Naval Group connaîtra-t-il le même sort qu'Alstom ?

Par Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud  |   |  761  mots
De gauche à droite, Jean-Luc Mélenchon, président du groupe France insoumise et Bastien Lachaud, député France insoumise. (Crédits : DR)
Le 2 février dernier a été signé le rachat de STX, anciens chantiers navals de l'Atlantique, par le constructeur naval italien Fincantieri. Les conséquences en matière d'emplois, de savoir-faire industriel et de souveraineté sont immenses. Or les conditions de cette reprise sont pour le moins opaques, estiment Jean-Luc Mélenchon, président du groupe France insoumise et Bastien Lachaud, député France insoumise.

Le 2 février a été signé le rachat de STX, anciens chantiers navals de l'Atlantique, par le constructeur naval italien Fincantieri. Les conséquences en matière d'emplois, de savoir-faire industriel et de souveraineté sont immenses. Or les conditions de cette reprise sont pour le moins opaques.

Un premier accord avait été négocié. Mais l'arrivée aux affaires d'Emmanuel Macron l'avait rendu caduc. Pourtant, d'après ce que l'on sait, les conditions du nouvel accord ne sont guère différentes du premier. Pourquoi ce revirement ? Ça sent le souffre.

La situation de conflit d'intérêts d'Alexis Kohler révélée dernièrement par Mediapart jette le doute sur cette opération. Ancien directeur de cabinet de Pierre Moscovici puis d'Emmanuel Macron à Bercy, aujourd'hui secrétaire général de l'Élysée, Monsieur Kohler a travaillé entre temps comme directeur financier du croisiériste italo-suisse  MSC, propriété de son cousin Gianluigi Aponte. Or, MSC est un des grands clients de STX ; l'État français a assuré ses contrats qui s'élèvent à environ un milliard et demi d'euros ; MSC est aussi un client de Fincantieri. Mais il s'était également positionné pour la reprise des chantiers français.

La perplexité grandit lorsqu'on apprend en même temps le "rapprochement" de Fincantieri avec Naval Group, fleuron de l'industrie française maritime et garant de notre indépendance nationale. Sur ce processus pourtant crucial, très peu d'informations parviennent a filtrer. Auditionné par la commission d'enquête sur la politique industrielle, Bruno Le Maire a concédé que cette opération est étroitement liée à la vente de STX. Il se passe beaucoup de choses sous la table dans cette affaire.

En septembre 2017, trois groupes de travail avaient été créés pour préparer ce rapprochement. Mais l'État français, semble-t-il, ne siège que dans un seul d'entre eux. Ce n'est pas tolérable. Car le risque de voir la France se défaire une fois encore de capacités industrielles stratégiques revient à l'horizon.

L'indépendance de Naval Group, une condition indispensable au maintien de la souveraineté de la France

Les députés que nous sommes ont beau alerter et demander des précisions, le pouvoir ne fournit que son habituelle communication fondée sur le mythe des "coopérations gagnant-gagnant". Il oublie que nous sommes échaudés car l'histoire industrielle récente des fusions d'entreprises compte plus de fiascos que de success-story. Les éléments de langage invoquant un "Airbus maritime" ou un "mariage entre égaux" sont si ridicules qu'ils effraient.

Tout d'abord, la stratégie qui consiste, au nom de la défense européenne, à mettre en partage des savoirs-faire qui relèvent de la souveraineté est une naïveté qui finit par coûter cher. Ensuite, entre Fincantieri et Naval Group il n'y a pas d'égalité. Les compétences de l'Italien sont beaucoup plus restreintes que celles du Français. Naval Group est en effet en capacité d'agir sur l'ensemble du spectre des besoins de la marine nationale, en particulier la propulsion nucléaire. Son indépendance est une condition indispensable au maintien de la souveraineté de la France. Or, le rachat de STX est à peine acté que Fincantieri pose déjà des conditions pour prendre l'ascendant sur des marchés étrangers dans lesquels Naval Group est bien implanté, notamment en Amérique latine. Alors que Thalès est le fournisseur principal de l'électronique pour Naval Group, Fincantieri privilégie sa coopération avec Leonardo. Qu'en sera-t-il après ce rapprochement ? On le devine !

Retenir les leçons du scandale Alstom

Le milieu très feutré des industries de défense laisse donc filtrer un faisceau de signaux alarmé qui donnent toute raison d'être inquiets.

La France devrait retenir les leçons du scandale Alstom, un sinistre déjà imputable à Emmanuel Macron. Donner le TGV à Siemens et les éoliennes à General Electric est un scandale industriel à nos yeux. Il est temps que les pouvoirs publics se dotent d'une autre stratégie globale en faveur de l'industrie, pour sa protection et son développement. Cela plutôt que le seul intérêt financier immédiat. Il est temps que cessent la naïveté et la collusion entre dirigeants économiques étrangers et responsables politiques français. Il est temps que le gouvernement protège la souveraineté nationale. Pour cela l'opération de rapprochement entre Fincantieri et Naval Group doit être abandonnée.

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Par Jean-Luc Mélenchon, président du groupe France insoumise et Bastien Lachaud, député France insoumise.