Les sanctions, reflets de la suprématie américaine

Par Michel Santi  |   |  537  mots
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OPINION. Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas l'arme du dollar qui rend les sanctions américaines contre un pays incontournables. Par Michel Santi, économiste (*).

Le billet vert est certes la monnaie de réserve par excellence au niveau universel et est naturellement constitutive de l'hégémonie américaine. Pour autant, il ne suffit pas - comme nombre d'entreprises et de nations sous sanction - de commercer dans une autre monnaie afin d'éviter ces sanctions. En d'autres termes, ce n'est pas grâce à leur monnaie que règnent les Etats-Unis car il ne suffit pas de ne plus en faire usage pour se soustraire à leurs sanctions.

Le cas iranien


Prenons le cas de l'Iran qui vient de se voir infliger une batterie supplémentaire de sanctions par les USA. Aucune entreprise américaine n'est plus autorisée aujourd'hui - non à entretenir des relations commerciales avec l'Iran, ce qui est une cause entendue - mais également à aucun contact avec une entreprise européenne, japonaise, canadienne ou autre qui ferait des affaires avec l'Iran. Cette société étrangère qui commerce avec l'Iran se retrouve donc confrontée à un choix impossible consistant à être littéralement bannie, non seulement des Etats-Unis, mais surtout de faire de quelconques affaires avec une entreprise américaine si elle décidait de maintenir ses relations avec l'Iran. Dès lors, cette société étrangère récalcitrante serait privée d'accéder à l'immense marché US, privée de la technologie US, privée de l'expertise de la Silicon Valley, privée d'acheter un quelconque actif ou valeur américains, privée d'accéder au gigantesque et lucratif marché des capitaux US, privée d'utiliser le dollar comme moyen de paiement, condamnée à fermer ses succursales aux Etats-Unis. Ses responsables, même ceux vivant hors des USA, ne pourraient plus envoyer leurs enfants dans les universités américaines, même plus se faire soigner dans les hôpitaux américains s'ils le souhaitent, se verraient refuser l'entrée sur le territoire US pour un simple voyage d'agréments.

Liste noire


Cet arsenal dissuasif confère donc cette toute puissance à des Etats-Unis qui ne seraient certainement pas plus cléments avec une entreprise étrangère croyant se soustraire à ces pénalités en commerçant en euros (par exemple) avec une société iranienne. Cette société européenne espérant naïvement éviter ou contourner les sanctions US serait immédiatement inscrite sur une liste noire par le Département US de la Justice qui l'apprendra bien un jour ou l'autre (car rien ne leur échappe) et qui lui réservera un traitement «spécial». Ce n'est donc pas tant l'arme du dollar qui confère leur redoutable efficacité aux sanctions américaines. C'est l'interdiction faite à quiconque opte de les ignorer de profiter de la qualité indiscutable de la technologie, des services, des biens et de l'expérience dont bénéficient les entreprises et les individus aux Etats-Unis d'Amérique.

Toute entreprise et tout pays, quelles que soient leur taille et importance, n'hésitera à aucun sacrifice pour continuer à y avoir accès.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin

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