« Pénaliser l'antisionisme pour casser la permission d'être antisémites »

Par Collectif (*)  |   |  1088  mots
OPINION. Dix-sept sénatrices et sénateurs LR et Indépendants veulent que la France pénalise « l'antisionisme » pour casser la permission d'être « antisémites ».

Le 7 octobre 2023 marquera un moment grave de libération de l'antisémitisme. Bien que victime d'une attaque terroriste islamiste aux 1.400 morts, dont près de 40 Français, Israël est depuis le premier jour de cet attentat, et de ses conséquences, diabolisé dans une grande partie du monde arabe, mais aussi occidental.

Cette haine d'Israël qui inonde nos rues comme les réseaux sociaux est le faux-nez d'un antisémitisme « new age ». L'antisionisme est le cheval de Troie de l'antisémitisme.

En France, le fumet de l'antisémitisme d'entre-deux guerre ressurgit et flotte dans l'atmosphère. Des immeubles sont tagués d'une étoile de David, des citoyens juifs sont agressés dans la rue, mais aussi à leur domicile, la parole antisémite se libère aussi bien au Parlement que dans les manifestations pro-palestiniennes. En trois semaines notre pays a enregistré plus d'actes antisémites qu'en un an.

Le danger est tel que l'État a dû mobiliser 10.000 agents des forces de l'ordre, gendarmes, policiers, militaires de la force Sentinelle pour protéger les Juifs de France ! Soit 1 militaire ou policier pour 44 citoyens juif.

Cette situation n'est hélas pas nouvelle, en France nos 446 000 concitoyens de confession juive savent depuis Ilan Halimi, Mireille Knoll, Sarah Halimi que « mort aux Juifs » n'est pas qu'un slogan, mais une réalité. Un danger quotidien.

L'antisionisme a ressuscité l'antisémitisme

L'explosion de ce dernier est directement liée à la haine d'Israël. La seconde intifada en 2000 a été un marqueur, une bascule, les actes antisémites ont alors été multipliés par dix.

Il faut remonter au saccage du cimetière juif de Carpentras pour retrouver pareil électrochoc. Entre-temps l'indignation nationale a laissé place à un silence coupable, on comptait 2 millions de manifestants contre l'antisémitisme en 1990, personne ou presque dans les rues de France en 2023 jusqu'à l'appel salutaire de Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet.

Le moteur de la haine des Juifs est connu : la haine d'Israël, l'antisionisme. Dans les manifestations pro-palestiniennes on a entendu « Gazez les Juifs » à Sidney, on a vu des drapeaux de Daech au Royaume-Uni, des slogans de soutiens à l'« acte héroïque» du Hamas en France, des affiches d'otages arrachés dans toutes les capitales occidentales.

Chaque incident entre Israël et ses voisins se répercute immédiatement en France qui abrite la plus grande communauté musulmane ainsi que la plus importante communauté juive d'Europe. Le bouc émissaire des conflits entre Tel-Aviv et ses voisins est toujours le même : Israël, seul état juif au monde, qui plus est le seul état démocratique et non musulman de la région.

Osons décrire le réel

L'antisémitisme a muté, la haine des juifs d'extrême droite, toujours présente, est devenue minoritaire et circonscrite à des groupuscules et revues confidentielles. Aujourd'hui, c'est dans une frange radicale de l'opinion arabo-musulmane et à l'extrême gauche, qui a flairé toute honte bue le filon électoral, que l'antisémitisme a retrouvé une seconde jeunesse.

La recrudescence inédite d'un antisémitisme violent qui frappe le monde depuis le 7 octobre et les attaques terroristes du Hamas démontre que l'antisionisme est devenu une permission d'antisémitisme, une licence antisémite.

Comme l'a démontré le philosophe Vladimir Jankélévitch, l'antisionisme c'est l'antisémitisme justifié, l'antisémitisme enfin mis à la portée de tous. L'antisionisme c'est la permission d'être démocratiquement antisémite. L'antisionisme a permis la nazification des juifs et le contournement de l'interdit moral hérité de la Shoah, celui de l'antisémitisme frontal.

Contrairement à ce qu'affirme la propagande antisioniste, l'antisionisme n'est pas la critique voire la lutte contre le gouvernement israélien et la politique de son Premier ministre. L'antisionisme c'est l'hostilité à un État juif, la haine d'un État, parce que juif.
L'antisémitisme est un alibi antisémite. Un camouflage qui surpasse en dangerosité l'antisémitisme, car il offre un prétexte à la haine des Juifs dans l'incarnation de l'État d'Israël.

Les antisionistes les plus radicaux vont d'ailleurs jusqu'à légitimer la destruction d'Israël, une intention génocidaire qu'on retrouve dans des manifestations pro-Hamas sous le slogan « La Palestine vaincra de la mer au Jourdain » (c'est-à-dire sans Israël, éradiqué). Un slogan qui revient à scander « Mort aux Juifs ».

Aujourd'hui, face à l'antisémitisme, la République est à un tournant. Il n'est plus à prouver qu'antisémitisme et antisionisme composent les deux faces de la même pièce, celle de la haine des Juifs. La France a acté ce lien comme plus d'une vingtaine de pays en adoptant la définition de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste qui fait de l'antisionisme un antisémitisme.

Il faut désormais aller plus loin et passer du symbole à l'action. Sénateurs de la République, nous proposons de faire de l'antisionisme un délit, puni comme l'antisémitisme et tous les racismes par la loi. Oui, la défense de l'autorité palestinienne, la critique de la politique israélienne et de son gouvernement est, doit et seront évidemment autorisées, mais la négation d'Israël, de son droit de vivre et d'exister, l'appel à sa destruction seront pénalisés.

D'après l'Ipsos 40% des Français ignorent ce qu'est l'antisionisme

Cette proposition de loi permettrait de faire connaître ce nouvel antisémitisme et renforcerait la sensibilisation. Ouvrons les yeux de millions de Français. Quand Alain Finkielkraut est agressé à Paris en février 2019 au cri de « sale sioniste de merde », c'est « sale juif » qu'il reçoit en plein visage. Lui le fils de déportés polonais à Auschwitz.

Face à l'antisémitisme et sa nouvelle matrice, le « temps des soupçons », comme le décrivait Raymond Aron, est révolu. Place à l'action. Pour triompher, le mal n'a besoin que de l'inaction des gens de bien pour prospérer. Sortons de notre léthargie, agissons avant qu'il ne soit trop tard. Ne reproduisons pas les erreurs du passé. Notre République humaniste a laissé l'antisémitisme déversé son fiel sans limite et sans interdiction dans les années 1930, au Parlement, dans l'opinion comme dans la presse.
Hélas, sans garde-fou, sans pénalisation et sans réarmement moral et juridique, nous connaissons la suite... Il est minuit moins une avant d'assister impuissants au bégaiement tragique de l'histoire.

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(*) Signataires

  • Premier signataire - Stéphane LE RUDULIER
  • Oliver PACCAUD
  • Cyril PELLEVAT
  • Brigitte MICOULEAU
  • Gilbert BOUCHET
  • Lauriane JOSENDE
  • Christian KLINGER
  • Jacques GROSPERRIN
  • Thierry MEIGNEN
  • Christophe-André FRASSA
  • Jacqueline EUSTACHE-BRINIO
  • Sabine DREXLER
  • Martine BERTHET
  • Pierre-Jean ROCHETTE
  • Pascal ALLIZARD
  • Alain MILON
  • Arnaud BAZIN