"Républicains" : Sarkozy n'en a pas fini avec le débat juridique

Par Henri Leben  |   |  882  mots
Le choix du nom "Les Républicains" par l'UMP va continuer de soulever de nombreuses questions juridiques. Les opposants ne manquent pas d'arguments. Par Henri Leben, associé du cabinet Colbert Paris (Colbert Avocats)

Au-delà de la question de la légitimité du nouveau nom choisi par l'UMP pour désigner sa formation politique, question sur laquelle l'auteur de ces lignes se gardera de prendre position, le dépôt de la marque « Les Républicains » soulève d'intéressantes questions en droit des marques.
En effet, tous les termes ne peuvent pas faire l'objet d'un dépôt de marque.
Rappelons en premier lieu que la marque est un signe distinctif censé, par définition, distinguer le titulaire de la marque de ses concurrents. A ce titre, la marque confère un monopole d'usage à son propriétaire, qui peut donc s'opposer à sa reproduction par tout tiers.

Le droit d'opposition, principal droit attaché à une marque

Titulaire de la marque « Les Républicains », la future ex UMP pourra donc s'opposer à l'usage du qualificatif « républicain » par les autres formations politiques. Ce droit d'opposition est le principal droit attaché à une marque. Si l'UMP ne souhaitait pas bénéficier de ce droit, elle aurait d'ailleurs pu se contenter de rebaptiser son mouvement « les Républicains », sans procéder à son dépôt auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle.
Afin d'éviter les abus, le Code de la propriété intellectuelle prévoit que « les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service » ne peuvent être déposés comme marque. (Article L711-2 b du Code de la propriété intellectuelle).

Un terme largement utilisé

Se pose donc la question légitime de savoir si le qualificatif « républicain » constitue un signe « pouvant servir à désigner une caractéristique » d'un parti politique. C'est à la juridiction éventuellement saisie au fond qu'il appartiendra de répondre à cette question (la question n'ayant pas été abordée lors de la procédure de référé).
On remarquera à toute fin utile que le moteur de recherche Google associe le terme « républicain », plus de cinq cent mille fois à la requête « parti socialiste », plus de quatre cent mille fois au « parti communiste », près de trois cent mille fois au Modem, plus de quatre cent cinquante mille fois à l'UDI, plus de six cent mille fois au « Front de gauche », etc.
On remarquera également que le qualificatif « républicain » est régulièrement utilisé dans l'actualité. Il suffira par exemple de se référer au « front républicain » ou au « vote républicain ».
Le qualificatif « républicain » semble par conséquent être employé de manière extrêmement fréquente en association avec les partis politiques. La tentation d'affirmer qu'il s'agit d'un terme dépourvu de caractère distinctif pour désigner un parti politique, est par conséquent assez grande.

Un logo, signe distinctif suffisant?

En ce sens, on pourra se reporter utilement au récent communiqué de l'INPI du 13 janvier 2015 qui rappelait, s'agissant du slogan « Je suis Charlie », que celui-ci ne peut « être capté par un acteur économique du fait de sa large utilisation par la collectivité » et devait être considéré à ce titre, comme dépourvu de "distinctivité".
Les tenants de la marque « Les Républicains » pourront cependant tenter de faire valoir que l'adjonction de l'article défini « les », est suffisante pour conférer un caractère distinctif à la marque.
Ils pourront également invoquer le fait que trois des quatre marques déposées comportent un logo, ce qui est éventuellement susceptible de leur conférer un caractère distinctif. Mais l'ex UMP devra alors s'engager à ne pas s'opposer à l'utilisation du terme « les Républicains » lorsque celui-ci est reproduit sans son logo.
Encore une fois, seules les juridictions saisies au fond pourront indiquer si la marque a ou non été valablement déposée.

Il est interdit de déposer un emblème national

D'autres questions pourront également être soulevées devant les tribunaux. Il sera ainsi intéressant de s'interroger sur la compatibilité de la marque « Les Républicains » avec l'article 6 ter de la convention de Paris, qui interdit le dépôt d'un emblème national. (Même s'il est vrai que le terme « République » n'est pas, semble t-il à ce jour, considéré comme un emblème au sens de la convention).
Il sera par ailleurs rappelé que l'article L711-4 h du Code de la propriété intellectuelle prohibe le dépôt d'une marque reproduisant le nom d'une collectivité territoriale. Là encore, la question de savoir si le terme « Républicain » n'est pas une reproduction/évocation du terme « République française », nous paraît pouvoir légitimement être posée.
Enfin, la question de l'atteinte éventuelle à l'ordre public peut également être évoquée. En effet, l'existence d'une marque « républicain » est censée interdire aux autres partis l'emploi de ce terme. Interdiction que certains pourraient considérer comme une atteinte à la liberté d'expression.
Quoi qu'il en soit, au-delà des questions politiques, le débat pour les praticiens du droit des marques s'annonce passionnant et sera sans nul doute très commenté.

Me. Henri LEBEN est associé du cabinet Colbert Paris (Colbert Avocats) où il est responsable du département Propriété Intellectuelle.