Relancer l'accession à la propriété en aidant les ménages modestes

Par Michel Mouillart  |   |  976  mots
L'accession à la propriété dans le neuf est en panne depuis 2011. Pour en sortir, il faut aider les ménages modestes à revenir sur ce marché. Par Michel Mouillart, Professeur d'Economie à l'Université Paris Ouest

L'accession à la propriété dans le neuf est en panne depuis 2011. Et la panne est sévère, les remises en cause successives des soutiens publics à la réalisation des projets d'accession ayant largement écarté les ménages aux revenus modestes et moyens des marchés de la construction individuelle et de la promotion privée.

 Pourtant, si l'objectif des « 500 000 logements commencés » chaque année peut être atteint, ce ne sera que par un redressement sensible de cette accession à la propriété. Par exemple, alors que durant les années 2006 et 2007 le nombre de logements commencés dépassait chaque année les 490 000 mises en chantier, le nombre des accédants s'est établi à près de 310 000 unités, en moyenne. Alors qu'en 2014, avant que les mesures de relance du PTZ ne prennent effet, les flux de l'accession étaient redescendus à un peu plus de 190 000 unités.

 Les aides à l'accession ne sont pas inflationnistes

Ce constat est maintenant largement partagé. Les mesures relance de l'accession à la propriété retenues par le "Livre Blanc du Medef pour le Logement" en constituent une des plus récentes illustrations.

Il est vrai qu'à la différence de ce qui est souvent admis, il n'a jamais été établi que les aides à l'accession étaient inflationnistes. Ni que le recours aux crédits plongeait les accédants dans la spirale du surendettement. Ni que le risque de défaut de ces emprunteurs avait « explosé » avec la crise. Ni que le crédit à l'accession à la propriété avait fait peser un risque potentiel de sinistralité élevé sur le secteur bancaire et financier français ... La France ne ressemble pas, de ces points de vues, à la plupart de ses partenaires de l'Union Européenne.

 La capacité de remboursement des emprunteurs examinée

Les raisons de cela sont connues. Les crédits ne sont octroyés en France qu'après examen des capacités de remboursement des emprunteurs et non adossés à la valeur de marché du bien acquis. Les crédits bénéficient de conditions de remboursement meilleurs qu'ailleurs en Europe sont à taux fixes, le risque étant porté par le prêteur et non par l'emprunteur. La fréquente mutualisation de ce risque pour ceux des ménages qui ont préféré la caution solidaire d'un organisme financier à une hypothèque a permis de limiter la casse. Les banques ont bien répercutées les baisses des taux de refinancement de la BCE et des taux des obligations ...

 Relance des prêts à taux zéro, politique monétaire assouplie: des mesures insuffisantes

Cependant, les ménages lorsqu'ils sont jeunes et/ou en primo accession à la propriété ne disposent pas toujours, et loin s'en faut, de l'apport personnel suffisant pour réaliser leur projet. Le durcissement des conditions d'octroi des prêts imposé par la mise en œuvre des ratios prudentiels dits de Bâle III a donc lourdement pesé sur ces candidats. Et malheureusement, c'est dans le même temps que le nombre de PTZ au neuf a été réduit de moitié, sous l'effet des décisions publiques.

Aussi, dès l'été 2014, le Premier Ministre et la Ministre du Logement ont souhaité relancer l'accession et, de ce fait, redynamiser le PTZ. En outre, depuis le printemps 2014, les banques ont pu assouplir leurs critères d'octroi en réponse à l'élargissement des conditions de refinancement faites par la BCE. Cela devrait permettre aux flux de l'accession de retrouver plus d'ampleur, dès cette année. Mais cela ne sera pas suffisant pour retrouver chaque année plus de 300 000 accédants à la propriété, comme cela serait nécessaire pour venir à bout de la crise quantitative du logement qui détraque les marchés, nuit à la création des emplois et de la richesse, pénalise la croissance, pénalise les plus modestes des ménages ...

Il faut amplifier la relance, en aidant les ménages modestes...

Il conviendrait donc d'amplifier la relance, notamment en facilitant le retour des ménages aux revenus modestes et moyens vers l'accession à la propriété. Bien sûr, l'état des finances publiques ne permettra (certainement ?) pas de libérer les ressources budgétaires rares pour doubler le nombre de PTZ au neuf, comme cela serait nécessaire. Il faut cependant, et au moins, préserver l'existant et relooker le produit : en lui permettant par exemple d'améliorer la solvabilité des ménages aux revenus modestes (pour faire simple, il s'agirait d'allonger les différés d'amortissement).

 ...tout en conservant les spécificités françaises

Mais il faudrait aussi, dans le même temps, ne pas déstabiliser l'offre de crédits bancaires, en renonçant aux spécificités qui ont permis au secteur de l'immobilier de mieux résister en France qu'ailleurs en Europe, après deux crises majeures, celles des subprime et celle des dettes souveraines : il faut donc préserver les prêts à taux fixe, les garanties accordées sous forme de caution solidaire d'un organisme, un modèle de financement et de refinancement des crédits accordés largement adossé aux ressources de dépôts des banques, ...

 Éviter d'effrayer, avec des idées comme la taxation des loyers fictifs

Il faudrait enfin éviter d'ajouter des raisons de fuir cet investissement de long terme, qui constitue un pari sur l'avenir en temps de crise, par exemple en agitant périodiquement le spectre d'une taxation du loyer fictif. La confiance dépend, c'est une évidence, de l'absence de menaces.

Alors que la croissance économique revient (lentement), que l'accession à la propriété est redevenue une pièce essentielle d'une politique publique d'élargissement de l'offre de logements, que les conditions de crédit n'ont jamais été aussi bonnes sur aussi longtemps et qu'elles devraient le rester (assez) longtemps, il faudra donc veiller à consolider et à amplifier. Et certainement pas à déstabiliser et à paralyser !