Macron, le libéralisme et les gilets jaunes

Par Thierry Martin  |   |  974  mots
(Crédits : Reuters)
Le mouvement des gilets jaunes s'est initialement opposé aux taxes supplémentaires. Emmanuel Macron s'est fait élire sur un gouvernement libéral. Pourtant, la France reste prisonnière de ses dogmes étatistes et de son Etat profond. Par Thierry Martin, directeur général d'Adevex.

Un spectre hante l'Europe, le spectre du libéralisme. L'union européenne se veut libérale mais elle a engendré une telle bureaucratie induite par une Allemagne foncièrement dirigiste qu'elle a fini par faire fuir l'Angleterre, terre historiquement libérale.

Emmanuel Macron se veut libéral, mais il a, lui aussi, subi le freinage de l'Etat profond, comme Nicolas Sarkozy en son temps. Les gilets jaunes prônant tout d'abord le « moins de taxes, moins de dépenses publiques » avaient, au-delà de la dimension identitaire du mouvement, pu apparaître comme des Messieurs Jourdain du libéralisme. De fait, tout se passe comme si les gilets jaunes étaient une réaction à l'attente suscitée par le discours du candidat Macron qui promettait une modernisation anti-corporatiste, une révolution libérale, la fin des privilèges. Comme l'écrivait Marx, dans « Le 18 Brumaire », quand on joue du violon au sommet de l'Etat, il ne faut pas s'étonner que le peuple se mette à danser.

Les vieux chevaux de retour de la gauche

Malheureusement, le slogan « moins de taxes, moins de dépenses publiques » des gilets jaunes semble aujourd'hui phagocyté par les vieux chevaux de retour de la gauche, du socialisme et de la CGT dans des mainstream media pourtant a priori favorable au jeune Président. Au fil des semaines, ce mouvement boudé au départ par les élites de gauche est en phase de récupération. Il ne faut pas parler de charges mais de cotisations, entend-on. Sous-entendant : ça ne va pas dans votre poche mais ça vous appartient. Leur vieille antienne « tax and spend », faire payer les riches, faire payer les entreprises, « de l'argent y en a » ont infusé les esprits d'un mouvement certes protéiforme.

Contre l'Etat profond

Au cours des six dernières années, François Hollande et Emmanuel Macron ont créé 39 impôts (taxes, cotisations, contributions supplémentaires). Agnès Verdier Molinié recensait 360 « impôts » en 2015 dans son livre « On va dans le mur ». Les gilets jaunes ne devraient pas oublier que c'est contre ça qu'ils se sont révoltés à l'origine, et le président devrait s'appuyer sur cette thématique initiale des gilets jaunes contre l'Etat profond avant qu'il ne soit trop tard, avant que les gilets jaunes réels ne finissent par être définitivement phagocytés eux aussi par la gauche (et la droite dirigiste), responsable de la misère en France et qui sans vergogne pérore dans les chaînes de télévision.

Le Président Macron doit faire appel aux mânes de l'esprit français afin de permettre à son entourage, aux élites et aux journalistes de faire leur aggiornamento mental et de renoncer à la facilité du marxisme culturel pour retrouver les idées justes, simples et belles d'un libéral français comme Frédéric Bastiat (1801-1850). Macron lui-même et les siens ont pour la plupart baigné dans le liquide amiotique socialiste, jusqu'à son Premier ministre Edouard Philippe qui fut rocardien.

Le discours disruptif de Frédéric Bastiat

D'emblée Frédéric Bastiat tient un discours disruptif qui éclaire ce qu'on entend dans la rue et sur les plateaux de télé : « Aussitôt que les classes déshéritées ont recouvré leurs droits politiques, la première pensée qui les saisit n'est pas de se délivrer de la spoliation [...] mais d'organiser, contre les autres classes et à leur propre détriment, un système de représailles, — comme s'il fallait, avant que le règne de la justice arrive, qu'une cruelle rétribution vînt les frapper toutes, les unes à cause de leur iniquité, les autres à cause de leur ignorance. » — La Loi (1850).

Une spoliation légale se développe jusqu'à ce que finalement tout le monde perde à tel point que ceux qui n'avaient rien finissent comme des moins que rien. Quand les gens se rendent compte qu'ils sont au bord de l'abîme cela donne la révolte des gilets jaunes avec 80 % de soutien.

"Spoliation légale"

Bastiat poursuit : « La chimère du jour est d'enrichir toutes les classes aux dépens les unes des autres ; c'est de généraliser la Spoliation sous prétexte de l'organiser. Or, la spoliation légale peut s'exercer d'une multitude infinie de manières ; de là une multitude infinie de plans d'organisation : tarifs, protection, primes, subventions, encouragements, impôt progressif, instruction gratuite, Droit au travail, Droit au profit, Droit au salaire, Droit à l'assistance, Droit aux instruments de travail, gratuité du crédit, etc. Et c'est l'ensemble de tous ces plans, en ce qu'ils ont de commun, la spoliation légale, qui prend le nom de Socialisme. » ibid.

Le Centre d'observation pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises (Coe-Rexecode) a publié ce mois-ci un document mettant en exergue les écarts de prélèvements obligatoires qui existent entre la France et la zone euro. Avec des prélèvements obligatoires chiffrés à 47,9% du PIB contre une moyenne de 40,2%, la France a, depuis 2015, la fiscalité la plus élevée d'Europe. Nous sommes le pays le moins libéral d'Europe autant dire que nous sommes un pays socialiste, d'où la misère qui gagne.

Trois réformes libérales

Au fond, il suffirait de trois réformes libérales pour que tout le monde soit gagnant comme dans un conte de Noël : opter pour l'intégralité des revenus (un salaire net égal au coût du travail), définir un seul impôt faible et proportionnel, et en finir avec les monopoles publics (création de job centers à la place de Pôle Emploi, construction de prisons privées, etc.). Soyons fous, imaginons Macron le Président disruptif sur le perron de l'Elysée lancer avec la fougue du divin Marquis un : Français, encore un effort pour être vraiment libéral.