Les 2 ou 3 leçons pour la France du modèle japonais

Par Alexandre Mirlicourtois, Xerfi  |   |  704  mots
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les 2 ou 3 leçons pour la France du modèle japonais

Le principe est français et consacré par la Constitution : "Chacun a le devoir de travailler et le DROIT d'obtenir un emploi". Sa réalisation, elle, est japonaise. Comparer l'évolution du taux de chômage dans les deux pays en donne la mesure : il est en moyenne  de 9,5% en France depuis le début des années 90, contre moins de 4% au Japon. Quelle que soit la conjoncture, le taux de chômage japonais n'a jamais dépassé la barre des 6%, alors qu'en France il n'est jamais parvenu à descendre en dessous. Et si la France prenait une leçon de Japonais ?

D'abord en termes de capacité à créer de la richesse. Dès lors que les effets démographiques liés au vieillissement sont intégrés, l'économie japonaise croît plus vite que l'économie française : en rapportant le PIB au nombre de personnes en âge de travailler, aucune rupture majeure n'apparait depuis un quart de siècle. Mieux que cela, à contre-courant de la plupart des économies développées, on observe une accélération en fin de période. Le bilan depuis 1990 c'est une hausse de 46%, soit 11 points de plus que la France (+35%).

Une plus grande contribution des séniors à l'économie

Si le Japon fait mieux que la France, c'est d'abord parce que les Japonais en âge de travailler participent plus collectivement à la création de la richesse nationale. Le taux d'activité, c'est-à-dire les personnes de 15 à 64 ans qui travaillent, recherchent un emploi ou sont disponibles pour en occuper un, rapportées à la population totale en âge de travailler, y est de 77,5% contre moins de 72% en France. Un écart qui se construit essentiellement sur la tranche d'âge la plus élevée, les 55-64 ans. Ente les deux, un âge de départ à la retraite plus élevé au Japon (environ 65 ans) qu'en France (62). Mais pas seulement.

Le taux de remplacement (pourcentage du revenu d'activité que conserve un salarié lorsqu'il fait valoir ses droits à pension) est aussi  plus faible au Japon, ce qui contraint les retraités japonais à rester en activité même pour des emplois dégradés.

Des multinationales ultra-compétitives

Mais il ne faudrait pas non plus réduire la réussite japonaise au seul surplus de travail des séniors. Le Japon a aussi su consolider sa puissance industrielle. Dans le top trois des leaders sur les secteurs automobile, les machines-outils, la construction navale, l'acier, l'électronique et les biotechnologies, le Japon demeure la troisième puissance industrielle mondiale derrière la Chine et les Etats-Unis. Avec un leitmotiv : un ciblage très sélectif des produits et des secteurs, qui sont tous à forte à forte valeur ajoutée et pour lesquels la demande mondiale est forte.

Pour piloter tout cela, le Japon est doté d'un escadron ultra-compétitif de grandes firmes multinationales. Il place 51 de ses groupes dans le top 500 des plus grandes entreprises mondiales derrière les Etats-Unis (132) et la Chine (109), mais devant la France (29) en quatrième position. Les groupes sont emblématiques et connus de tous : Toyota, Honda, Hitachi, etc. Des groupes à la japonaise, ultra-compétitifs, ultra-productifs.

Et pourtant, une "catastrophe" en termes de productivité

Pourtant, paradoxalement, d'un point de vue macro-économique, le Japon est une catastrophe "productive" : la productivité horaire y est environ 30% plus faible qu'en France. Car à côté de ces leaders coexiste un tissu d'entreprises protégées tournées vers le marché domestique, et dont la productivité est très faible. C'est là que s'opère le déversement de la main d'œuvre en excès, ce qui permet de contenir le chômage : c'est notamment le cas dans le commerce, la construction mais aussi l'agriculture. Il s'agit aussi souvent d'emploi à temps partiel : le quart environ des emplois au Japon sont des emplois à temps partiel, contre moins de 15% en France.

Plus forte participation des séniors à l'économie du pays, partage du temps de travail, coexistence de grands groupes ultra-compétitifs orientés vers l'extérieur et d'entreprises protégées très peu productives tournées vers le marché domestique : c'est la leçon du Japon à la France.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique