertu de l'hospitalité!

JEROME TOURBIER
« TOURISME EN PERIL » aux Editions JC Lattes

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Commentaires 17
à écrit le 15/02/2016 à 18:54
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Comme beaucoup de domaines,lorsqu'ils se gavent on n'entend personne.Les bénéfices ça ne se partage pas,par contre les pertes .....

à écrit le 13/02/2016 à 15:31
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" La baisse imposée du temps de travail, la fiscalité dissuasive et l'envahissement des normes ont freiné l'émergence de nouveaux acteurs comme d'entreprises de tailles intermédiaires." C'est toute l'économie qui souffre de ces plaies bien françaises...

à écrit le 13/02/2016 à 11:27
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Et si on privatisait les musées ? Ils seraient moins en grève, ils seraient ouverts plus longtemps, et ils feraient un effort pour améliorer l'accueil.

à écrit le 13/02/2016 à 11:08
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Bravo monsieur tourbier, votre livre sera plus efficace je l'espere que l'une des nombreuses commissions ou projet de loi animé par un politique gesticulant sans effet et ayant pour vocation un simple clientélisme électoral.

à écrit le 12/02/2016 à 15:11
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Je viens de finir une vacation dans un Musée Parisien , pour une expo qui a eu un grand sucés,contrats de ""précarité de misère ""de 25 h qui emploient des Master 2 en travaillant du mercredi au dimanche inclus pour à peine 1000€ net. Vous en pen...

le 13/02/2016 à 13:08
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Certes, mais évitons d'opposer fonctionnaires "trop payés" et précaires sous-payés... du moins tant qu'on maitrise mal l'orthographe et la grammaire, gages de qualité d'accueil.

le 13/02/2016 à 23:05
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@Alain62250 pourquoi ne faudrait-il pas les opposer. Le probleme en France est que les insider bloquent toutes possibilites d'evolution vers un systeme plus competitif. Et comme ils representent la majorite de electeurs les politiques vont dans leur ...

à écrit le 12/02/2016 à 9:39
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tellement d'accord Mr Tourbier! Simplement proposer un produit (musee, hotel, restaurant, transport) en garantissant du service serait un tel avantage competitif de nos jours que c'en est effrayant. Neanmoins, c'est tellement facile a accomplir quand...

à écrit le 12/02/2016 à 4:07
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L'accueil en France est deplorable, sur la cote en particulier, a Paris je n'en parle pas. La salete omnipresente un peu partout. Les aeroports tres limite. J'evite ce pays depuis des lustres. Changer l'image actuelle, il y a du travail........

à écrit le 11/02/2016 à 21:57
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Nous sommes français, installés au Mexique et nous avons une agence de voyage francophone, notre clientèle majoritairement française aime nos circuits sur mesure et nos services haut de gamme et apprécie l'accueil que le Mexique leur offre où le serv...

à écrit le 11/02/2016 à 14:57
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Pour séduire les touristes, il faut communiquer sur des régions cohérentes et qui évoquent quelque chose, qui font rêver en somme: le Périgord, l'Alsace, la Bretagne, la Provence, la Savoie... ce n'est sûrement pas avec nos régions artificialisées, p...

à écrit le 11/02/2016 à 11:54
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Pour la Culture, même constat! Ne pas trop compter sur elle...Pas d'anticipation ( pour la promouvoir facilement), de " personnalisation" des offres ou d'adaptation aux nouvelles clientéles. Les pros s'occupent à 100% des habitants de proximité - rôl...

à écrit le 11/02/2016 à 10:46
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Le tourisme en France est touché aussi par les gens des pays européens qui travaillent avec une fiscalité réduite et sans license pour des tout compris notamment en zone de montagne. Les hôtels peine avec rbnb......Enfin c'est bien de de débattre là...

le 12/02/2016 à 6:24
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Où êtes-vous à Chamonix? J'y serai en Mars et j'aurai plaisir à connaître votre établissement Bien à vous Margie Sudre

à écrit le 11/02/2016 à 7:20
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Les chiffres annoncés sont erronés. La France n'est pas le pays le plus visité, mais le pays le plus traversé d'Europe, notamment par les Européens du Nord et Britanniques qui font plusieurs fois par an des allers-retours vers leurs résidences second...

le 12/02/2016 à 9:59
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Enfin un constat intelligent Cette traversée permet néanmoins à la France de se payer une infrastructure autoroutière de qualité financée en grande partie par l'étranger de transit et non le contribuable (vive les péages !) Donc ce "tourisme"...

à écrit le 10/02/2016 à 18:40
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Et le nettoyage commence au niveau des aéroport et des gares quand on voie le nombre de racoleur cela fait peur!!!

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