Petite Bretagne...

Par Michel Santi  |   |  622  mots
La Grande Bretagne là n'est plus la patrie de Winston Churchill, ni le berceau des Beatles. Elle est désormais en déclin moral et en faillite intellectuelle. Par Michel Santi, économiste*

Nation de l'individualisme forcené, symbolisé par la phrase scandaleuse de Margaret Thatcher qui se plaisait à assener que « la société n'existe pas entant que telle » ! Royaume ayant accordé sa caution morale à une injustifiable occupation et destruction de l'Iraq ayant fondamentalement déstabilisé le Moyen-Orient, et maintenant l'Europe par terrorisme interposé. Pays d'une élite politique baignant dans le mensonge, à l'image d'un Tony Blair qui mériterait - avec son comparse George W. Bush - de comparaître devant un tribunal international. Ou d'un David Cameron ayant sacrifié l'européanité de son pays à l'aune de sa méprisable ambition personnelle. Centre névralgique du néo libéralisme incarné par la City, elle-même dominée par une élite intellectuelle formée juste à côté soit par la London School of Economics, soit par Oxford ou Cambridge. Capitale qui recense en son sein le plus grand nombre d'oligarques ayant transformé le marché immobilier londonien en un gigantesque casino. Nation décimée par le hooliganisme footballistique dont les derniers méfaits furent les attaques en règle contre la police à Marseille il y a quelques jours scandées par « Nous voterons pour sortir d'Europe ».

 Déclin moral et en faillite intellectuelle

Cette Grande Bretagne là n'est plus la patrie de Winston Churchill, ni le berceau des Beatles, car elle est désormais en déclin moral et en faillite intellectuelle, dont le Brexit n'est que le symptôme. Pays de la globalisation par excellence, que ses élites ne s'en prennent qu'à elles-mêmes car leurs excès et leur arrogance ont incontestablement mené à l'implosion - et très prochainement - à la désintégration de ce Royaume plus que jamais désuni. Authentique révolte contre le capitalisme sauvage, contre les inégalités, contre la précarité, le Brexit est un suicide collectif britannique dont la responsabilité est imputable à la noblesse et à l'aristocratie intellectuelle, politique et financière dont les jours sont désormais comptés. Il est en effet temps de renouveler ces classes ayant lamentablement échoué, et urgent de tirer les conclusions d'un constat déjà énoncé par George Orwell qui affirmait avec raison que l' »Angleterre est une famille qui a les mauvais membres ».

Une caste qui se sent en sursis

Le philosophe et scientifique Thomas Kuhn avait bien décrit ces périodes de changement de paradigme qui voient toujours les experts et les élites résister au changement et s'accrocher aveuglément à leurs acquis. Il décrivait en effet une caste intransigeante, dogmatique, dénuée de tout esprit critique par rapport à ses propres actions, et d'autant plus acariâtre qu'elle se sent intuitivement en sursis. « Foreign Policy » n'a-t-il pas titré au sujet du Brexit : «  Il est temps pour les élites de résister aux masses ignorantes » ('It's Time for the Elites to Rise Up Against the Ignorant Masses') ? Voilà donc les bien pensants et les privilégiés qui stigmatisent les Brexiteurs sans nullement chercher à en saisir les causes profondes. Et voilà le schisme qui fracture la Grande Bretagne qui présente de troublants points communs avec ces périodes cruciales et tendues qui accompagnent les changements de paradigme. Premier jalon d'un long chemin de croix qui attend l'Occident, et qui risque bien de voir Donald Trump - autre symbole anti-expert et anti-establishment - nous réserver des surprises.

*Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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