« Pourquoi une réforme de la retraite est indispensable » (Pierre Gattaz)

Par Pierre Gattaz  |   |  700  mots
(Crédits : DR)
OPINION. Faisons un rêve iconoclaste ! Et si cette réforme des retraites redonnait un élan à notre pays ! Et si le débat qui s'est engagé permettait une vraie prise de conscience. Il nous faut retrouver le goût du travail. Par Pierre Gattaz, Président directeur général de Radiall et ancien président du Medef.

Depuis l'illusion des années 80 de la possible création d'une société des loisirs, notre pays s'affaiblit doucement, mais sûrement, dans une sorte de torpeur mortifère. La retraite à 60 ans octroyé en 1982, la réforme des 35 heures arrachée en 1997 ont alimenté cette idée qu'on pouvait travailler toujours moins alors que notre système social est très onéreux.

Les Français doivent comprendre, comme avant eux tous les Européens qui ont fait leur réforme des retraites, qu'il nous faudra travailler collectivement davantage. Exercer un métier est toujours un épanouissement personnel et une fierté. Il est temps d'agir pour valoriser le travail, diminuer la pénibilité de certains pour que les salariés puissent les exercer le plus longtemps possible, favoriser l'emploi des seniors et des jeunes.

Bref, agir pour que le travail du soir facteur d'enrichissement financier, social et culturel. Et puisque la bataille qui s'engage se focalise sur des chiffres-symboles (retraites à 64 ans avec 172 trimestres), la nécessité de la réforme peut aussi se résumer en 7 chiffres clés.

  • 1/ L'augmentation de l'espérance de vie en bonne santé a augmenté de 12 ans pour les femmes et de 13 ans pour les hommes depuis les années 60. Les progrès de la prévention et la médecine ont amélioré la qualité de vie de nos retraités. Ainsi, nous vivons plus longtemps en forme.

  • 2/ Les Français sont (avec les Suédois), les Européens qui travaillent le moins : 1.680 heures, alors que la moyenne européenne est de 1.846 heures. Ce qui signifie que les actifs créent moins de richesse pour payer les retraités qui, en plus, partent plus tôt et donc restent plus longtemps à la retraite. Penser que les Français vont s'en sortir comme cela relève de l'imposture, ou de la naïveté.
  • 3/ L'âge effectif de départ à la retraite est de 63 ans en France contre une moyenne européenne à 64,5 ans. C'est bien en France que l'on part le plus tôt à la retraite de tous les pays européens, avec un âge légal de 62 ans en France contre une moyenne entre 65 ans et 67 ans chez nos voisins qui sont aussi nos concurrents sur les marchés.
  • 4/ Le déficit du système des retraites sera de 13,5 milliards d'euros par an, à partir de 2030 si nous ne faisons rien. Il faut désormais tout faire pour réduire ces déficits sauf à laisser une situation explosive à nos enfants. Remettre le système à l'équilibre, en fournissant collectivement un petit effort est indispensable.
  • 5/ Le fardeau des retraites s'ajouterait à la dette accumulée depuis 40 ans, et qui dépasse les 3.000 milliards (soit 113% du PIB annuel). Notre déficit s'est d'ailleurs creusé à 6,5% du PIB en 2021, (soit 163 milliards d'euros). La retraite représentant 14% du PIB (contre 12% moyenne des pays européens). D'autant qu'il faudra s'attaquer aux autres dépenses publiques qui représentent 60% du PIB, soit 20% de plus en moyenne que tous les autres pays européens.
  • 6/ En 2023, il n'y a plus que 1,7 actif pour 1 retraité. Le système par « répartition » est gravement fragilisé, car il y a de moins en moins de salariés pour payer les retraites. En 1960, il y avait 4 salariés actifs pour un retraité.
  • 7/ Repousser l'âge de la retraite a mécaniquement un impact positif sur notre PIB puisque nous produisons davantage. Le ministère de l'Économie évalué que la réforme proposée augmenterait de 1% notre PIB en 2027. Ainsi, la France serait globalement plus riche à l'issue de cette réforme.

À partir de ces chiffres, la réforme doit évidemment être juste : permettre à chacun et chacune de vivre dignement en retraite, prendre en compte le cas de celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt, intégrer la dimension de la pénibilité (mais de manière simple), faire disparaître les régimes spécifiques qui créent des inégalités entre personnes exerçant la même activité, se mettre en place progressivement et de manière claire pour chacune et chacun... Les modalités doivent pouvoir être discutées et analysées, mais le cœur de la réforme doit être préservée.