Les entreprises Françaises et Européennes ont besoin des marchés de technologies pour grandir en Europe

Par Jean-Noël de Galzain (*)  |   |  861  mots
(Crédits : DR)
OPINION. L'armée américaine vient de passer cette année un marché de 22 milliards dollars pour acheter des casques de réalité augmentée auprès de Microsoft pour les dix prochaines années. Ceci, un an après le contrat passé par le Pentagone au même partenaire pour le projet JEDI visant à héberger son « cloud de guerre » souverain. (*) Par Jean-Noël de Galzain, Président Wallix Group

L'Etat Fédéral Américain l'a bien compris, pour faire grandir ses entreprises il applique un principe très simple de « Buy American Act ». Une politique industrielle exemplaire qui impose depuis 1933 l'achat de biens et services produits sur son territoire par le gouvernement. Et le président Biden vient de s'engager à renforcer cette loi ! La première puissance économique du monde ne nous livre-t-elle pas un modèle de développement à suivre pour faire grandir nos propres entreprises de technologies numériques ?

Une politique industrielle stricte et efficace, de toute urgence

En France, nos startups et nos PME technologiques (logiciels, cybersécurité, télécommunications et autres) sont issues de la recherche et de l'innovation collaborative, alimentées par le Crédit d'Impôt Recherche depuis plus de vingt ans, pour constituer la « FrenchTech » reconnue dans le monde entier. Pourtant peu finissent par devenir des ETI et des leaders mondiaux...

Pour l'ensemble de ces startups et ces PME, la commande publique et l'accès au marché Européen représentent la clé de la croissance. Aussi est-il temps de nous inspirer du modèle américain et de faire voler en éclat nos complexes en matière d'achats publics, en France et en Europe. Quand allons-nous donc prendre des mesures clés pour flécher la commande publique vers les entreprises de nos territoires ? Quand allons-nous reproduire ce modèle qui a permis à l'industrie américaine de dominer outrageusement l'industrie IT ? Quand allons-nous consacrer des moyens à faire grandir nos startups et nos PME innovantes pour développer ainsi notre propre industrie, la clé de notre autonomie stratégique et économique en matière de numérique ?

Dans les dix ans à venir, les investissements dans la relance post-Covid, ajoutés à la modernisation de notre industrie, à la transformation des usages des services publics ou de nos territoires vont aller bien au-delà du Plan Marshal de 1947 en termes de dépenses publiques et privées. Selon l'institut IDC, « Les dépenses européennes en technologies et services qui permettent la transformation numérique des entreprises, des produits et des organisations devraient atteindre 378,2 milliards de dollars en 2022 » rien qu'en Europe, et 1.800 milliards de dollars dans le monde.

À la vue des montants qui vont être injectés dans l'économie numérique, une politique industrielle stricte et efficace doit s'imposer en France et en Europe dès que possible. Celle-ci doit accompagner la mise en œuvre d'un numérique de confiance conforme aux réglementations Européennes - telles que le RGPD, la Directive NIS, le DGA et le DMA-, et assurer un retour sur investissement pour les européens.

Une question qui ne se pose pas Outre-Atlantique. A son arrivée à la Maison Blanche, le Président Biden a fait voter « l'American Rescue Act for Cyber » d'un montant de plusieurs milliards de dollars pour équiper l'administration américaine des dernières technologies visant à lutter contre les cyberattaques devenues la menace majeure qui pèse sur la société. Couplée à une réglementation privilégiant la production américaine, cette mesure va alimenter un marché déjà largement dominé par l'industrie locale. Il s'agit d'un cercle vertueux.

En France, Emmanuel Macron a annoncé le 18 février une stratégie Nationale de Cybersécurité financée à hauteur d'un milliard d'euros avec une priorité : équiper nos hôpitaux, nos collectivités locales et nos ports avec des solutions de cybersécurité permettant de lutter contre les cyber-attaques qui menacent leur fonctionnement. Cette annonce pourrait sonner les prémices d'un « Business Act for Cyber » à la française, dans la mesure où elle serait assortie d'une préférence pour la production locale.

Le choix clair de la préférence européenne : un cercle vertueux

Le choix de la préférence française et européenne dans nos achats est une priorité aujourd'hui pour nous permettre de développer nos industries technologiques clés comme la cybersécurité, l'Intelligence Artificielle ou les infrastructures numériques. Ce choix s'impose d'autant plus qu'il est essentiel à notre autonomie en matière de numérique.

Ainsi, chaque euro investi par l'Etat dans la Stratégie Nationale pour la cybersécurité en France, et plus largement dans les plans de relance européens vont générer de la commande publique et des aides qui doivent être fléchées directement auprès de nos entreprises locales. Nos gouvernements doivent établir une préférence claire en faveur de notre production de biens et services technologiques, et leur consacrer au moins 50% de l'investissement. C'est ce que l'on appellerait un European Buy Act. Ces achats seront décisifs pour alimenter la croissance, pour que nos entreprises de technologies se développent, pour diminuer nos importations et créer de l'emploi. C'est la clé d'un Cercle vertueux.

Une politique industrielle de la Tech est un axe stratégique pour notre pays et pour l'Europe afin d'établir un cercle vertueux entre les citoyens et les investissements qu'ils font dans leur avenir. C'est à nos élus d'en prendre conscience pour agir en conséquence et faire exister une préférence européenne, ainsi qu'aux futurs candidats qui devront prendre ce défi en main !