Mieux comprendre la généralisation de la télémédecine en France

Par Alban de Crémiers  |   |  864  mots
(Crédits : DR)
Bientôt remboursée par l'Assurance maladie, la télémédecine promet de faciliter l'accès des patients à un médecin et de s'inscrire comme la porte d'entrée du parcours de soin avant la consultation en cabinet. Par Alban de Crémiers, CEO de Feelae

Pour comprendre la télémédecine, il faut savoir qu'elle comporte quatre volets : la téléconsultation (une consultation réalisée à distance), la télé-assistance (un service qui met en contact une personne avec un opérateur en cas de problème à domicile), la télé-expertise (lorsque les médecins se consultent entre eux) et la télésurveillance (la surveillance à distance d'un patient par transmission de données médicales). D'application différente, toutes ont en commun d'apporter une réponse médicale rapide au problème d'un patient. Déjà en 2016, le rapport de l'OMS sur l'e-santé en Europe encourageait au déploiement de politiques de santé nationales consacrées à la télémédecine. Deux ans plus tard, tous les regards se tournent vers la télémédecine, qui a été largement abordée lors des présidentielles de 2017 et est depuis l'objet de négociations pour assurer son remboursement par l'Assurance maladie.

Améliorer l'accès aux soins par la technologie

La généralisation de la télémédecine passe par l'accessibilité matérielle — via une connexion internet — et par la disponibilité de généralistes ou de spécialistes. En 2017, 73% de la population possédait un smartphone : il est donc à la portée d'une majorité de Français de consulter un généraliste, qu'ils se trouvent dans une zone difficile d'accès ou soient des patients « empêchés », c'est-à-dire dont l'accès physique à un médecin est limité par l'âge ou la maladie.

Mais cette généralisation passe surtout par l'accessibilité financière, ce que seul peut promettre le remboursement de la télémédecine. La France accuse un retard certain par rapport à ses voisins européens, car si la première loi légalisant la télémédecine a été votée en 2009, elle n'a pas permis de faire adopter massivement la pratique, faute de remboursement par l'Assurance maladie, à l'exception de certains actes de téléexpertise. La situation a cependant évolué avec la prise en compte du problème croissant de la désertification médicale, due à la concentration des soins dans les villes et aux quotas trop restrictifs des facultés de médecine qui limitent le remplacement des départs en retraite.

Optimiser le parcours de soin

La télémédecine a pour vocation d'optimiser la prise en charge du patient en amont de son parcours de soin, en lui donnant accès à un généraliste pour une consultation en visioconférence. Cette première étape permet de l'orienter directement selon sa situation, vers une consultation physique ou le renvoi à un spécialiste.

Aux médecins qui, depuis longtemps déjà, donnent des consultations téléphoniques à leurs patients, la technologie offre aujourd'hui la possibilité d'améliorer cette pratique par le recours à la visioconférence et surtout de l'encadrer pour qu'elle soit rémunérée à sa juste valeur. C'est la naissance d'un modèle hybride, qui alterne rencontres physiques et consultations à distance entre un médecin et son patient. Surtout, cela met à disposition du patient un panel de spécialistes qui peuvent le suivre à échéances régulières, en s'affranchissant de l'obstacle de la distance. Cet aspect revêt toute son importance si l'on pense aux patients en Affection Longue Durée (ALD) qui suivent un traitement régulier. Un patient diabétique, par exemple, qui a besoin de voir un spécialiste tous les trois mois, pourra le téléconsulter en visioconférence au lieu de se déplacer, et lui envoyer ses relevés sanguins par télésurveillance.

Une pratique complémentaire à la consultation en cabinet

Contrairement au message véhiculé par ses détracteurs, la télémédecine n'a pas vocation à se substituer aux consultations en cabinet, mais s'inscrit dans leur complémentarité, en amont du parcours de soin : le patient téléconsulte un médecin qu'il connaît déjà, lequel a accès à son dossier médical et lui apporte une réponse rapide qui améliore la qualité du prochain rendez-vous physique.

La télémédecine représente donc une vraie amélioration de la prise en charge des patients, qui n'aurait pas été possible il y a dix ans mais l'est aujourd'hui grâce à la technologie. Elle permet aussi de réduire massivement les coûts, puisque plus tôt un problème de santé est soigné moins il nécessitera de soins ultérieurs. Cela représente une importante réduction des dépenses pour les patients, mais plus encore pour l'Assurance maladie, en diminuant par exemple le nombre de médicaments à rembourser ou d'ambulances à affréter pour conduire des patients à l'hôpital.

Dans son rapport 2016, l'OMS prenait la France à titre d'exemple pour illustrer le retard dans le déploiement de la télémédecine par manque de financement de l'activité. Longtemps obstacle à sa démocratisation, le remboursement par l'Assurance maladie, qui entrera en vigueur au 15 septembre 2018, va permettre de répandre largement la télémédecine et placera la France parmi les pays les plus avancés en santé connectée.