On a les syndicats que l'on mérite !

Par Jean-Michel Arnaud  |   |  747  mots
Jean-Michel Arnaud, président du groupe Domaines Publics.
L'environnement législatif et règlementaire ne facilite pas en France l'activité syndicale. C'est évidemment regrettable. Par Jean-Michel Arnaud, président du groupe Domaines Publics.

Lors de chaque nouveau conflit social revient la sempiternelle question du rôle et de la place des syndicats en France. Notre pays se distingue par l'un des plus faibles taux de syndicalisation de l'OCDE, autour de 11 %, ce qui affaiblit la représentativité des organisations syndicales et remet en cause leur capacité et leur légitimité à s'exprimer au nom des salariés. À cela s'ajoute un mode de financement encore opaque, mis sur le devant de la scène par le député Nicolas Perruchot dans un rapport de 2011. Ce rapport avait alors été rejeté par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale et interdit de publication, un fait rarissime qui témoigne du malaise des pouvoirs publics vis-à-vis de la question.

Un environnement légal très peu incitatif

On impute souvent la faiblesse des syndicats français à leur caractère trop conflictuel ou déconnecté des attentes des salariés. C'est peut-être en partie vrai. Mais leur faible masse d'adhérents est en réalité le fruit d'un environnement légal très peu incitatif, aussi bien pour les organisations que pour les travailleurs. La représentativité des syndicats aux yeux de la loi n'est pas indexée sur leur nombre d'adhérents mais sur leurs résultats aux élections professionnelles. De même que leur financement repose pour l'essentiel sur des subventions publiques ou privées et non sur les cotisations. Celles-ci ne représentent par exemple que 13 % du budget de la CFTC, 19 % de celui de FO ou 34% de celui de la CGT. De plus, la procédure d'extension légale des conventions collectives permet d'étendre les accords aux entreprises où la présence syndicale est faible.

Le faible intérêt de l'adhésion

Ensuite, adhérer à un syndicat en France apporte peu d'avantages individuels aux salariés, contrairement au modèle du syndicalisme dit « de service » développé dans de nombreux pays, comme la Belgique ou la Suède. Dans ce système, l'adhésion donne accès à l'assurance-chômage et permet de recevoir des services d'information et d'assistance ou des aides sociales complémentaires. Les syndicats français peuvent donc remplir leur rôle et les travailleurs être protégés sans que ni les uns ni les autres ne soient formellement liés par l'adhésion.

Si ce faible taux de syndicalisation n'empêche pas les organisations d'être très présentes dans les entreprises et de se mobiliser, il pénalise néanmoins les salariés et nuit à la bonne tenue du dialogue social. Les études montrent qu'un taux de syndicalisation élevé favorise la coopération au sein de l'entreprise, l'emploi et les salaires, ainsi que la capacité d'avancer vers des réformes structurelles négociées.

Vouloir affaiblir les syndicats pour lever les blocages? Aucun sens

Vouloir affaiblir les syndicats pour favoriser l'activité économique ou lever les blocages du pays, en plus d'être politiquement douteux, n'a donc aucun sens.   Des réformes sont possibles. Les syndicats pourraient être incités à développer une offre de services à destination de leurs adhérents, comme certains s'y sont déjà engagés. Une note de la Direction Générale du Trésor préconise par exemple de formaliser le rôle des syndicats dans le domaine du conseil et de l'orientation pour la formation professionnelle dans le cadre de la sécurisation des parcours.

Pour encourager la syndicalisation, il est également primordial de renforcer le poids des cotisations dans le budget des syndicats et de faire reposer le financement public sur le nombre de leurs adhérents. Tant que les ressources des syndicats ne dépendront pas plus de leur dynamisme et de leur attractivité, ils n'auront que peu d'intérêt à chercher à attirer de nouveaux membres. Malheureusement, en dépit d'avancées en faveur d'une plus grande transparence, la réforme de leur financement survenue en 2014, n'a pas changé le modèle d'un syndicalisme bureaucratique dépendant des bonnes grâces de l'Etat et des entreprises.

Une organisation à repenser

Les syndicats français portent sans doute une part de responsabilité dans leur manque de représentativité et la piètre qualité du dialogue social, mais leur faiblesse structurelle dépend avant tout d'un environnement réglementaire qui leur est peu favorable. Il est donc nécessaire de repenser en profondeur leur organisation, leur financement et leur rôle dans l'entreprise, afin d'en faire les acteurs autonomes et responsables d'une véritable démocratie sociale.