Presse indépendante et médias culturels, parents pauvres du plan de relance ?

Par Albin Serviant (*)  |   |  579  mots
(Crédits : DR)
OPINION. Les mesures de trésorerie et de prêts à court terme mises en place par l'État montrent leur efficacité. Mais elles ne suffiront pas dans la durée. (*) Par Albin Serviant, CEO Founders Factory, Président de TÊTU Ventures et Ambassadeur French Tech.

Entrepreneur à la fois dans la FrenchTech et les médias, j'ai eu l'occasion de comparer les dispositifs d'accompagnement mis à disposition des entreprises "tech" et des médias, tous impactés par la pandémie. Certes, le gouvernement a réussi à assurer la liquidité du système économique à court terme au travers d'une multitude de dispositifs (prêt d'état garanti, report de charges, chômage partiel...) Mais, dès lors qu'il s'agit d'imaginer la suite, de fortes disparités apparaissent : les mesures de trésorerie et de prêts à court terme montrent déjà leur efficacité mais ne suffiront pas dans la durée.

La French Tech quant à elle, dispose d'outils variés, particulièrement concernant des mécanismes de renforcement des fonds propres permettant d'accompagner les entreprises, le temps qu'elles se relèvent et redéploient leur activité.

Si la BPI offre de nombreux outils aux entreprises de la French Tech, parfois avec des mécanismes d'abonnement sous forme de concours bancaire, d'apports des actionnaires et/ou de sociétés de capital-risque, ou d'apports en quasi fonds propres (Prêts Participatifs, obligations convertibles en actions...), elle exclue de sa doctrine les entreprises médias.

Le secteur de la presse , en proie à une forte crise de son modèle de distribution et à une évolution de la demande, est déjà soutenu par l'Etat, ce qui pourrait justifier la position de la BPI. En revanche, concernant les nouveaux médias, ceci est plus étonnant, a fortiori à l'heure du tout numérique qui oblige à innover.

En complément des dispositifs de financements publics, on pourrait imaginer des dispositifs plus incitatifs pour la redirection de l'épargne privée vers les nouveaux médias, avec une défiscalisation des investissements dans ces entreprises : en effet, La loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 permet aux personnes domiciliées fiscalement en France et assujetties à l'impôt sur le revenu (IR) de déduire 30% du montant total investi dans le capital d'une entreprise de la presse. Ce taux augmente à 50% lorsque la société détient le statut d'entreprise solidaire de presse d'information. Malheureusement ces versements, sous forme de crédit d'impôt, sont plafonnés.

D'autres dispositifs sont à envisager : défiscalisation des abonnements aux publications de presse IPG, baisse de charges pour l'embauche de journalistes et responsables de la diversification, simplification des dispositifs d'aide à l'innovation comme le FSDP, intégration des contenus de flux dans les dispositifs d'aide du CNC, soutien renforcé aux titres IPG, fonds de garantie d'urgence pour l'investissement privé dans la presse engagée.

Une lueur d'espoir vient de l'annonce en début d'année par le Président de la République de la création d'un fonds d'investissement polymorphe doté de 225 millions d'euros pour soutenir les industries culturelles et créatives. L'initiative est à saluer mais la doctrine d'investissement reste à préciser dans un contexte de réflexion sur le plan de relance.

En conclusion, l'impact de la crise sur l'industrie de la culture et des médias ne pourra être absorbé seulement par des mesures de trésorerie et des prêts, même garantis.

L'urgence est de privilégier une stratégie de renforcement de fonds propres soutenue par  l'Etat via la BPI ou l'IFCIC, motivée et conditionnée par l'impératif d'innovation et de digitalisation à marche forcée dans le secteur de la presse et des médias culturels en ligne, dont nous devons assurer la pérennité, la liberté et l'indépendance dans le monde demain.