Macron, les cheminots et... nous

Par Emery Doligé (*)  |   |  519  mots
Des TGV sont stationnés près de la gare de Lyon à Paris lors du confinement pour limiter la propagation du coronavirus. (Crédits : Reuters)
OPINION. Lors de ses quatre prises de paroles télévisuelles pendant le premier confinement, le Président de la République, Emmanuel Macron, a oublié de citer les cheminots. Est-ce normal ? Par Emery Doligé, écrivain (*).

Il nous arrive de prononcer des phrases du type : « les trains sont toujours en retard quand ils ne sont pas en grève », « ils nous prennent en otage pour obtenir encore plus de droits ! », « C'est grâce à nos impôts qu'ils vivent ! », « Et on en parle de la propreté des ter ? ». Nous passons notre temps à râler contre les hommes et les femmes des chemins de fer et le Président de la République les oublie.

Pourquoi aimons-nous le train et détestons-nous la SNCF ? Est-ce notre rapport aux institutions qu'on aime haïr ? Est-ce cette autre habitude très française qui nous pousse à nous moquer des fonctionnaires ? A moins que cela soit encore autre chose qui serait un mélange d'un passé peu glorieux et de prix excessifs.

Alors, lors du premier confinement-déconfinement, je suis parti pendant quatre mois en immersion à la SNCF pour comprendre si nos railleries étaient fondées. Cent cinquante cheminots ont été interviewés de tous les coins de France, de tous les métiers, du sommet de la pyramide à sa base. J'ai passé des journées et des nuits avec eux sur les voies, dans les gares et les technicentres. Ils se sont confiés, ils ont dit leur vérité sur leur entreprise. Sans se cacher, sans élément langage.

Qu'est-ce qui ressort de tout cela ?

Lors du premier confinement, même sans applaudissement, les cheminots, sans un mot, ont tenu leur rang. Ils transportaient les premières lignes gracieusement et tout ce qui nous permettait de nous nourrir et de nous soigner. Des dizaines de témoignages de cheminots rappellent qu'ils ont l'utilité aux Français pour seconde peau.

Pendant ces mois passés à écouter les anciens comme les plus jeunes cheminots, j'ai compris ce que « produire un train » voulait dire. Il faut mille personnes pour y parvenir. Et la fin de la production est lorsque le train est revenu dans son technicentre de départ. Bien après que nous l'avons utilisé. Cela oblige à une adaptabilité et une souplesse importante et permanente. A une aussi grande échelle, avec de tels impératifs de sécurité, de santé, personne d'autre ne sait faire cela en France.

Bien sûr, ce carnet de bord numérique en accès libre n'est pas un plaidoyer pour la SNCF. Comme pour les directions générales précédentes, Jean-Pierre Farandou et son équipe sont attendus par les salariés comme par leurs clients. Les cheminots expliquent ce qu'ils pensent de leur relation avec le Gouvernement, l'emploi, leurs managers, l'ascenseur social, le télétravail, les tarifs ou encore la qualité de service. Et ils ne sont pas toujours tendres.

Et pour l'oubli d'Emmanuel Macron ? Je lui ai adressé une lettre pour lui demander pourquoi il avait omis de citer les cheminots dans ses discours. Vous lirez les deux pages de sa réponse dans le carnet de bord en libre accès sur le web, il ne les a pas oubliés...

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(*) Emery Doligé, écrivain.  Dernier récit" Sans précédent, carnet de bord d'une crise sanitaire inédite "