Made in France  : compter sur la bonne volonté des consommateurs ne suffira pas

Par Jean-Baptiste Guillaume  |   |  590  mots
Jean-Baptiste Guillaume. (Crédits : IAC Partners)
OPINION. Selon la Banque de France, la moitié du recul industriel en France est due à l'augmentation de la productivité : on a donc fait pareil, mais moins cher. L'ennui, c'est qu'on trouve toujours moins cher que soi. Hier la Chine, aujourd'hui le Vietnam, demain d'autres. Alors quels sont les leviers pour sortir de ce paradigme ? Par Jean-Baptiste Guillaume, associé chez IAC Partners (*).

Le Made in France se cantonne encore trop aujourd'hui à quelques coups médiatiques, qui comptent plus sur le patriotisme des consommateurs que sur une équation économique rationnelle. Pourtant, les évolutions des marchés et des outils permettent d'envisager une réindustrialisation viable à plus large échelle. Mais avant de réfléchir à comment rapatrier notre industrie, que s'est-il passé pour qu'elle diminue de moitié en quarante ans ? La vérité est que l'on a trouvé plus compétitif ailleurs. Plus compétitif, cela veut dire de meilleure qualité en Allemagne, au Japon, ou bien beaucoup moins cher en Chine ou en Europe de l'Est. La situation est-elle figée ? Sans doute pas, et ce, pour deux raisons.

La première concerne la meilleure qualité : les ruptures de technologie et d'usage à l'œuvre aujourd'hui poussent la valeur des produits vers la flexibilité, la personnalisation, la hausse du service, autant de raisons pour un outil de production local.

La seconde tient au moins cher : oui, un mixer produit en Chine coûte moins cher aujourd'hui à l'unité qu'un mixer produit en France. En revanche, si l'on considère les coûts complets pour l'entreprise, la situation se transforme.

Repenser la valeur de nos produits

Selon la Banque de France, la moitié du recul industriel en France est due à l'augmentation de la productivité : on a donc fait pareil, mais moins cher. L'ennui, c'est qu'on trouve toujours moins cher que soi. Hier la Chine, aujourd'hui le Vietnam, demain d'autres. Alors quels sont les leviers pour sortir de ce paradigme ?

Tous les secteurs, du bien de consommation à l'équipement industriel, évoluent aujourd'hui vers des offres personnalisées, flexibles et livrées rapidement.

On est aujourd'hui capable, grâce aux nouvelles technologies de l'industrie 4.0, de produire dans une usine donnée ces produits personnalisés ; mais une usine 4.0 en Chine ne pourra les livrer qu'en 8 semaines. Seule une production locale est donc à même de mettre en œuvre ces offres.

Des industriels, dans l'électroménager par exemple, ont déjà fait la moitié du chemin en combinant des unités de production dans des pays à bas coût, mais avec une personnalisation et un assemblage des produits en France. Cela leur permet également, comme le groupe SEB, de créer des offres de réparabilité des produits, entre bien d'autres possibilités.

Reste l'écart de coût avec les pays low-cost. Un écart, vraiment ?

Raisonner en coût complet

Prenons l'exemple de la Chine. En première approche, rapatrier une production en France est plus cher en tous points... mais, c'est sans compter les coûts cachés.

Quels sont ces coûts cachés pour les industriels ? Des coûts logistiques (délais de transport, stocks...), de non-qualité et d'inefficience, car l'éloignement géographique ne permet guère une collaboration efficace entre partenaires. Et c'est sans compter les risques liés à la propriété intellectuelle.

Le futur Made in France

Le futur de l'industrie en France passe donc par deux axes forts : l'offre et le système productif. L'offre doit se mettre au niveau des nouvelles attentes des consommateurs et assurer plus de valeur avec plus de personnalisation, de flexibilité et de service, via de nouveaux modèles d'affaires. Le système productif vient en soutien de cette offre et permet de réduire les coûts complets, grâce aux nouvelles technologies de production et à de nouveaux écosystèmes plus flexibles. Les bases sont donc présentes, reste à transformer les premiers frémissements en un vaste mouvement !

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(*) cabinet de conseil en stratégie