Retenue à la source : l'année blanche pour sauver la rose... et booster l'économie

L'année blanche -les revenus de 2017 ne seront pas imposés- aura à coup sûr un effet dopant sur l'offre de travail et l'activité économique, ... ce qui devrait largement compenser la fraude éventuelle et les coûts imposés par la métamorphose administrative de Bercy. Par Olivier Bargain, professeur de sciences économiques à Aix-Marseille Université, directeur de l'Institut d’Économie publique.

Rien ne vaut un président aux abois dans les sondages. Les chances de réélection de François Hollande sont si basses qu'il doit tenter quelque chose d'audacieux pour reprendre la main. Quitte à tenir certaines promesses électorales comme le prélèvement à la source. Et pour cela, il semble avoir écouté l'économiste Alain Trannoy, qui dans sa réponse au « petit livre rouge » de Piketty , proposait déjà l'année blanche.

Une chance de se rabibocher avec beaucoup d'électeurs de gauche et au-delà. Encore faudra-il communiquer correctement sur le sujet. Rappelons que l'année blanche ne signifie pas « on ne paie pas d'impôt en 2017 » mais « on ne paie pas d'impôt sur les revenus de 2017 ». Le timing serait en effet : en 2017, on est redevable de l'impôt sur les revenus de l'année précédente, en 2018, on est prélevé à la source sur les salaires de 2018. Il n'y a donc pas d'année sans impôt. Et donc pas de trou dans les finances publiques, si l'Etat a une durée de vie... infinie (ce qu'on espère tous!).

Une mise en place progressive sur quatre ans

Le 24 mai, le gouvernement a annoncé le prélèvement à la source avec une mise en place progressive sur quatre ans. A l'issue du conseil des ministres du mercredi 17 juin, c'est la fameuse année blanche qui sort du chapeau. Au-delà de l'impression d'une certaine improvisation, on ne peut que se réjouir du passage à un impôt « en temps réel ». Il s'agit d'une urgente nécessité, comme le rappelle un récent rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires.

Pas dans un but de simplification (une déclaration rectificative reste nécessaire), ni comme préliminaire à une fusion IR-CSG (qui n'est plus vraiment à l'ordre du jour). Non, l'objectif fondamental est bien d'en finir avec le décalage d'un an qui mine la vie des gens, et surtout des plus modestes. Payer l'impôt un an après, c'est imposer une épargne de précaution, c'est mettre en difficulté ceux dont les revenus varient dans le temps, c'est aussi pénaliser les ménages qui comptent sur les allocations logements pour joindre les deux bouts (ces allocations sont conditionnées à la déclaration fiscale et donc versées avec un ou deux ans de retard). Il s'agit aussi d'améliorer l'effet de « stabilisateur automatique » de l'impôt, réduisant par là-même notre vulnérabilité aux crises économiques. Rien que ça.

Un bras de fer avec les syndicats de Bercy

Mais pourquoi une transition par « année blanche » ? Pour aller vite ? Alors faites-la en 2016, pas en 2017 ! Pour gagner les élections grâce à des revenus défiscalisés en 2017? Sûrement. Peut-être aussi parce que le projet initial, une transition sur plusieurs années, aurait pu être défait après l'élection présidentielle. Surtout parce que le mécanisme risquait d'être mal compris. J'en veux pour preuve que le processus d'année blanche, pourtant plus lisible, est déjà source de confusion. Michel Sapin a beau dire, c'est un véritable bras de fer qui va s'engager avec les syndicats de Bercy - et pour le gagner, mieux vaut une réforme simple.

La bataille de la métamorphose administrative

La première bataille est celle de la métamorphose administrative. Il peut falloir un certain temps pour utiliser le système de « déclaration sociale nominative », actuellement en cours de généralisation, afin de faciliter les télétransmission entre Bercy et les entreprises. Également un peu de temps pour réaffecter une partie des 26 000 agents en charge de la collecte de l'impôt (notamment ceux en charge des impayés, qui pourraient s'occuper dorénavant du contrôle auprès des entreprises, de la lutte contre l'évasion fiscale, etc.). Mais qu'on ne nous dise pas que Bercy est incapable de mettre ceci en place d'ici le 1er janvier 2018 ! Qui donc est mieux placé pour nous rassurer sur ce point que des hauts fonctionnaires qui connaissent la maison et déclarent qu' « on est techniquement prêt » (voir une note récente du think tank « Terra Nova »).

 La réforme circonscrite aux revenus du travail

L'autre problème potentiel est l'optimisation ou fraude fiscale qui consiste à reporter des revenus générés normalement en 2016 ou 2018 sur l'année blanche 2017. La perte fiscale afférente sera limitée, quoiqu'en disent l'ex-UMP et les détracteurs de la réforme. D'une part parce que le gouvernement a la bonne idée de circonscrire la réforme aux revenus du travail, moins mobiles que les revenus du capital. Surtout parce que la perte sera très largement compensée par les recettes de TVA ou de CSG sur les « nouveaux » revenus, ceux générés par l'effet incitatif de l'année blanche.

Rappelez-vous : « pas d'impôt sur les revenus de 2017 ». Des épouses - aujourd'hui taxées au taux marginal supérieur de leur mari - qui reprennent un travail en 2017, non taxé. Des heures sup en 2017, non taxées. Une hausse d'activité des travailleurs indépendants en 2017, non taxée. Des seniors qui retardent le départ à la retraite d'une année, non taxée... L'année blanche créera tous ces revenus supplémentaires. Ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui réfuterait cette idée, lui qui avait proposé la défiscalisation des heures sup ! Avec l'année blanche, on crée une formidable incitation à « travailler plus pour... » (vous connaissez la suite).

L'exemple islandais

L'expérience islandaise des années 1980 fournit une bonne illustration : l'année blanche dans ce pays a été accompagnée par une hausse de 4% du taux d'activité des hommes et 5% de celui des femmes. Bien sûr, l'extrapolation à la France de 2017 est difficile. Mais le gisement d'activité existe, même en temps de crise. Avec Etienne Lehmann et Alain Trannoy, nous avons chiffré qu'avec une hypothèse basse, 1/8ème de l'effet islandais, la défiscalisation des revenus 2017 générerait 80 000 emplois équivalent temps-plein et 3 milliards d'euros de recettes additionnelles de TVA, CSG et cotisations. Bien plus que l'effet attendu de la loi Macron, et largement de quoi compenser l'optimisation fiscale.
Voilà ce sur quoi le gouvernement devrait communiquer. En mai 2017, le bilan en termes de chômage du candidat Hollande ne sera surement pas plus glorieux qu'aujourd'hui. Mais une réforme utile aura été engagée, avec des risques limités et des gains potentiels en terme d'emploi. Enfin, ça, on ne pourra le vérifier qu'après les élections...

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Olivier Bargain,
Professeur de sciences économiques, Aix-Marseille Université
Directeur de l'Institut d'Economie Publique

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Commentaires 28
à écrit le 27/06/2015 à 11:30
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"26000 agents chargés de la collecte de l'impôt" : l'auteur professeur, directeur montre qu'il ne connaît pas du tout le sujet et qu'il appartient à un autre siècle quand le prélèvement mensuel n'existait pas...Cela me rappelle les manipulations de M...

à écrit le 23/06/2015 à 20:05
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Pour éviter l'effet d'aubaine lié à l'année blanche, ne suffirait-il pas en fin d'année 2018 de déposer deux déclarations de revenus, une pour 2017 et une pour 2018, et de régulariser l'impôt versé en 2018 par rapport au plus élevé de ces 2 nombres ?

à écrit le 23/06/2015 à 19:58
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Pour une fois qu'un homme politique applique le programme pour lequel il a été élu, pourquoi le lui reprocher ?

à écrit le 23/06/2015 à 19:08
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Ceux qui ont subi le délitement de leurs pouvoirs d'achats depuis 2012, se retrouvent à ne plus payer d'impôt , ne paieront effectivement plus rien lors de la retenue à la source. Et par reconnaissance voteront nombreux pour Hollande pensant qu'ils o...

à écrit le 23/06/2015 à 18:32
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Il n'y a pas d'année blanche. Le budget de l'Etat est construit sur le cash flow procure par l'IRPP. Que la base de calcul de celui-ci soit l'année N ou l'année N-1 ne change qu'a la marge les choses (et l'Etat est même gagnant en fait car il économi...

le 28/06/2015 à 9:39
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Vous avez raison de dire que le budget est construit sur les CF mais la différence n'est pas à la marge ( ou la marge est grosse); ce qui va disparaître c'est 75 milliards , le montant de l'impôt 2017, En combien de temps? en théorie le temps que le ...

à écrit le 23/06/2015 à 18:32
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Qui croit sérieusement que l’État va faire un tel cadeau (année blanche) ? alors que l'effondrement de notre pays est un peu plus proche chaque jour (sauf pour Marco de ce forum). La dette est quasiment hors de contrôle et l’État voudrait faire l'imp...

le 23/06/2015 à 19:55
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Cela fait 200 ans qu'on nous sort le coup de l"effondrement du pays". Ne serait-il pas possible de changer de vocabulaire ? Ce serait plus crédible.

à écrit le 23/06/2015 à 16:56
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Les rentiers, les bureaucrates , les syndicalistes, ces pseudo -élites , les banquiers à l'abri de leurs guichets, chaque socialiste souhaitent que ce gouvernement soit réélu ; ils vivent si bien de la rente de cette idéologie qui précarise, fabri...

à écrit le 23/06/2015 à 16:44
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On pourrait assimiler cette mesure à une généralisation pour tous de la mensualisation de l'impôt à la seule différence qu'avec la mensualisation on paye l'impôt sur la base de flux perçus l'année N-1 qui peuvent différer à N. Les véritables gagnan...

à écrit le 23/06/2015 à 16:29
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L'auteur, professeur d'économie pourtant, commet une erreur de raisonnement économique. L'année blanche, indépendamment de toute optimisation fiscale est en soi un cadeau fiscal et une perte pour l'Etat de 70 milliards d'euros. http://www.lesecho...

le 27/06/2015 à 23:29
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Faux!

à écrit le 23/06/2015 à 15:28
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En attendant le coup de massue de la fusion IRPP -CSG en mode progressif pour tous ( enfin les 50% qui payent encore l'IR ) Et ceux là ils verront un vrai changement quand il faudra absorber les 45Md de plus de CSG à eux tous seuls... allez on vous...

à écrit le 23/06/2015 à 14:38
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Cette notion d' "année blanche" est de l'ordre de l'utopie. Bercy veillera aux variations conséquentes des impôts - il n'a jamais été dit qu'il n'y aurait pas de déclarations sur 2017. La théorie de l'optimisation - qui ne concernerait qu'une minor...

le 23/06/2015 à 16:50
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Tout à fait d'accord avec vous, il a été dit "pas perte pour l'état", cela sous-entend, une estimation de l'impôt dû en 2017 via une déclaration classique et une comparaison avec le prélèvement total 2018, et une éventuelle régularisation pour l'état...

le 28/06/2015 à 9:41
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http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-134132-pourquoi-lannee-fiscale-blanche-serait-elle-un-vrai-cadeau-fiscal-1130170.php

à écrit le 23/06/2015 à 13:29
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Il est dommage que ce Monsieur qui e prétend économiste ne connaisse rien du monde réel du travail. Par exemple, une épouse qui reprend un travail = une autre personne qui faisait son travail qui se retrouve au chômage. Le résultat global est donc nu...

à écrit le 23/06/2015 à 13:23
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Si l'idée est de Terra Nova alors c'est un truc pas net. Exemple: La fusion IR CSG qui rendra cette dernière progressive , ruinant un peu plus les classes moyennes, ce dont Terra Nova et pépère "Ma campagne 2017" se moquent totalement, puisqu'il ont ...

à écrit le 23/06/2015 à 12:42
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Désolé mais le qualificatif "d'année blanche" est un piège à gogo et le professeur d'économie tombe dedans! "Demain on rase gratis" est toujours un fantasme d'économiste à la recherche du graal fiscal pour politique en mal de réélection.. Apparemment...

à écrit le 23/06/2015 à 11:18
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Pour l'immense majorité des personnes concernées (salariés), à revenu constant, une année donnée, au lieu de payer x euros au titre des revenus de l'année n-1, il faudra payer x euros au titre de l'année n => il n'y aura aucun intérêt.

le 28/06/2015 à 9:32
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Non, cela changera pour tous ceux qui seront imposable en 2017; ils recevront un cadeau fiscal du montant de cet impôt mais avec paiement différé. les jeunes devront attendre longtemps avant de le toucher; ceux qui sont prés de la retraite ( au sens ...

à écrit le 23/06/2015 à 10:56
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"L'année blanche" ne concernerait a priori selon l'article et d'autres sources que les revenus salariés, les indépendants continueront a payer comme les autres années puisqu'ils ne seront pas concernés.

à écrit le 23/06/2015 à 10:24
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Les actifs gagnent normalement un peu plus chaque année, rarement moins. En payant des impôts sur les revenus de l'année en cours plutôt que sur ceux de l'année précédente, on paie mécaniquement plus. Quant à ceux qui commencent à travailler et qui n...

le 28/06/2015 à 9:23
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Il y'a au moins deux moments particuliers ou le revenu baisse; au départ à la retraite et au... décès.. l'année blanche c'est mathématiquement 75 milliards de cadeau fiscal au profit des plus riches et des plus âgés. la perte de 75 milliards pour l'...

à écrit le 23/06/2015 à 8:59
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L'année blanche pourquoi pas mais cela ne va faire qu'accroître l'injustice fiscale. pour la majorité des salariés cela ne va rien changer par contre pour les indépendants cela va être l'occasion d'optimiser et cela va faire la fortune des comptable...

à écrit le 23/06/2015 à 8:22
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C'est bien vu, politiquement parlant, mais cela ne suffit pas à redresser une économie et le manque de vraies réformes va peser sur le bilan de ce gouvernement intrinsèquement conservateur. Il y aura certainement un effet d'aubaine en 2017 et une co...

le 23/06/2015 à 11:07
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Si la voiture n'avance pas bien, la politique de la gauche consiste à mettre la voiture sur une route qui descend... Ils n'ont pas de mécanicien compétent pour mettre les mains dans le cambouis, régler l'allumage et regonfler les pneus...

le 23/06/2015 à 13:27
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Ce n'est pas une question de parti politique, puisque celui ci applique des mesures "de droite", certes tout en préservant son pré-carré d’électeurs (majoritairement de la fonction publique ?) Tout comme pour les gouvernements précédents, le problèm...

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