Il faut garantir la carrière des représentants du personnel

Par Thomas Breda  |   |  620  mots
Le ministre du Travail, François Rebsamen, va défendre le projet de loi sur la réforme du dialogue social
Pour améliorer le dialogue social, il faut d'abord protéger les représentants du personnel. Le projet de loi sur le dialogue social, en discussion à l'Assemblée nationale, prévoit un début de réforme. Ce n'est qu'un début, car le besoin est important. Par Thomas Breda, Membre associé PSE-Ecole d'économie de Paris, chargé de recherche CNRS

En ce moment se discute à l'assemblée le projet de loi relatif au dialogue social. Une composante passée jusque là inaperçue de cette loi est un ensemble de dispositifs destinés à valoriser la carrière des représentants du personnel et à limiter les discriminations à leur égard. La loi va même jusqu'à proposer pour les plus investis d'entre eux des évolutions automatiques de salaire, au moins égales à celles de leur collègues de même niveau de qualification. Ce n'est pas tous les jours que le législateur dicte l'évolution des salaires dans le secteur privé!
Pour en arriver à une telle intervention de l'État, c'est sans doute que la situation des représentants du personnel n'est pas à envier... C'est en tout cas ce que pensent 40 % des salariés, qui considèrent que la faible syndicalisation est d'abord liée à la peur des représailles.

Les délégués syndicaux moins bien traités

Une série de travaux universitaires récents confirment ces intuitions. Selon mes propres recherches (1), les délégués syndicaux sont beaucoup moins promus, et payés en moyenne 10 % de moins que leurs collègues. 40 % d'entre eux déclarent que leur mandat a été un frein à leur carrière. Ces statistiques sont impressionnantes mais pourraient refléter le temps moindre que passent les représentants à travailler directement pour leur employeur du fait des heures de délégation, ou la protection contre le licenciement dont ils bénéficient. Ce n'est pas ce que montrent nos recherches. Les moins bons salaires de certains représentants s'expliquent en revanche par leur participation active aux négociations, voire à l'existence d'un conflit.

 Un problème connu des organisations syndicales

C'est donc bien lorsqu'ils se battent pour défendre leurs collègues que les représentants sont pénalisés.
Le problème est connu depuis longtemps des organisations syndicales. Elles ont notamment développé des outils juridiques qui leur ont permis de remporter de très nombreux procès pour discrimination. En 2012, les principaux syndicats ont également uni leurs forces pour créer l'Observatoire de la Répression et de la Discrimination Syndicales (2) qui recense les études existantes et émet des propositions.
La particularité de la représentation des salariés en entreprise est que le salarié représentant a une double casquette vis à vis de son employeur : il est en théorie son égal dans le cadre des négociations mais sous son autorité comme salarié. Dès lors qu'il y a conflit entre les intérêts des salariés et des employeurs (ce qui est généralement le cas quand il s'agit de partager les bénéfices) les représentants se retrouvent face au risque de « déplaire » à leur employeur. On peut légitimement se demander si ce ne serait pas plutôt aux salariés d'évaluer, voire d'être en mesure de récompenser le travail de leurs représentants et leurs compétences.

 La réforme proposée, une première étape


En attendant, peut-être, des changements plus importants, la réforme proposée par le gouvernement pour mieux valoriser la carrière et les compétences des représentants du personnel est une toute première étape qui mérite d'être saluée : elle devrait aider les nombreux salariés qui n'osaient pas le faire jusque là à s'engager pour le bien commun de leur entreprise. Et ainsi donner une chance à des millions de salariés de voir enfin leurs intérêts représentés sur le lieu de travail.


(1) Breda, Thomas, "Les délégués syndicaux sont-ils discriminés ?", La Revue Economique, vol 65, n°6, pp. 841-880, 2014.
(2) https://observatoire-repression-syndicale.org/