Les lois El Khomri vont créer de nouveaux chômeurs

Par Yann Galut et Romain Blachier  |   |  1064  mots
Romain Blachier et Yann Galut
Le projet de loi que s'apprête à présenter la ministre du Travail va avant tout contribuer à détruire des emplois. Par Yann Galut, député (PS) du Cher et Romain Blachier, adjoint (PS) au Maire de Lyon 7e et conseiller Métropolitain du Grand Lyon

Certes il y a aussi de bonnes choses dans l'avant projet de loi de la Ministre du Travail Myriam El-Khomri. La démocratie sociale et la légitimité syndicale est notamment renforcée puisque désormais il faudra, pour qu'un accord d'entreprise soit considéré comme valable, qu'il soit paraphé par des organisations représentant au moins 50% des suffrages exprimés. La réflexion sur le droit à la déconnexion est aussi une piste importante dans les contextes de l'entreprise actuelle. Par ailleurs la création d'un compte personnel d'activité en faveur des professions indépendantes et libérales est un indéniable progrès à souligner et à saluer.

Des chômeurs supplémentaires dans un pays qui n'en a pas besoin

Mais d'autres dispositifs de la loi, beaucoup d'autres même, risquent de créer du chômage supplémentaire et des inégalités dans un pays qui n'a pas besoin de ce poids en plus.

Rappelons qu'il y a moins de 10 ans, alors que le Droit du Travail était bien plus protecteur qu'aujourd'hui, notre pays se trouvait avec un taux de chômage 30% moins élevé qu'actuellement. Si des rigidités qui empêchent les entrepreneurs d'embaucher existent et doivent être levées, si la bataille de l'emploi doit être menée au niveau des territoires, si entrepreneuriat est indispensable pour créer de l'emploi, le projet de loi El-Khomri risque à l'inverse de créer des bataillons de nouveaux chômeurs.

Un véritable danger pour l'emploi

Les dispositions prévues par l'avant-projet de la Ministre rendant plus facile les licenciements économiques sont par exemple un véritable danger pour l'emploi. Il sera bien plus facile pour une entreprise de se séparer d'un collaborateur en cas de ralentissement de son activité. Et ceci sans aucun contrôle de la réalité de la situation de la société concernée.
La Ministre disposant d'une expérience professionnelle acquise uniquement dans le monde politique, ignore visiblement qu'il est très facile, par exemple pour un grand groupe privé ou public, de déclarer en déficit l'une de ses branches par un jeu comptable. C'est pourquoi jusqu'à présent un contrôle pouvait exister et sera supprimé si la Ministre réussi à faire passer son point de vue. Cette loi risque tout simplement d'ajouter des chômeurs aux déjà nombreux inscrits à Pole Emploi sans aider aucunement les entreprises à trouver de nouveaux clients.

Des heures supplémentaires moins bien payées qu'en Chine

De même, la possibilité de faire oeuvrer les salariés 25 heures hebdomadaires au-dessus du seuil actuel, soit 60 heures par semaine, est un véritable danger pour l'emploi dans notre pays. Faire travailler beaucoup quelques-uns quand d'autres n'ont du tout de gagne-pain est une absurdité . Et une véritable incitation à la culture d'un chômage élevé, véritable dogme chez nombre de classes dirigeantes françaises. Au lieu de créer des nouveaux postes de travail, on laissera davantage de personnes privées d'emploi à la porte des entreprises. Et les heures supplémentaires ainsi dégagées sont moins bien payées qu'auparavant, bien moins d'ailleurs en pourcentage qu'en Chine, pays qui ne passe pourtant pas pour un modèle social éclairé. Bien pire, il sera possible de se retrouver à travailler 5 heures de plus par semaine à certaines périodes sans aucune compensation. Alors que des millions de personne ne demandent qu'à trouver un moyen de vivre, eux et leurs familles.

Autant d'emplois non créés

Avec de telles mesure, ce seront autant de salariés qui ne pourront pas trouver d'emploi. Et qui devront se contenter de vivre d'allocations de la collectivité. Avec une telle mesure, ce seront autant d'emplois qui ne seront pas créés et autant de semaines de très dur labeur pour les quelques salariés qui seront dans l'entreprise, au détriment de leurs familles et de leur bien-être.

Autre dispositif visant involontairement à favoriser le chômage: celle du plafonnement des réparations des dommages subis par les salariés. Ce serait une première en Droit que d'ignorer ce principe « le propre de la réparation est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage. Et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée, si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu. ». Il est anormal qu'une situation spéciale soie faite pour les travailleurs privés d'emploi par une faute de leur employeur. Et risque là encore une fois, d'amener de nouveau salariés au chômage puisque la sanction pour licenciement illicite sera plus légère.

Un besoin de clients et d'innovation

Le premier besoin des entreprises, la Ministre ne semble visiblement pas le voir, c'est des clients et de l'innovation

Ce n'est pas non plus en rendant gratuit les astreintes le week-end, en ne comptant pas le temps d'habillage en tenue professionnelle pour les ouvriers ou en faisant travailler des mineurs 10 heures par jours, autres aspects du projet de loi, que nous diminuerons le chômage dans notre pays. Mais nous créons à coup sûr, en plus du chômage supplémentaire, de nombreuses injustices. Il serait bon que notre Ministre aille connaitre un jour sa 1ere expérience en entreprise, publique ou privé pour connaitre concrètement la réalité des salariés et des indépendants dans notre pays.

C'est en réfléchissant au pouvoir d'achat, à l'innovation (rappelons que les budgets de recherche sont en berne dans notre pays, alors que nos entreprises ont besoin d'innover), aux green-techs, aux simplification administratives comme cela a déjà commencé d'être fait par ailleurs, au locavore, à relancer nos exportations, à diminuer notre dépendance au pétrole, au partage du travail, à la question du rapport entre actionnaires et salariés, en agissant pour l'emploi à partir des territoires, en pensant aussi et surtout que le premier besoin de l'entreprise est celui d'avoir des clients et un carnet de commande rempli, que nous relancerons la machine de l'emploi et de la compétitivité.

Pas en rendant plus facile la création de nouveaux chômeurs et en instaurant de nouvelles injustices.

Yann Galut, député (PS) du Cher et Conseiller Départemental, membre du bureau national du Parti Socialiste
Romain Blachier Adjoint (PS) au Maire de Lyon 7e et conseiller Métropolitain du Grand Lyon, membre du conseil national du Parti Socialiste