Réformer un système de santé malade de ses archaïsmes

Notre système de santé est inadapté à la demande actuelle, celle d'une prise en charge de maladies chroniques. Restructurer et regrouper les hôpitaux, instaurer de vrais parcours de soin, revoir la rémunération des médecins en privilégiant le collectif... telles devraient être les orientations retenues. Par Alexis Dussol, Président d'Adexsol, Ancien président de la conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers

Le Sénat est en train de détricoter la loi santé votée en première lecture par l'Assemblée Nationale. L'opposition des médecins, dans leur majorité hostiles à la loi, n'a pas désarmée. Ces oppositions souvent virulentes se cristallisent autour du fameux Tiers Payant généralisé. On a d'ailleurs du mal à comprendre l'entêtement de l'exécutif à vouloir maintenir à tout prix une disposition contestée et techniquement mal préparée, si ce n'est le respect d'un engagement de campagne de François Hollande. Il n'est pas sûr, de surcroit, qu'elle corresponde à une aspiration réelle des français. Le renoncement aux soins du à l'absence de tiers payant, argument choc des promoteurs de la réforme, reste à démontrer.


Ce faux-débat cache un vrai débat qui n'a pas eu lieu, celle de la nécessaire réforme du système de santé. Une nouvelle fois, on risque de passer à côté.

Un système de santé obsolète

Le diagnostic fait pourtant consensus. Le système de santé qui s'est construit autour de la maladie aigue n'est plus adapté à la prise en charge des 18 millions de nos concitoyens qui souffrent d'une ou plusieurs maladies chroniques et qui représentent aujourd'hui l'essentiel de la demande de soins.

L'exercice isolé en cabinet, d'un côté et l'hôpital de haute technologie de l'autre qui permettent de soigner la pathologie aigue simple ou complexe ne sont plus adaptés aux maladies chroniques qui exigent une prise en charge globale au long cours non seulement médicale mais aussi psychologique et sociale par une équipe de plusieurs professionnels . On n'a pas su anticiper l'explosion des maladies chroniques due au vieillissement de la population, au progrès médical et à certains facteurs environnementaux.

Un système défaillant pour les pathologies chroniques

Autant, le système est performant pour les soins aigus, autant il est défaillant pour les pathologies chroniques. C'est un autre french paradoxe. Formations initiales, corporatismes professionnels et modes de rémunération maintiennent une offre balkanisée ou un système hospitalier surdimensionné absorbe l'essentiel des ressources. Il faudrait au contraire muscler le dispositif de soins primaires et accompagner les professionnels de premier recours de plus en plus nombreux à souhaiter travailler en équipe de façon coordonnée. Il n'est qu'à voir le succès des maisons de santé pluri- professionnelles.

Plutôt que de sauter sur sa chaise, comme un cabri en disant « parcours ! parcours ! », Il faudrait les organiser en mettant de la continuité et de la fluidité entre l'amont et l'aval. Souvent, il n'existe pas de parcours organisé au sein d'un même hôpital ! Ne parlons pas de la césure entre la ville et l'hôpital et des ruptures entre court, moyen et long séjour. Tout cela coûte cher à la collectivité sans pour autant améliorer la qualité de la prise en charge. On sait, par exemple que 60% des patients ne prennent pas correctement leurs traitements faute d'un accompagnement suffisant et que le coût évitable des complications dues cette mauvaise observance s'élève en France à 9 milliards d'euros !

Les parcours d'aujourd'hui sont souvent chaotiques. Le patient, livré à lui-même, « construit » son parcours au gré des contingences locales et de son niveau d'information. A ce jeu-là, les plus aisés sont les mieux informés et les plus favorisés. Les grands pourfendeurs des inégalités de santé seraient bien inspirés de s'en préoccuper. C'est là, la principale inégalité de santé.

Une vraie réforme

Le système de santé bâti après-guerre doit être remis à plat. Il faut faire évoluer les modes de rémunération: la tarification à la pathologie à l'hôpital et la rémunération à l'acte en médecine libérale segmentent la prise en charge sans parler des effets inflationnistes sur la dépense.


Le paysage hospitalier doit être restructuré en profondeur. Il faut regrouper les établissements et diminuer le nombre de lits. Avoir un seul établissement doté de la personnalité morale par territoire de santé n'est pas une vue de l'esprit. Il faut passer de la parole aux actes. Cela encouragera les synergies et évitera les doubles emplois dans un contexte de rareté de la ressource médicale. Les économies réalisées doivent servir à renforcer les soins primaires.

De nouveaux modes de rémunération forfaitaires et collectifs

Il faut mieux rémunérer les professionnels de premier recours à travers de nouveaux modes de rémunération plus forfaitaires et collectifs, en particulier ceux qui s'engagent dans des formes d'exercice collectif coordonné et pluri professionnel. Enfin, last but not the least, on ne fera pas, non plus, l'économie d'une régulation de l'installation tant l'accès aux soins est devenue problématique dans beaucoup d'endroits.
Voilà la vraie réforme ! Elle est ambitieuse. Elle suppose une volonté et du courage politique. A n'en pas douter, c'est par là que passe un retour durable à l'équilibre des comptes de la Sécurité sociale reporté d'année en année par les gouvernements successifs.

Pour autant, Il n'est pas sûr qu'elle soit en bonne place dans les engagements de campagne des candidats à la prochaine élection présidentielle. La question effraie les politiques. Et pourtant, il y va de la santé de chacun d'entre nous.

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Commentaires 9
à écrit le 24/09/2015 à 9:29
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Je suppose que l auteur de l article est un medecin liberal. Personellement ca me choque pas que l hopital concentre les couts vu que soigner un infractus coute plus cher que soigner une grippe (qui dans ce dernier cas se soigne tres bien toute seule...

le 24/09/2015 à 11:18
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La Suède a beaucoup d'habitants par établissement hospitalier que nous et les suédois sont bien soignés. Pourtant regardez une carte et vous verrez que le territoire suédois n'est pas simple du tout à couvrir.

à écrit le 23/09/2015 à 23:02
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De nombreux médecins venus des pays de l'Est, sont repartis dans leur pays, surtout en raison de la langue (mauvaise connaissance du français), sans compter que les français recherchent des médecins français. Eh oui ! Des médecins français ont fait ...

à écrit le 23/09/2015 à 18:06
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Première réforme à faire : faire venir massivement des médecins de oumanie, de bulgarie et de Pologne afin de faire baisser le prix de la consultation à 20 euros. Deuxième réforme : mettre les médicaments en vente libre dans les grandes surfaces (...

le 23/09/2015 à 19:25
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"Le libéralisme, c'est pour les autres....! " : Et vous, vous êtes à l'abri? Aucun salarié de l'Est peut prendre votre place? Un retraité qui pense que les salaires pourront plonger pour s'aligner sur la concurrence de l'Est? Un rentier dans l'immobi...

le 23/09/2015 à 19:59
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Pourquoi 20 ? Pourquoi pas 10 euros : après déductions des charges (+RSI, Urssaff. Etc) et impôts, il leur reste à tout casser 30% : 3,35 euros pour prendre la responsabilité de prendre soin de votre vie dans cette relation singulière entre une per...

le 23/09/2015 à 23:11
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votre façon de voir est ridicule - les Français préferent les mèdecins français et comme je les comprends , nous ne voulons pas non plus de genériques "obligatoires" et préférons l'original -

le 24/09/2015 à 0:16
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c'est déjà le cas dans beaucoup d'hôpitaux: on y emploie pour 50% des médecins étrangers, et pour l'instant, en anesthésie par exemple, certains sont interdits de garde tant ils sont bien formés.... et les anesthésistes français qui en ont assez de f...

le 24/09/2015 à 11:30
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Première réforme : non, non et non! Complètement d'accord avec les autres réactions. La consultation doit être payée au prix de marché en France et non en Roumanie pour que des jeunes français après 8 ans d'études post bac puissent exercer ce métier ...

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