Régionales : le double boycott des urnes

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  747  mots
L'abstention et l'abandon de la bataille par le PS dans certaines régions relèvent du boycott des urnes, qui témoigne de la profondeur de la crise démocratique de notre pays.Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

Le premier tour d'élections régionales totalement nationalisées a livré son verdict politique : victoire sans débat du premier parti de France, le Front national, et double échec électoral, attendu du côté du PS et de ses alliés, beaucoup plus surprenant chez Les Républicains et leur attelage centriste UDI et MODEM.
Mais le principal événement est pourtant à chercher ailleurs, dans un double boycott des urnes : celui confirmé des citoyens et celui d'une démarche inédite d'abandon électoral par le PS. Un double boycott qui témoigne de la profondeur de la crise démocratique de notre pays.

Une désertion des urnes

D'un côté une moitié de France a confirmé comme élection après élection sa désertion des urnes. Si on ajoute à cette moitié les très nombreux français qui ne s'inscrivent plus, les exprimés blanc ou nuls que l'on ne comptabilise pas, voilà la véritable majorité silencieuse, malheureusement de plus en plus large, qui répète un non catégorique à l'offre politique proposée par les différents partis.

D'un autre côté, 2015 marque un palier historique pour le Front National qui progresse de plus de 18 points par rapport à 2010 et les dernières régionales et poursuit une montée en puissance à la fois en terme de suffrages et de géographie électorale : il est en tête dans 6 des 13 nouvelles « grandes Régions ». Dans 2 d'entre elles, il dépasse, seul, les 40% de suffrages exprimés. Le FN constitue une évidence électorale. Entité politique complexe tiraillée entre plusieurs sociologies géographiques et politiques mais entité autonome qui atteint seule le second tour de scrutins à deux tours face aux 2 unions des gauches et des droites. C'est aussi une force politique qui attend encore son grand soir. Il sera peut-être présidentiel ou législatif en 2017 ou 2022 mais certainement pas régional en 2015. Tout semble, en effet, indiquer que le FN aura le plus grand mal à transformer son large leadership de premier tour en victoire électorale dans une semaine. Deux lignes tactiques séparent les 2 « groupements politiques » qui subissent un échec de premier tour.

Une défaite à l'ampleur inattendue pour les Républicains

Les Républicains, marqués par une défaite à l'ampleur inattendue pour un parti d'opposition, ont très rapidement affirmé, par la voix de leur Président, Nicolas Sarkozy, une démarche claire qui refuse le retrait en cas de position de troisième qualifié au second tour et plus encore la fusion avec les listes socialistes si la liste d'union LR/UDI/MODEM était première ou deuxième. Difficulté : cette position n'est partagée par aucun de ses 2 alliés de premier tour. L'UDI et le MODEM, et leurs présidents respectifs, Jean Christophe Lagarde et François Bayrou, veulent un retrait quand la liste d'union arrive troisième.

Ils rejoignent, dans cette attitude de boycott électoral, leurs adversaires du premier tour, le PS, qui en situation d'échec politique cuisant, a d'autorité et verticalement depuis Paris, dans une ligne très « Valsienne », choisis pour ses candidats et ses alliés de se retirer dans les régions où le FN peut gagner.

Un hara kiri à l'efficacité politique certaine

Un hara kiri à l'efficacité politique certaine mais à la portée démocratique très risquée. S'il se drape de républicanisme anti-extrême et condamne les espoirs du FN, il propose une démarche inédite d'abandon de l'élection, d'abandon en rase campagne des millions d'électeurs qui se sont mobilisé et voté pour les listes finalement effacées, et surtout d'abandon des futures assemblées de nouveaux grands territoires régionaux et donc de leurs nouveaux espace de débat démocratique. Un nouvel épisode d'un triste feuilleton politique qui va encore renforcer la crise de notre démocratie dans un contexte de défiance déjà généralisée face aux partis politiques. Projets flous, vérités faibles, pas de lisibilité, perte de crédibilité, refus de légitimité, l'équation de la confiance citoyenne a volé en éclat depuis longtemps. « Le peuple a fait sécession » écrivait avec justesse Michel Maffessoli au printemps de 2010. Maintenant ce sont des forces politiques. Notre pays continue de crier son désespoir en silence. Jusqu'à quand ?

 Jean Christophe Gallien
Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
CEO de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals