Relancer l'accession à la propriété en aidant les ménages modestes

L'accession à la propriété dans le neuf est en panne depuis 2011. Pour en sortir, il faut aider les ménages modestes à revenir sur ce marché. Par Michel Mouillart, Professeur d'Economie à l'Université Paris Ouest

L'accession à la propriété dans le neuf est en panne depuis 2011. Et la panne est sévère, les remises en cause successives des soutiens publics à la réalisation des projets d'accession ayant largement écarté les ménages aux revenus modestes et moyens des marchés de la construction individuelle et de la promotion privée.

 Pourtant, si l'objectif des « 500 000 logements commencés » chaque année peut être atteint, ce ne sera que par un redressement sensible de cette accession à la propriété. Par exemple, alors que durant les années 2006 et 2007 le nombre de logements commencés dépassait chaque année les 490 000 mises en chantier, le nombre des accédants s'est établi à près de 310 000 unités, en moyenne. Alors qu'en 2014, avant que les mesures de relance du PTZ ne prennent effet, les flux de l'accession étaient redescendus à un peu plus de 190 000 unités.

 Les aides à l'accession ne sont pas inflationnistes

Ce constat est maintenant largement partagé. Les mesures relance de l'accession à la propriété retenues par le "Livre Blanc du Medef pour le Logement" en constituent une des plus récentes illustrations.

Il est vrai qu'à la différence de ce qui est souvent admis, il n'a jamais été établi que les aides à l'accession étaient inflationnistes. Ni que le recours aux crédits plongeait les accédants dans la spirale du surendettement. Ni que le risque de défaut de ces emprunteurs avait « explosé » avec la crise. Ni que le crédit à l'accession à la propriété avait fait peser un risque potentiel de sinistralité élevé sur le secteur bancaire et financier français ... La France ne ressemble pas, de ces points de vues, à la plupart de ses partenaires de l'Union Européenne.

 La capacité de remboursement des emprunteurs examinée

Les raisons de cela sont connues. Les crédits ne sont octroyés en France qu'après examen des capacités de remboursement des emprunteurs et non adossés à la valeur de marché du bien acquis. Les crédits bénéficient de conditions de remboursement meilleurs qu'ailleurs en Europe sont à taux fixes, le risque étant porté par le prêteur et non par l'emprunteur. La fréquente mutualisation de ce risque pour ceux des ménages qui ont préféré la caution solidaire d'un organisme financier à une hypothèque a permis de limiter la casse. Les banques ont bien répercutées les baisses des taux de refinancement de la BCE et des taux des obligations ...

 Relance des prêts à taux zéro, politique monétaire assouplie: des mesures insuffisantes

Cependant, les ménages lorsqu'ils sont jeunes et/ou en primo accession à la propriété ne disposent pas toujours, et loin s'en faut, de l'apport personnel suffisant pour réaliser leur projet. Le durcissement des conditions d'octroi des prêts imposé par la mise en œuvre des ratios prudentiels dits de Bâle III a donc lourdement pesé sur ces candidats. Et malheureusement, c'est dans le même temps que le nombre de PTZ au neuf a été réduit de moitié, sous l'effet des décisions publiques.

Aussi, dès l'été 2014, le Premier Ministre et la Ministre du Logement ont souhaité relancer l'accession et, de ce fait, redynamiser le PTZ. En outre, depuis le printemps 2014, les banques ont pu assouplir leurs critères d'octroi en réponse à l'élargissement des conditions de refinancement faites par la BCE. Cela devrait permettre aux flux de l'accession de retrouver plus d'ampleur, dès cette année. Mais cela ne sera pas suffisant pour retrouver chaque année plus de 300 000 accédants à la propriété, comme cela serait nécessaire pour venir à bout de la crise quantitative du logement qui détraque les marchés, nuit à la création des emplois et de la richesse, pénalise la croissance, pénalise les plus modestes des ménages ...

Il faut amplifier la relance, en aidant les ménages modestes...

Il conviendrait donc d'amplifier la relance, notamment en facilitant le retour des ménages aux revenus modestes et moyens vers l'accession à la propriété. Bien sûr, l'état des finances publiques ne permettra (certainement ?) pas de libérer les ressources budgétaires rares pour doubler le nombre de PTZ au neuf, comme cela serait nécessaire. Il faut cependant, et au moins, préserver l'existant et relooker le produit : en lui permettant par exemple d'améliorer la solvabilité des ménages aux revenus modestes (pour faire simple, il s'agirait d'allonger les différés d'amortissement).

 ...tout en conservant les spécificités françaises

Mais il faudrait aussi, dans le même temps, ne pas déstabiliser l'offre de crédits bancaires, en renonçant aux spécificités qui ont permis au secteur de l'immobilier de mieux résister en France qu'ailleurs en Europe, après deux crises majeures, celles des subprime et celle des dettes souveraines : il faut donc préserver les prêts à taux fixe, les garanties accordées sous forme de caution solidaire d'un organisme, un modèle de financement et de refinancement des crédits accordés largement adossé aux ressources de dépôts des banques, ...

 Éviter d'effrayer, avec des idées comme la taxation des loyers fictifs

Il faudrait enfin éviter d'ajouter des raisons de fuir cet investissement de long terme, qui constitue un pari sur l'avenir en temps de crise, par exemple en agitant périodiquement le spectre d'une taxation du loyer fictif. La confiance dépend, c'est une évidence, de l'absence de menaces.

Alors que la croissance économique revient (lentement), que l'accession à la propriété est redevenue une pièce essentielle d'une politique publique d'élargissement de l'offre de logements, que les conditions de crédit n'ont jamais été aussi bonnes sur aussi longtemps et qu'elles devraient le rester (assez) longtemps, il faudra donc veiller à consolider et à amplifier. Et certainement pas à déstabiliser et à paralyser !

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 27
à écrit le 17/03/2015 à 10:48
Signaler
Pour nous conseiller de mettre en place des subprimes, on peut en déduire que spécialiste de l'immobilier ne veut pas dire spécialiste de l'économie. Et qu'en plus, toute actualité supérieure à deux ans d'ancienneté doit être consciencieusement oubli...

à écrit le 17/03/2015 à 10:38
Signaler
gg

à écrit le 17/03/2015 à 8:34
Signaler
Pourquoi la location vente très utilisée dans les années 60 /70 a été supprimée: c'était il me semble une bonne formule!

à écrit le 16/03/2015 à 17:09
Signaler
En bref M Mouillard deemande que l etat augmente les impots pour qu on continue a subventionner les acheteurs de logements ... Moi j ai une solution plus simple : on arreter TOUTES les subventions, on laisse le marche chuter et la bulle eclater et le...

le 16/03/2015 à 17:26
Signaler
@cdf; tout à fait d'accord, c'est ce que j'explique autrement dans mon commentaire précédent: il n'y a pas de manque de logements, seulement une manipulation du marché pour que les constructeurs (entre autres) se mettent dans les fouilles les aides d...

le 16/03/2015 à 18:10
Signaler
Tout à fait d accord...on maintient une bulle immobiliere qui profite aux proprietaires et surtout à la defiscalisation avec des aides publiques sous la droite on pouvait comprendre mais avec Hollande....j oubliais UMPS soit disant un mythe....

le 16/03/2015 à 18:49
Signaler
@cdf @der ..etc : il faudrait quand même mettre votre disque à jour : les aides à la défiscalisation n existent plus dans les fait pour les investisseurs .D ailleurs on a pas le chiffre 2014 duflot mais au maximum 20 000 sur 300 000 construits .

le 16/03/2015 à 22:18
Signaler
@Der: les niches fiscales sont un autre sujet. La prime à la casse des autos par exemple, est en réalité une prime au constructeur payée par le contribuable. Le phémène existe aussi dans les assurances: sachant que la sécu ou l'assurance va rembourse...

à écrit le 16/03/2015 à 17:02
Signaler
Le logement est une affaire d'Elus communal,mais aussi Inter communal. et quand ces 2 entités sont en conflit,qu’ils jouent Doncamillo/peppone,rien ne va plus; les terrains sont gelés,les permis refusés,les promoteurs désorientes. Alors ,ce schém...

à écrit le 16/03/2015 à 16:00
Signaler
"Moi Président Je", dès son élection, a sanctionné les petites donations du vivant et héritages, diminuant de 150000 à 100000 euros par Enfant, et non réévalué le seuil de taxation. Il faut une franchise de taxe en ce domaine à 350000 euros par enfan...

le 18/03/2015 à 10:13
Signaler
Petite donation? 150 000 euros, c'est la capacité d'emprunt d'un jeune ingénieur. Les enrichis sans cause de la bulle immobilière ont perdu la valeur de l'argent, ça se retrouve dans les prix auxquels ils comptent vendre (à des héritiers d'enrichis s...

à écrit le 16/03/2015 à 14:34
Signaler
ces mécanismes d'aides diverses et variées vont généralement entretenir les caisses des constructeurs. Compte tenu de la démigraphie, il y a plus de vieuux que de jeunes, donc plus de logements à vendre que d'acheteurs. ce qu'il faut donc, c'est lais...

à écrit le 16/03/2015 à 14:31
Signaler
je rsume ' ceux qui en ont les moyens s'endetteront a vie pour payer leur logement', et ' ceux qui n'en n'ont pas les moyens mais ont bien vote se verront offrir un logement, ou du moins l'etat leur en paiera une part significative' peut etre qu'il ...

à écrit le 16/03/2015 à 14:17
Signaler
N'est-ce pas le point de départ du mécanisme des subprime?: inciter les ménages modestes à s'endetter plus que raisonnable! Dans un premier temps cela relance le bâtiment puis après les huissiers les avocats etc... Et puis quoi de plus manipulable q...

à écrit le 16/03/2015 à 14:13
Signaler
Le seule solution qui marche très bien pour les ménages très modestes voire au rsa, c'est le système de location-vente, mis en vigueur fin des années 50 d'ou les moult cîtés Phénix ou castors soigneusement entretenues et n'ayant jamais eu besoin de d...

le 16/03/2015 à 15:33
Signaler
Et en plus, cela éviterait de verser des aides au logement jusqu'à leur mort à des ménages, leur permettrait de se constituer un patrimoine pour payer leur maison de retraite ou à léguer à leurs enfants, donnerait envie aux gens de s'investir dans le...

à écrit le 16/03/2015 à 13:51
Signaler
M.Mouillart, quoi qu'il en dise, n'a pas compris que l'exception immobilière française est en tout point semblable à l'exception culturelle dont on parlait il y a quelques années : ce sont nos impôts qui financent notre différence. On le voit depuis ...

le 16/03/2015 à 15:40
Signaler
@hehe : votre première phrase est exacte: la particularité française est la fiscalité ; fiscalité immobilière sans commune mesure avec nos voisins . Vous allez me dire qu il est normal d avoir cette fiscalité compte tenu des prix élevés , je vous r...

le 17/03/2015 à 10:45
Signaler
La fiscalité est une plaie pour le secteur que ce soit ce que l'on paye, ou ce qu'il reçoit : la logique de marché en est affectée. La crise a commencée en 2008 et pas en 2011, mais les mesures du gouvernement de l'époque ont servi d'amortisseur (com...

le 19/03/2015 à 12:52
Signaler
Les 60/40 milliards ont du évoluer depuis le temps ? Et combien coûte le chômage généré par des entreprises qui doivent payer en immobilier (achat, location, taxes) avec de l'argent qui pourrait servir à investir et embaucher ?

à écrit le 16/03/2015 à 13:42
Signaler
Michel Mouillard est souvent présenté comme uniquement un universitaire. il me semble que si l'on mentionnait également ses rôles auprès de l'observatoire crédit logement, de l'observatoire des prix seloger.com et de l'union national de la proprié...

le 16/03/2015 à 13:58
Signaler
Mouillard, c'est un peu le pendant des marroniers de la presse, ces dossiers "spécial immo" où l'on vous dit toujours que c'est le moment d'acheter quoi qu'il arrive, le tout emballé dans des pubs de réseaux d'AI. Si le diététicien de chez mcdo nous ...

à écrit le 16/03/2015 à 12:43
Signaler
Baisser les prix et les acheteurs reviendront de suite.

le 16/03/2015 à 13:29
Signaler
vous oubliez que l' état gagne plus d ' argent si les prix sont hauts ET QUE les gens achètent : dans les frais de notaires , une bonne part est reversée à l' état , à la région , commune ... . Cécile DUFFLOT pense que ...

à écrit le 16/03/2015 à 12:25
Signaler
Que de contradiction, d'un coté on veut "ancrer" de futur propriétaire alors que d'un autre coté l'UE de Bruxelles les poussent aux nomadismes par le travail et à l'éclatement familial!

le 16/03/2015 à 13:22
Signaler
De nombreuses branches de travailleurs (militaires, agents SNCF...) sont amenés à être mutés très régulièrement ce qui ne les empêchent pas d'accéder à la propriété en louant leur bien (avec souvent un souhait de retour pour la retraite). Un militair...

le 16/03/2015 à 13:38
Signaler
Quand on parle de l'UE de Bruxelles on ne pense pas au militaire et fonctionnaire français mais plutôt aux travailleurs détachés!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.