Quelles solutions face aux violences et au désamour entre les populations et leur police ?

Par Bruno Pomart et Jean-Michel Fauvergue  |   |  1130  mots
Il est impératif que l'humain, le dialogue et la communication soient remis au centre de nos relations, que ce soit par ou envers nos forces de l'ordre, ou par ou envers tout porteur de l'autorité - ayons une pensée par exemple pour les enseignants, les éducateurs, ou même les parents parfois en manque de soutien. (Crédits : YVES HERMAN)
OPINION. Le déclin de la confiance des populations envers leurs forces de sécurité est désormais un fait avéré, qui semble malheureusement s'inscrire dans la durée. Tous les chiffres le montrent : chaque jour, les forces de l'ordre sont la cible d'agressions de plus en plus violentes. Face à cette dérive, il existe plusieurs solutions pour inverser la tendance. Par Bruno Pomart (*), ex-policier instructeur du Raid, et Jean-Michel Fauvergue (**), député La République en Marche de Seine-et-Marne, membre de la commission des lois.

Un policier frappé à terre par des manifestants, un pompier blessé par balle à la jambe alors qu'il tentait de circonscrire un incendie de véhicule à Étampes, une gendarme fauchée sur un barrage routier dans le Lot-et-Garonne... Les faits divers s'accumulent et la situation ne cesse de se dégrader.

En vingt ans, les violences contre les personnes dépositaires de l'autorité publique ont augmenté de 60% en France, un niveau historiquement élevé, et depuis 2012 - ce qui inquiète particulièrement les forces de l'ordre -, le nombre de violences contre les dépositaires de l'autorité publique a dépassé celui des outrages : autrement dit, les agressions ont dépassé les insultes !

Erosion des valeurs de notre République

Or l'érosion des opinions positives et de la sympathie que suscitent les forces de l'ordre est un signe de l'érosion parallèle des valeurs de notre République et de notre système démocratique, en particulier le respect des règles et de l'autorité.

Les différentes vidéos de violences qui circulent sur Internet, qu'elles émanent de manifestants ou de policiers, ne font qu'accentuer le phénomène et le rendent, sinon plus novateurs, du moins plus inquiétant que les précédents cycles de violences auxquels notre pays avait été confronté depuis le XIXe siècle. Les réseaux sociaux ont rendu les pulsions violentes d'autant plus inflammables que leur diffusion est rapide, internationale, publique et totalement asymétrique, aux dépens de ceux qui sont attaqués. Nous assistons à une « guerre de l'image » perdue d'avance par nos policiers, qui ne peuvent guère faire plus pour se défendre.

Mais il n'est pas question de baisser les bras, car de nombreuses solutions existent pour aider les forces de l'ordre dans leurs missions, améliorer leur efficacité, rétablir le dialogue et instaurer un nouveau pacte de confiance avec nos concitoyens.

La première d'entre elles consiste à développer la filière de tous les métiers de la sécurité, afin que les agents des forces de l'ordre, les policiers municipaux, et les agents privés de sécurité puissent bénéficier dans l'avenir d'une formation renforcée et d'une meilleure connaissance des enjeux et des publics auxquels ils seront confrontés. Il existe aujourd'hui un Bac Professionnel, nous pensons qu'il faudrait le prolonger par un niveau BTS, voire Licence. Ce point est abordé longuement dans le rapport Thourot-Fauvergue de 2018, car c'est d'abord et avant tout par la formation que l'on prépare une police efficace et en osmose avec la population.

Investissons sur le Service national universel

Cette inclusion repose également sur des campagnes de communication et d'information afin de susciter des vocations. Investissons sur le SNU (Service national universel), qui offrira à chaque jeune la possibilité de découvrir les métiers de la sécurité « au plus près du réel », hors  du fantasme télévisuel ou virtuel.

Ces vocations contribueront à fournir les rangs de la police et de la gendarmerie, mais aussi et surtout ceux de la réserve, notamment celle de la police nationale, en grand déficit part rapport à celle de la gendarmerie. Elle seront aussi de nature à susciter des intérêts pour la sécurité privée. Car nous devons prendre conscience que notre sécurité est désormais l'affaire de tous, elle doit être « globale » et passer également, et nécessairement, par l'implication de la population (ce concept a été testé dans le cadre de la discussion sur le Livre blanc les 11 et 12 janvier 2020, où la parole a été donnée aux citoyens).

Par ailleurs, les missions de la police ne cessent d'évoluer, de se densifier et de se complexifier. Or trop de missions nuisent à son efficacité. La décharger des missions annexes en les confiant à la sécurité privée est donc l'une des voies à privilégier. C'est cette orientation qui est développée dans le rapport des deux parlementaires, consacrée par l'idée d'un « continuum de sécurité » entre les forces régaliennes ainsi que la police municipale, et la sécurité privée.

Par delà la nature des forces engagées, c'est le concept d'acuité et de « voisinage » qui contribuera à l'efficacité d'une présence réinventée, pour une police de sécurité quotidienne à l'image empathique, qui parle et rassure, mais aussi capte l'évolution des « biotopes » dans lesquels elle travaille et est en capacité de retransmettre aux services d'enquêtes ou de renseignements les informations  recueillies sur le terrain.

Les enjeux de notre sécurité plongent leurs racines dans notre quotidien, à nous donc d'aller vers une « sécurité globale », enrichie de tous les acteurs œuvrant au niveau le plus proche du terrain : les forces spécialisées, qu'elles soient régaliennes, municipales ou privées, les élus, nationaux et locaux - maires et conseillers municipaux en tête - et les associations.

Retrouver la valeur de la laïcité

Tous ensemble, nous devons retrouver cet élan et reconstruire un discours structuré sur la sécurité et la citoyenneté . Nous devons retrouver les valeurs qui y étaient rattachées, dont la laïcité, primordiale en ces temps où le communautarisme (hérité de dizaines d'années de renoncements à notre vivre ensemble) fait violemment surface.

Tous ces partenaires, notamment associatifs, qui participent de façon significative à l'éducation républicaine, devraient pouvoir obtenir une reconnaissance, une gratification, de la part de l'État et de chaque citoyen, et devenir ainsi un des nouveaux maillons de notre territoire.

Il est impératif que l'humain, le dialogue et la communication soient remis au centre de nos relations, que ce soit par ou envers nos forces de l'ordre, ou par ou envers tout porteur de l'autorité - ayons une pensée par exemple pour les enseignants, les éducateurs, ou même les parents parfois en manque de soutien. Les méthodes modernes de communication favorisent la dégradation : ce qui fait sensation fait vendre, mais contribue aussi à détériorer notre société, à salir les personnes et à affaiblir notre démocratie.

Promouvoir les valeurs de notre système démocratique peut paraître désuet car ce n'est pas vendeur. De plus, cela demande un effort, un supplément d'âme, et un travail de persuasion auprès des jeunes, pour parvenir à faire vivre ces qualités éternelles, et à leur donner du sens. Néanmoins, nous ne pouvons nous permettre d'y renoncer car cela reviendrait à renoncer à notre noblesse et à notre futur.

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(*) Bruno Pomart est Président-fondateur de l'association Raid Aventure Organisation et auteur du livre « Flic d'élite dans les cités » (éd. Anne Carrière).

(**) Jean-Michel Fauvergue, ancien patron du Raid, unité d'élite de la police nationale, est l'auteur du livre « La sécurité des Français » (éd. Michel Lafon).