Le tourisme français en péril

Par Jérôme Tourbier  |   |  666  mots
En apparence, tout va bien pour le tourisme en France, avec un record mondial d'affluence en 2015. En réalité, l'activité est en péril. Le fait qu'un touriste en France dépense trois fois moins qu'en Allemagne devrait alerter. par Jérôme Tourbier, fondateur des "Sources de Caudalie"

Doit-on célébrer le record mondial d'affluence touristique 2015 avec plus de 85 millions de visiteurs estimés ou s'alarmer que le traumatisme lié aux attentats et l'Etat d'urgence accentuent la désaffection des touristes chinois et japonais pour la France et aggravent la baisse des recettes du tourisme ?
Car la réalité est cruelle. Nous perdons du terrain, par rapport aux grandes nations comme les Etats-Unis, mais aussi par rapport à nos voisins européens de taille comparable.

Une prise de conscience politique

Certes, on se réjouit de la prise de conscience politique qui a conduit à déclarer le tourisme « grande cause nationale ». Les premières mesures volontaristes du Quai d'Orsay comme les initiatives des réseaux économiques et diplomatiques donnent corps à la défense du « trésor national » évoqué par Laurent Fabius. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres pour faire du tourisme une industrie à part entière. Assurer la sécurité des touristes, améliorer l'accueil et le service, relancer l'investissement, déployer les formations et assurer l'accès au numérique de toutes les entreprises du secteur : la tâche est immense et le temps compté.

Sur le terrain, un constat inquiétant

Car sur le terrain, le constat est inquiétant. Le retard d'investissement depuis 15 ans rend l'offre en région peu en adéquation avec les attentes des nouveaux voyageurs internationaux. Le tourisme a souffert, à l'image de notre économie, d'un affaiblissement notoire des marges des entreprises. La baisse imposée du temps de travail, la fiscalité dissuasive et l'envahissement des normes ont freiné l'émergence de nouveaux acteurs comme d'entreprises de tailles intermédiaires.

Oser le haut de gamme

Ne considérer le tourisme Français qu'au travers des groupes Accor, Club Med ou Pierre et Vacances est une erreur stratégique grave à l'heure où les visiteurs du monde entier recherchent des expériences « uniques » et le « sur-mesure » offerts par une distribution largement numérisée. Car plus que la quantité, c'est la qualité de nos capacités d'accueil qui est en cause. La France doit oser le « haut de gamme » et avoir pour obsession de capter des touristes internationaux à forte contribution. Nous devons faire de notre pays la référence mondiale en matière de service et d'accueil. Le fait qu'un touriste dépense trois fois plus en Allemagne qu'en France n'est pas une fatalité !

Une cause d'intérêt national

La cause est bien d'intérêt national. Le tourisme peut permettre à notre pays de retrouver le chemin de la croissance et de la cohésion sociale et territoriale. Au plan économique, en réalisant simplement la croissance moyenne du tourisme mondial, il apporterait un point supplémentaire de PIB à la nation. En matière sociale, parce c'est une industrie de main d'œuvre non-délocalisable, il pourrait créer 100 000 emplois par an. Parce ce sont des métiers aux mille visages, le tourisme peut offrir aux jeunes autant d'opportunités d'insertion dans l'emploi grâce à des formations courtes et qualifiantes.

Un vecteur d'aménagement du territoire

Enfin, le tourisme est un vecteur formidable d'aménagement du territoire et de valorisation de notre patrimoine incomparable. Avec la volonté de promouvoir le meilleur de nos régions, de nos produits et de notre gastronomie, nous assurerons l'essor de l'éco-tourisme, du tourisme durable, le développement de « circuits courts », offrant des débouchés aux paysans de petites exploitations et une montée en gamme aux restaurateurs locaux. Accompagné par le dynamisme culturel de nos territoires, le triptyque tourisme - agriculture - culture sera l'atout gagnant de notre pays.
Nous devons donc être ambitieux mais aussi lucides. Ce rebond, il n'aura lieu que si considérons le "service" comme une ambition et non comme une contrainte, qui si nous travaillons main dans la main avec les élus à la promotion et à la transmission des savoirs et des compétences. Retrouvons le sens et la vertu de l'hospitalité!

JEROME TOURBIER
« TOURISME EN PERIL » aux Editions JC Lattes