Pour survivre, la Chine devra faire faillite !

Par Michel Santi  |   |  743  mots
Les autorités chinoises doivent cesser de soutenir un grand nombre d'entreprises non viables. C'est en laissant les canards boteux faire faillite qu'elles permettront à l'économie chinoise de repartir sur de bonnes bases. Par Michel Santi, économiste

Le mal profond dont souffre la Chine n'est pas forcément celui ou ceux que l'on croit. Ce sont en effet les sociétés "zombies" qui gangrènent son tissu économique, c'est-à-dire ces entreprises en état d'échec que les autorités chinoises maintiennent néanmoins sous respirateur artificiel. L'argent facile et à très bas prix qui inondait le système favorisait effectivement toutes sortes de comportements inconséquents, de gestion pour le moins discutable et d'allocation des ressources déficiente. Pourtant, ces entreprises existent toujours à l'heure actuelle. Pire encore, puisqu'elles continuent de consommer des ressources pour produire des biens et des marchandises avec des pertes plus ou moins importantes. L'Etat et ses banques ne cessent effectivement d'y injecter des liquidités, ou -au minimum - d'en reconduire ou de restructurer les prêts, afin de préserver l'emploi et l'outil de travail.

La promotion active de la mauvaise gestion des entreprises

C'est donc en faisant la promotion active de la mauvaise gestion de leurs entreprises nationales que les autorités chinoises achètent la paix sociale, se trouvant être leur priorité - ou obsession? - principale. Soutien qui se pratique à tous les niveaux puisque des usines complètement à la dérive dans toutes les provinces de Chine sont maintenues à flot dans le seul but de renflouer l'économie locale.

L'exemple du voisin japonais devrait pourtant alerter les autorités chinoises, de ce Japon ayant subi une traversée du désert de vingt ans pour s'être obstiné à maintenir en vie ses entreprises et ses banques agonisantes. La (double) "décennie perdue" japonaise provient effectivement en ligne droite de la stagnation économique induite par le soutien étatique apportée aux entreprises moribondes. En mettant ses pas dans ceux du Japon des années 1990, la Chine favorise une infection de l'ensemble de son système par ces propres sociétés "zombies" et sape ainsi ses perspectives de croissance. Tétanisé par le chômage de masse et par l'agitation sociale qui en serait immanquablement issue, le Parti Communiste participe activement au pourrissement de son tissu économique - et ce faisant se saborde - en évitant la faillite à nombre d'entreprises désormais parasites.

La Chines veut infléchir le système capitaliste

Les autorités chinoises tentent ainsi de modeler ou d'infléchir le système capitaliste qui exige pourtant qu'une entité mal gérée disparaisse. La faillite est en effet la sanction par excellence d'erreurs et de maladresses commises dans le cadre de la gestion et de la direction d'une affaire: c'est ainsi que le système nettoie les fautes de gestion, et c'est à ce jour la seule méthode pour reconstruire sur les ruines d'un échec.

La Chine feint d'ignorer cette règle fondamentale qui consiste à laisser mourir une entreprise qui génère des pertes, afin de réallouer les ressources qu'elle monopolisait jusque là de manière plus productive. Il est donc crucial pour l'avenir de son économie comme de ses emplois que la Chine tranche dans le vif, et qu'elle sépare les dettes de l'appareil productif. La faillite est en effet la trouvaille idéale inventée par le capitalisme et qui permet de restructurer ou de carrément effacer les dettes, tout en préservant les actifs qui peuvent dès lors être réalloués à bon escient.

 La faillite, pilier essentiel du système capitaliste

 Avant de soutenir ses bourses et avant de manipuler sa monnaie, la Chine doit donc d'urgence promulguer des lois sur la faillite de ses sociétés qui devront évidemment s'appliquer à celles détenues par l'État autant qu'aux entreprises en mains privées. La faillite autorise ainsi de pardonner les erreurs passées et de redéployer les atouts inhérents à toute entreprise au bénéfice de la collectivité. Une perte n'affecte en effet pas exclusivement l'entreprise qui la subit, elle nuit à l'ensemble du tissu économique et, en finalité, appauvrit la société. Véritable droit à l'oubli, la faillite est le pilier essentiel du système capitaliste.

 Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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