Les collectivités locales peuvent et doivent assainir leurs comptes

Par Michel Tudel  |   |  721  mots
La Cour des comptes a sonné l'alarme sur les finances des collectivités locales
Les comptes des collectivités dérapent. Il existe pourtant des moyens de les rétablir. Par Michel Tudel, Président d'Absoluce, groupement de cabinets indépendants d'expertise comptable, d'audit et de conseil.

A l'occasion des élections départementales du mois de mars 2015, il ne faut pas passer sous silence la question, brûlante, de la situation financière des collectivités locales. Car comme le montre le dernier rapport de la Cour des Comptes, non seulement le déficit et la dette de ces collectivités n'ont cessé d'augmenter ces dernières années, mais ce déficit, qui représente aujourd'hui 10% du déficit des comptes publics, est également devenu une des causes du retard pris par la France dans ses engagements d'assainissement de ses comptes.

 Un déficit équivalent à celui de la sécurité sociale

Quelques chiffres pour mesurer la gravité de la situation : en 2013, le déficit des collectivités locales a explosé pour s'établir à 9,2 milliards d'euros, au lieu de 3,7 milliards d'euros en 2012, soit une augmentation de presque 300 % ! Il est ainsi devenu équivalent à celui de la Sécurité sociale. Ce dérapage très important s'explique par une faible progression des recettes (1,1% en 2013), la baisse des dotations de l'Etat, mais surtout une très forte augmentation des dépenses de fonctionnement : 3,1 % pour la seule masse salariale.

Côté endettement, la situation n'est pas meilleure, loin de là : les collectivités territoriales sont endettées à la fin 2013 à hauteur de 137 milliards d'euros, soit 4,2 milliards d'euros de plus qu'en 2012. Si l'on ajoute la dette de l'Etat (1 531 milliards d'euros à la fin 2013) et celle de la Sécurité sociale (plus de 200 milliards d'euros), la France cumule une dette publique totale de près de 2 000 milliards d'euros !

 Recrutement de fonctionnaires

Or, loin de faire des économies, les collectivités locales et en particulier les communes et les intercommunalités ont recruté près de 100 000 fonctionnaires territoriaux supplémentaires depuis 2011, alors même que l'absentéisme de ces fonctionnaires est très élevé et que leur temps de travail effectif est inférieur à la durée légale de travail. Ce gaspillage a même continué en 2014, avec une nouvelle hausse des dépenses, notamment en raison des effectifs et des rémunérations, de 4% en moyenne.

 Mutualiser les moyens

Comment mettre un terme à cette gabegie ? Tout d'abord, les collectivités locales doivent freiner leurs dépenses de fonctionnement tout en préservant leurs capacités d'investissement. Pour cela, le seul moyen est de s'attaquer aux dépenses de personnel, surtout au niveau des communes et des intercommunalités, qui disposent de marges de manœuvre pour mutualiser leurs moyens. Il faut également revoir le statut, les indemnités et parfois le train de vie des élus.

Cette action est d'autant plus nécessaire que la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités va se poursuivre jusqu'en 2017, dans le cadre du « plan d'économies » de 50 milliards d'euros prévus par le Gouvernement. Il est clair que cette baisse ne peut être compensée que par une diminution des dépenses, et non par de nouvelles hausses d'impôts locaux.

 Réformer les intercommunalités

Autre levier sur lequel il est possible d'agir : réformer les intercommunalités. On voit bien que, jusqu'à présent, la création et le développement de l'intercommunalité a surtout provoqué une augmentation des coûts, en multipliant et en empilant les niveaux de compétences. Quant aux transferts de compétences des communes vers les intercommunalités, ils n'ont pas permis de réaliser, au final, d'économies, puisque les dépenses des communes ont continué de progresser.

Plus largement, il faudrait sans doute aussi remettre sur la table la question des échelons régionaux et celle du nombre de communes en France. Rappelons en effet que l'organisation territoriale est bien souvent plus économe chez nos voisins européens. A cela une raison majeure : l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne ou encore l'Italie comptent beaucoup moins de communes par habitant que la France !

Des objectifs de réduction des déficits pour les collectivités

 Enfin, et bien qu'elles soient libres d'administrer leurs budgets, pourquoi ne pas fixer aux collectivités locales des objectifs de réduction des déficits, voire de rétablissement complet de leurs comptes ? Il faudrait alors qu'un volet de la loi de finances, avec ces objectifs, soit voté séparément et comporte des sanctions sur le plan administratif.

Ce n'est qu'à toutes ces conditions que les collectivités territoriales pourront espérer redresser leur situation.