Ségolène Royal : « Les ours blancs... Ils sont peut-être socialistes ! »

Par Bastien Privat, Mardis de l'Essec  |   |  987  mots
[Les Mardis de l'Essec] Ségolène Royal, ancienne ministre de l'Environnement et actuellement ambassadrice des pôles Arctique et Antarctique a été l'invitée le 30 janvier dernier des Mardis de l'Essec, dont La Tribune est partenaire. Retrouvez ici la vidéo de son intervention et le texte rédigé à l'issue par un des étudiants.

Pour leur second débat de l'année, les Mardis de l'ESSEC ont reçu Ségolène Royal, candidate à la présidentielle en 2007 et ministre de l'Environnement sous le gouvernement Valls. N'ayant rien perdu de sa combativité, la Madone du Poitou a su défendre son combat pour les droits des femmes, mais aussi pour le climat, un thème qui lui est particulièrement cher. Elle a en effet été nommée ambassadrice chargée de l'alliance solaire et des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique. Madame Royal a donc eu la lourde tâche, durant le débat, d'expliquer ce qui se cache sous un poste à l'intitulé aussi alambiqué.

« Développer sans détruire, c'est le maître mot »

D'emblée, Ségolène Royal souligne l'importance du concept de justice climatique qui, « contrairement à la justice sociale et économique, ne prend pas aux uns pour donner aux autres ». Elle s'attache ensuite à développer cette idée, qu'elle expliquait déjà dans son livre Manifeste pour une justice climatique, paru en 2017. Puisque nous sommes tous concernés par les enjeux climatiques, il convient de prendre le problème du réchauffement de la Terre à bras-le-corps. Tout le monde, selon elle, paierait le prix d'une mauvaise politique environnementale : tensions géopolitiques, pénurie énergétique, dégradation de notre habitat naturel, sont autant de fléaux qui nous guettent et auxquels nous ne pouvons échapper. D'ambitieuses mesures politiques doivent ainsi être mises en place, afin d'orienter les capitaux vers des investissements plus verts. Y compris des dispositifs de taxes et de subventions, à l'instar de la taxe carbone et des labels écologiques.

Augmenter la fiscalité du diesel et taxer davantage le gaz naturel ? À ses yeux, il ne s'agit pas d'écologie punitive, mais de « protection de la santé publique »... Cela ne s'apparente-t-il cependant pas à « prendre aux uns pour donner aux autres », chose que madame Royal déclarait vouloir éviter ?

C'est effectivement tout un arsenal de mesures écologiques que l'ancienne ministre souhaite déployer, et l'une de ces armes est le programme de « green bonds », des titres financiers visant à soutenir l'investissement responsable. Elle défend le bilan des obligations vertes et admet que même si les critères de sélection ne sont pas assez contraignants, la France est pionnière dans ce domaine : il convient donc de continuer dans cette voie.

 C'est lors de la COP21 que madame Royal a véritablement sorti l'artillerie lourde : un accord historique entre 196 pays -y compris les États-Unis-, tous unis pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Une véritable machine à tuer du réchauffement climatique (et l'argent du contribuable ?), en somme. Est-ce une machine indestructible ? Interrogée sur les conséquences du retrait des USA des Accords de Paris, l'ambassadrice admet : « c'est sûr que cela met un coup » même si, juridiquement, « cette sortie ne sera effective que dans 3 ans ». Plus surprenant encore, elle prête des aspects positifs à la décision de Donald Trump : cela fut un électrochoc pour la société civile américaine, qui a pris conscience des enjeux climatiques et s'est organisée d'elle-même pour agir. L'ancienne ministre s'efforce donc de positiver, même lorsque l'interviewer lui rappelle qu'aucun dispositif de sanction n'est prévu au cas où un pays ne respectait pas ses engagements. Il ne s'agit en outre pas de la seule embûche à laquelle le soldat Royal, dans sa croisade antipollution, est confronté.

« L'État est là pour donner des objectifs et des horizons »

Fermement opposée à l'usage du glyphosate, Ségolène Royal se heurte d'abord à la volonté d'Emmanuel Macon de continuer à employer ce pesticide dans des cas particuliers. Elle souligne les effets néfastes, selon elle, du glyphosate : augmentation du risque de cancers, avancement de l'âge de la puberté chez les jeunes filles. C'est pourquoi « il faut lever la loi du silence » et affronter le poids des lobbies, en poussant les industriels à trouver des substances moins nocives via des mesures politiques. Elle prend l'exemple des sacs plastiques, qu'elle a interdit dans les supermarchés, au grand dam des fabricants et importateurs de ces sacs. Le ton est donné : en matière d'écologie, il faut de la fermeté et mettre tout le monde « en ordre de marche ». Cela va même « dans l'intérêt de tous », prétend l'ancienne ministre. Pas sûr que les industriels et le consommateur surtaxé soient d'accord avec elle. Et même parmi les rangs des « écolos », des dissensions apparaissent.

Ségolène Royal défend une « grande continuité » entre son action et celle de son successeur Nicolas Hulot. Ce dernier s'appuierait ainsi largement sur la loi de transition énergétique mise en place quelques années plus tôt. Cependant, alors qu'elle prônait une fin rapide du nucléaire dans le mix énergétique français, le gouvernement souhaite prolonger son utilisation jusqu'à au moins 2035. Coup dur. Hulot a en outre pris madame Royal à contrepied en réautorisant l'exploitation des hydrocarbures au large de la Guyane : « je n'avais pas du tout donné mon accord, comme pour le glyphosate » commente-t-elle. Quel est donc son positionnement politique, entre la gauche de Mélenchon et le « ni gauche ni droite » de La République en Marche ?

 « Je n'ai pas d'avis. Je ne m'implique pas dans la vie du PS », répond-elle calmement. Étrange pour celle qui a mené les socialistes au second tour en 2007. De son côté, elle a en tout cas lancé son mouvement Désirs d'avenirs pour la planète, groupe indépendant de réflexion autour des enjeux climatiques. Royal se serait-elle séparée de son premier amour, le Parti Socialiste ?

Peut-être bien. Et lorsqu'on lui demande qui elle sauverait entre le PS, les ours polaires et les baleines boréales, sa réponse accompagnée d'un large sourire en dit long : « Les ours blancs... Ils sont peut-être socialistes ! »