Quand les taux d'intérêt négatifs ébranlent notre tissu économique

Par Michel Santi  |   |  679  mots
Les taux d'intérêt négatifs jouent négativement sur le secteur financier. C'est pourtant la seule arme de politique économique disponible, gauche et droite s'entendant pour refuser une politique de relance budgétaire. Alors que celle-ci serait à l'évidence la solution. Par Michel Santi, économiste

Les taux négatifs ne semblent pas compatibles avec notre système bancaire actuel. Les établissements bancaires ayant effectivement le plus grand mal à faire des bénéfices dans un environnement de taux d'intérêt négatifs, c'est donc l'ensemble de notre tissu économique qui se retrouve ébranlé alors que notre monde s'enfonce jour après jour davantage dans ce paradigme nouveau de taux crevant un plancher jadis réputé infranchissable.

Et pour cause car les taux négatifs sont en fait une taxe prélevée sur les banques qui doivent s'en acquitter dès lors qu'elles placent leurs liquidités auprès de leur banque centrale. Comme pour des motifs évidents, les banques ne peuvent répercuter l'ensemble de cette taxation sur leurs clients, elles doivent donc se résoudre à encaisser une perte sévèrement sanctionnée ces dernières semaines par les marchés financiers.

La seule et unique arme contre la déflation

Pour autant, l'instauration de taux d'intérêt négatifs (défendus et invoqués maintes fois par moi au fil de multiples articles) est la seule et unique arme encore à disposition de nos banques centrales pour lutter contre la paralysie économique induite par la déflation. Les taux négatifs étant la seule réponse à la crise en matière de politique monétaire, la relation de cause à effets semble évidente entre austérité et taux négatifs. Nos politiques comptent intégralement sur des banques centrales à bout de souffle pour relancer nos économies car ils n'ont eux-mêmes pas le cran - ou plus le pouvoir ? - d'instaurer des politiques publiques à même de soutenir l'activité économique.

La gauche et la droite contre les déficits

La gauche et la droite étant désormais unies dans un même combat aberrant contre les déficits, les gouvernements divers et variés qui se succèdent se défilent de leurs responsabilités en refusant de gérer la patate chaude de la croissance dans un contexte où les banques centrales parviennent désormais au bout de leur dynamique de création monétaire.

Nos brillants responsables politiques - qui excellent en déclarations d'intention creuses et stériles - devraient pourtant se rendre compte que le public n'a que faire de ces débats sur les taux d'intérêt négatifs qui ne concernent qu'une infime minorité de spécialistes quand les citoyens attendent d'authentiques mesures de relance de la dépense et de la demande agrégées. Le coût de cette austérité débile - jusque là payé par le citoyen - est dorénavant également assumé par le système bancaire par taux négatifs interposés. Travailleurs, épargnants, actionnaires, intermédiaires financiers : c'est toute la chaîne et c'est tous les acteurs économiques qui paient donc aujourd'hui le prix de cette folle rigueur budgétaire qui entame les profits des institutions bancaires après avoir paralysé la consommation.

Pourquoi défendre l'austérité?

Et pourtant, la dénonciation de l'austérité reste très mal perçue par les médias comme par les gens de pouvoir, les rares économistes (comme votre serviteur) stigmatisant cette politique autodestructrice étant par ailleurs qualifiés de dangereux gauchistes... Question aux confins de la philosophe en réalité, car pourquoi diable les gens, les banquiers, les consommateurs et les politiques s'obstinent-ils à combattre une politique expansionniste qui aurait pourtant 100% d'effets bénéfiques sur leur propre activité et accessoirement pour l'économie ? Pourquoi laisse-t-on à l'extrême gauche le monopole de la dénonciation de politiques austéritaires qui s'avèrent pourtant létales pour toutes et pour tous ?

Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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