Pourquoi il faut libérer l'enseignement supérieur privé

Par Etienne Craye  |   |  639  mots
Etienne Craye. (Crédits : DR)
OPINION. La différence de traitement entre établissements supérieurs et publics et privés ne se justifie pas, notamment en matière de délivrance de diplômes nationaux, de statuts d'étudiants ou encore de contribution financière. Une problématique qui mériterait l'attention des candidats à la présidentielle. Par Etienne Craye, président de l’Union des Grandes Ecoles Indépendantes (UGEI) (*).

Les restrictions qui pèsent encore en France sur l'enseignement supérieur privé et ses étudiants sont nombreuses : interdiction de délivrer des diplômes de licence et de master, services publics d'aide aux étudiants moins accessibles, impossibilité de déduire fiscalement ne serait-ce qu'une partie des frais de scolarité pour limiter l'effet « double paiement » (impôts et frais de scolarité...).

Pourtant, l'Etat trouverait avantage à développer l'enseignement supérieur privé. Il a au moins trois bonnes raisons de le désentraver.

Une majorité d'établissements privés dans le top des classements internationaux

Pour attirer les talents d'abord. Dans un monde où la compétition entre les Etats s'intensifie pour séduire les meilleurs étudiants, la France ne peut se permettre des restrictions d'un autre âge sur l'enseignement supérieur privé. Comme pour les établissements publics, l'Etat se doit de contrôler la qualité des établissements privés. Il ne s'en prive pas et c'est une bonne chose. Ainsi la qualité de l'enseignement est indépendante du statut, public ou privé ; on relève d'ailleurs une majorité d'établissements privés dans le top des classements internationaux.

Cette interdiction faite aux établissements privés visés par l'Etat de délivrer des diplômes nationaux de licence, de master ou de doctorat, est donc infondée, injuste et clivante. Elle constitue un frein réel pour les établissements privés qui cherchent à attirer les étudiants internationaux qui ne comprennent pas pourquoi ils n'auraient pas le droit à un diplôme national reconnu par l'Etat.

Une économie pour l'Etat

Pour faire diminuer les dépenses publiques ensuite : un étudiant inscrit à l'université coûte plus de 11.000 euros par an à l'Etat. Avec déjà 21% des effectifs d'étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur, les établissements supérieurs privés permettent à l'Etat de réaliser une économie annuelle de plus de 6 milliards d'euros. Et avec un nombre d'étudiants qui croît chaque année, l'enjeu est de taille pour l'avenir, dans le contexte de déficits et de dette que l'on connaît.

L'Etat a donc tout intérêt à soutenir le développement de l'enseignement supérieur privé.

Enfin, troisième bonne raison, et non des moindres : l'impératif de justice, pour corriger les inégalités de traitement entre étudiants du public et ceux du privé.

Les étudiants du privé (ou leurs familles) paient deux fois leurs frais de scolarité : par l'impôt pour financer l'enseignement supérieur public, et directement auprès de leur établissement privé. Comme c'est déjà le cas dans de nombreux pays, les frais de scolarité devraient être en partie déductibles fiscalement : c'est un investissement dans la jeunesse !

Un accès limité aux services pour les étudiants du privé

Autre inégalité : les étudiants du privé doivent payer chaque année à l'Etat une « contribution sur la vie étudiante et de campus » du même montant que celle des étudiants du public, sans en percevoir les mêmes retombées. Ils ont par ailleurs moins facilement accès aux services de santé universitaire, aux restaurants, ou résidences universitaires...

En cette année de débat public national, nous, dirigeants de grandes écoles privées indépendantes dont la qualité est contrôlée par l'Etat, souhaitons que le gouvernement s'attaque résolument à ces inégalités de traitement entre établissements et étudiants du privé et du public.

A l'heure où la France doit se réindustrialiser et innover il nous semble indispensable de mobiliser tous les talents, toutes les énergies, toute notre jeunesse, sans s'arrêter au statut public ou privé de l'établissement qui l'aura formée.

Cela semble relever de l'évidence : gageons que les candidats à la présidentielle se saisiront aussi de cette question !

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(*) Association qui regroupe plus de 36 établissements d'enseignement supérieur privé accueillant plus de 80.000 étudiants toutes formations confondues.